Notre Baratintin de Matuvu a fait, hier, à Toulon une nouvelle démonstration de ses capacités bien connues de prestidigitateur, drapé dans la cape de Zorro. Depuis six ans, il est en haut de l’affiche, des tréteaux de Beauvau à ceux de Bercy. Et depuis quinze mois, honneur suprême, il donne une représentation quotidienne sur la scène de L’Elysée-Montmartre, étalant ses talents de spiritisme, voire de spiritualité benoîte. Mué divinement en chanoine d’honneur, il annonce, au fil des mois et des années, le miracle, et la France, grâce à lui, sauvée.
Aujourd’hui, changement de programme.
Traversant l’Océan d’un coup d’ailes des bords d’East River à la Grande Bleue, « l’homme de l’année »*s’en est allé porter au Zénith le message attendu à la foule anxieuse des fidèles. La situation est grave. Le Mur d’Argent s’écroule. Wall Street charrie les « créances pourries », dont l’odeur empeste Manhattan et toute l’Amérique. L’épidémie financière se répand à travers le monde.
Notre Matuvu fait connaître son diagnostic :
« Pendant plusieurs décennies on a créé les conditions dans lesquelles l'industrie se trouvait soumise à la logique de la rentabilité financière à court terme. On a caché les risques toujours plus grands qu'on était obligé de prendre pour obtenir des rendements de plus en plus exorbitants. On a mis en place des systèmes de rémunération qui poussaient les opérateurs à prendre de plus en plus de risques inconsidérés. On a laissé les banques spéculer sur les marchés ».
L’analyse dut en surprendre plus d’un.
Et d’en conclure :
« L'idée de la toute puissance du marché qui ne devait être contrarié par aucune règle, par aucune intervention politique, était une idée folle. L'idée que les marchés ont toujours raison était une idée folle.
C'était une folie dont le prix se paie aujourd'hui.
Ce système où celui qui est responsable d'un désastre peut partir avec un parachute doré, où un trader peut faire perdre cinq milliards d'euros à sa banque sans que personne ne s'en aperçoive, où l'on exige des entreprises des rendements trois ou quatre fois plus élevés que la croissance de l'économie réelle, ce système a creusé les inégalités ; il a démoralisé les classes moyennes et alimenté la spéculation sur les marchés de l'immobilier, des matières premières et des produits agricole ».
Baratintin de Matuvu explique le pourquoi de la crise, en s’en prenant au système économique lui-même, béni par lui jusqu’ici.
A-t-il subi un funeste sort jeté par un dangereux marxiste infiltré dans sa maisonnée élyséenne ?
Que nenni !
Notre prestidigitateur nous rassure :
« Mais ce système, il faut le dire parce que c'est la vérité, ce n'est pas l'économie de marché, ce n’est pas le capitalisme. L'économie de marché c'est le marché régulé, le marché mis au service du développement, au service de la société, au service de tous. Ce n'est pas la loi de la jungle, ce n'est pas des profits exorbitants pour quelques-uns et des sacrifices pour tous les autres. L'économie de marché c'est la concurrence qui réduit les prix, qui élimine les rentes et qui profite à tous les consommateurs ».
Ceux-ci ont, en effet, mesuré combien « le marché », « par la concurrence, réduit les prix ». Ils en font l’expérience tous les jours. Les Français ont constaté l’effet bénéfique de l’économie de marché « est au service de tous », que « ce n’est pas des profits exorbitants pour quelques uns ». Bernard Arnaud, Vincent Bolloré, Martin Bouygues, Arnaud Lagardère et 36 autres membres du célèbre Clan du CAC 40, vous le jureront, la main sur le portefeuille.
Donc, il ne faut pas se tromper de cible.
Le sieur de Matuvu en prend pour preuve l’histoire de l’humanité :
« Le capitalisme c'est ce qui a permis l'essor extraordinaire de la civilisation occidentale depuis sept siècles ».
De la Guerre de Cent Ans à la Seconde guerre mondiale, en passant par toutes celles qui se qui se sont succédées de Louis XIV à Napoléon et au prince-président, de l’esclavage aux expéditions coloniales, de l’exploitation éhontée des populations ouvrières aux massacres de la Commune, le capitalisme n’a donc apporté que bonheur, paix et fraternité C’est ce que le prestidigitateur, jouant sur les mots, appelle : « l’essor extraordinaire de la civilisation occidentale ».
Donc, dit-il, poursuivons dans la même voie !
« Je veux le dire aux Français : l'anticapitalisme n'offre aucune solution à la crise actuelle.
La génération qui avait vaincu le communisme avait rêvé d'un monde, où la Démocratie et le marché résoudraient tous les problèmes de l'humanité. Elle avait rêvé d'une mondialisation heureuse qui vaincrait la pauvreté et la guerre.
Ce rêve a commencé à devenir réalité ».
Les millions de privés d’emplois et de précaires, les travailleurs pauvres, les 39% de Français qui ne peuvent plus se soigner correctement, les sans logements, les sans papiers, apprécieront « la mondialisation heureuse » ainsi décrite, du Capital.
Et pour guérir celui-ci de ses troubles actuels, « cette crise, sans équivalent depuis les années 30, marque la fin d'un monde », Baratin de Matavu veut tout simplement « moraliser le capitalisme ». Comme d’autres, construire une « Europe sociale ».
Et pourquoi pas transformer la Mafia en organisation de bienfaisance?
Cependant, cet embarquement pour cette terre pleine de promesses risque des embardées. Matuvu énumère, avec emphase, les risques et les obstacles à prévoir : le chômage en hausse, le pouvoir d’achat en baisse, la croissance en berne, les retraites menacées.
Tout le contraire, d’un chemin parsemé de roses pour parvenir à un « capitalisme heureux ».
Mais, il y a bien des imbéciles heureux…
Ceux qui croient encore aux tours de passe-passe et aux boniments des joueurs de bonneteau.