Après une grève d'avertissement de 24 heures, le 18 octobre, suivie à 75% par les cheminots (chiffre supérieur à celui des grévistes de 1995), sept fédérations syndicales sur huit appelaient à une grève reconductible, à partir du 13 novembre. Ce jour-là, 65% du personnel de la SNCF cessait le travail, le pourcentage de grévistes étant massif parmi le personnel d'exécution. Parallèlement, les syndicats d'EDF-GDF comme ceux de la RATP lançaient un mot d'ordre semblable. Tous s'engageaient dans l'action pour défendre leurs régimes spéciaux de retraites, le maintien de l'âge de départ et une pension à taux plein après 37,5 annuités. Les perspectives, pour les uns comme pour les autres, étaient d'atteindre, dans une première phase, la date du 20 novembre, jour choisi pour une grève nationale de l'ensemble de la fonction publique.
A la SNCF, des Assemblées générales des grévistes faisaient quotidiennement le point sur les négociations et la poursuite du mouvement. La résolution des personnels était vive, et leur combativité totale.
Malheureusement, certaines Fédérations trainaient les pieds, acceptaient de négocier sur l'adaptation des mesures gouvernementales, et plus sur leur rejet. dans ce climat, une rencontre surprise, à la veille même de la grève, entre Bernard Thibaut et Nicolas Sarkozy, jetait un doute sur la volonté de la CGTde poursuivre la lutte sur les revendications de départ. Et tout au long de la semaine, les rencontres entre la direction de la SNCF et les délégations syndicales dérivaient sur une négociation visant à gommer les aspects les plus criants de la réforme gouvernementale, abandonnant le maintien des 37,5 annuités et acceptant, de fait, le report de l'âge de départ. Puis ce fut le retrait de certaines fédérations du conflit. Alors que le personel d'exécution, conducteurs, aiguilleurs, contrôleurs, restait majoritairement dans la grève, à travers les AG tenues en permanence, le pourcentage du personnel en grève, comptabilisé globalement, baissait, jour après jour. Enfin, sous prétexte d'avoir inclus un représentant du pouvoir dans la négociation, celle-ci, devenue tripartite, au niveau de chaque profession, SNCF, RATP, EDF-GDF, devait s'étaler sur des semaines, rendant impossible le maintien du mot d'ordre de grève durant toute cette période. Quant à l'objectif des discussions, le rejet initial de la réforme des régimes spéciaux, laissait la place à l'étude de mesures limitées, acceptant l'essentiel du projet gouvernemental.
Puis, les jours, les semaines passant, le silence devenait total sur les négociations. Pas la moindre information émanant des syndicats...
Où en sommes-nous en cette fin du mois de janvier ?
Un cheminot de Saint-Etienne, militant de la CGT, dans une lettre daté du 29 janvier, fait le point.
"I -) D'abord, j'ai reçu un courrier de mon directeur d'établisement sur les nouvelles directives concernant le 'service minimum' :
Qu'elle ne fut pas ma surprise de constater que SEULS les conducteurs, les contrôleurs et les aiguilleurs sont concernés par la fameuse déclaration :
obligation de se déclarer 'gréviste' 24 heures à l'avance, en cas d'arrêt de travail (sous peine de sanctions disciplinaires), et, cerise sur le gâteau, la circulaire oblige les salariés prévus au repos (RU et congés), le jour de la grève, à se DECLARER GREVISTES 48 heures à l'avance, s'ils refusent de remplacer leurs collègues dans le mouvement.
A ce jour, aucune réaction de mon syndicat (la CGT), bien que j'aie en mémoire un tract de la FD-cheminots CGT de juin dernier qui promettait une 'réaction d'ampleur' en cas de 'service minimum' instaurant toute limitation du droit de grève...
II -) Puis la direction nous a faxé le décret du gouvernement sur la 'réforme des régimes spéciaux de retraites', paru au Journal Officiel...
Comment 'négocier' dans ces conditions ?
C'est hallucinant !
J'ai plusieurs collègues qui ne veulent plus parler de syndicalisme, de grèves, de manifs'. "La CGT nous a vendus", disent-ils. En tous cas, la nouvelle a dérouté un certain nombre de collègues, qui croyaient sincèrement que la 'négociation' porterait sur la réforme, et non à la marge.
Bref, à la manifestation du 22 janvier, à Paris, où nous étions environs 40.000 ( avec ceux de la RATP et de l'EDF-Gaz de France), soit autant que l'an passé, où, nous cheminots, nous étions seuls...
Il y avait du monde, mais le coeur n'y était pas, le désarroi dominait chez tous".
Il n'y a rien à ajouter .