Le 7 mars dernier, France Inter, a intitulé son émission "Le téléphone sonne" :
"Des CH'tis aux Corses en passant par les Alsaciens et les Bretons".
Avec des invités acquis à la cause des langues régionales, il s'agissait, en particulier, de promouvoir l'usage et l'étude, entre autres, du picard, du breton de l'alsacien et du corse. Le succès commercial du film "Bienvenue chez les Ch'tis", et la découverte, pour les non-initiés, du "parler picard", servait de prétexte à ce débat. Et chacun des intervenants de louer ce retour aux sources, le caractère bénéfique des langues de nos vieilles provinces, le charme des idiomes et des patois. On pataugeait dans l'Oc et l'Oïl. Tout n'était que littérature et poésie. Henriette Walter, la professeur à l'Université de Haute-Bretagne, vantait ces milliers de jeunes Bretons qui recevaient leur formation en langue du pays dans les écoles diwan (que Jack Lang voulait intégrer dans l'Education nationale, projet rejeté par le Conseil constitutionnel). Alain Dawson, spécialiste du "picard", laissait éclater sa joie de voir ce parler, remis en valeur dans le film. En fait, celui-ci se passant à Bergues, ville éminemment flamande, n'a guère enchanté la population qui ne parle pas "picard" ! Un comédien et réalisateur corse, Robin Renucci, a vanté la langue de l'île de Beauté, et Emilienne Kaufmann, de France Bleue Elsass a fait de même pour l'alsacien.
Tous ont déploré le fait que le français demeurait la seule langue officielle.
Cet échange aurait pu n'apparaître que comme un débat d'esthétes, soucieux de garder précieusement les trésors trop souvent cachés de notre patrimoine.
Il n'en est rien.
L'émission en question s'intègre dans l'offensive menée contre la Nation, une et indivisible. Sus au centralisme jacobin ! Et la langue unificatrice, le français, doit laisser la place aux langues des anciennes et diverses provinces. Il faut construire l'Europe des régions !
C'est si vrai que 120 députés, menés par Marc Le Fus (UMP) et Maryse Lebranchu (PS), à l'occasion de la révision constitutionnelle qui a précédé la ratification du traité de Lisbonne, ont proposé de modifier l'article 2 de la Constitution. Pourquoi ? Leur objectif était d'amender le texte actuel - "La langue de la République est le français" - pour ajouter : "dans le respect des langues régionales qui font partie de notre patrimoine".
Le but était clair : lever l'obstacle juridique qui interdit, dans notre droit, d'inclure la "Charte des langues régionales", adoptée par le Conseil de l'Europe, en 1992, signée par la France en 1999 et toujours lettre morte.
En fait, il faut, pour les fanatiques de l'Europe intégrée, revenir sur l'édit de Villers-Cotterêts, signé en 1539 par François Ier, qui confère au français le statut de "langue administrative courante". Par souci de clarté, cette ordonnance exigeait que tous les arrêts de justice soient rendus "en langue maternelle françois", pour que ceux-ci soient intelligibles par tous les Français, de quelque province qu'ils soient.
Ainsi, François Ier fut à l'origine de notre langue, symbole de l'unité de l'Etat.
La Révolution française a, pour sa part, imposé le formulaire unique pour les actes de naissance et de décès, rompant avec les manuscrits des registres paroissiaux, peu lisibles.
Cette volonté unificatrice est aujourd'hui mise en cause.
Elle s'exprime dans le "Protocole de Londres" qui stipule que
"Les pays qui ont une langue officielle en commun avec une langue officielle de l'Office Européen des Brevets ( c'est-à-dire l'anglais, le français et l'allemand )n'exigeraient plus de traduction des brevets européens dans leur langue nationale".
Cela concerne le Royaume-Uni, la France et l'Allemagne.
Votée par le parlement français à l'automne 2007, ce protocole entrera en vigueur au 1er mai 2008. Approuvé par le Médef, donc aggréé par le gouvernement de Nicolas Sarkozy, ce protocole rassemble contre lui toutes les professions concernées. Les juristes qui mesurent les litiges à venir, dus aux diverses interprétations, les traducteurs privés d'emplois - il n'y aura plus de version française des brevets - , les cadres dans les entreprises, sans connaissance approfondie de l'anglais technique, et aussi l'Académie française et d'autres fondations intellectuelles, s'élèvent contre le "Protocole de Londres". Celui-ci a été rejeté par la Belgique, l'Irlande, l'Autriche et les quatre pays du sud, le Portugal, l'Espagne, l'Italie et la Grèce. Mais pas par la France, ni l'Allemagne...
Voilà ce qui se cache derrière cette campagne pour la diffusion des langues régionales : la mise à l'écart de notre parler officiel, bientôt jugée "langue morte", comme le grec et le latin.
A quand une émission de France Inter sur "la défense de la langue française" ?