L’armée française traînait sa guerre tranquillement en Afghanistan, dans la plus grande indifférence de l’opinion. Une embuscade meurtrière – dix morts et nombre de blessés, parmi « nos » paras – a réveillé les médias. Ce n’était plus de jeu si les pertes ne se comptaient pas seulement chez les « talibans ». L’affaire fait donc grand bruit et la Une de l’actualité. Jusqu’au PS qui pousse des cris d’orfraie et demande un débat d’urgence, au Parlement. Certes, les socialistes ne demandent pas le retrait de nos troupes, mais une « redéfinition » de leur mission.
L’émotion socialiste est d’autant spectaculaire que c’est le gouvernement Jospin, au pouvoir en 2001, qui avait décidé l’envoi d’un contingent militaire à Kaboul…
De son côté, le PCF appelle au rapatriement des soldats français. C’est bien. Mais ses ministres, au sein de la gauche plurielle (et parmi eux, Marie-Georges Buffet), avaient tourné la tête pour ne pas voir la guerre dans laquelle la France, alors, s’engageait.
Aujourd’hui, depuis l’anéantissement de la patrouille, la droite fait front. Le général Sarkozy, chef des armées, donne le ton. Martial et jugulaire-jugulaire, mouvement de menton en plus, le président exhorte les citoyens à soutenir l’armée qui « défend, là-bas, nos valeurs et notre sécurité ».
Les frontières de la France ainsi portées aux confins du Pakistan, c’est pour le coup renouer avec la France du temps de son empire. Et les ministres d’en rajouter sur les raisons de notre présence en Afghanistan. « Nous ne sommes pas en guerre ! » affirme Hervé Morin. Comme, hier, en Algérie, pourrait-on ajouter. Une simple « opération de police », en quelque sorte. Et comme du temps des expéditions coloniales, le ministre d’évoquer « l’œuvre émancipatrice » de nos soldats, « les écoles et les hôpitaux », offerts aux Afghans.
« L’ennemi », c’est forcément « le terroriste » et le « terrorisme » des Talibans. Ceux-ci représentent « le Moyen-âge », et « nous », la « civilisation ».
Dommage que les Occidentaux ne s’en soient pas aperçus plus tôt, du temps où les Soviétiques luttaient contre les « courageux combattants de la liberté » Cela aurait évité d’armer massivement les « terroristes » contre les Rouges…
Donc, aujourd’hui, nos paras crapahutent dans les djebels afghans pour « casser » du taliban, au nom des intérêts supérieurs de la patrie. A propos, de quelle patrie s’agit-il ? Car, si on se souvient bien, le contingent français se trouve « là-bas », intégré et sous les ordres de l’Otan, sous commandement américain. Les Etats-Unis, empêtrés en Irak, ne sont plus en mesure d’assurer seuls la guerre qu’ils ont déclanchée en 2001. Et il leur faut des supplétifs, mission assumée par diverses forces étrangères, dont celle de l’armée française. Une « légion étrangère » en somme.
« Etranger » est bien le qualificatif qui convient lorsqu’il vise notre véritable intérêt national.
Du temps de l’empire colonial, les guerres faites aux peuples et l’occupation de leurs territoires, étaient menées pour des intérêts privés français. Ce colonialisme perdure, en Afrique essentiellement, sous une forme camouflée.
Aujourd’hui, en Afghanistan, l’expédition militaire est menée, par procuration, pour les intérêts privés américains...
Raison de plus pour exiger le rapatriement de tous les contingents militaires français établis en dehors du territoire national, et en premier lieu, en Afghanistan.