Texte "emprunté" sur EL DIABLO

La lutte des classes, ça vous dit quelque chose ? Vaguement ? C'est bien tout le problème... Dans « La guerre des classes », le journaliste François Ruffin démontre quand et pourquoi la gauche a abandonné toute référence à l'opposition entre le capital et le travail. Une trahison en forme de modernisation dont nous n'avons pas fini de faire les frais.
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« Toute l'histoire de l'humanité jusqu'à nos jours n'a été que l'histoire
de la lutte des classes. » Karl Marx
C'est joli, n'est-ce pas ?
Mouais... Ça sent le formol. Le renfermé, le démodé. L'épitaphe de pierre tombale, même. Comme si l'analyse marxiste ne méritait rien d'autre que de finir entre deux boules de naphtaline, au fond d'un placard de grand-mère. Ringarde.
Alors que... non ! Evidemment, non. La lutte des classes - la guerre, même - n'a jamais été aussi vivace, brutale, que maintenant qu'elle est niée, soi disant dépassée. Chape de plomb sur la réalité, silence et mensonges, merde dans les yeux que François Ruffin s'évertue à nous ôter, avec méthode, conviction. Avec rage même, tant son livre respire le dégoût, inspire la colère.
L'ouvrage - La guerre des classes, publié chez Fayard - démarre (ou peu s'en faut) sur une citation du milliardaire américain Warren Buffett : « La lutte des classes existe, et c'est la mienne qui est en train de la remporter. » Etrange... Le requin de la finance clame tout haut ce que l'ensemble de la gauche française de gouvernement a cessé de dire depuis la fin des années 1970, quand elle a liquidé toute référence à Marx ou à Jaurès.
Depuis, donc, la gauche se tait. Elle ne cite pas ce document de la Bank for International Settlements, la banque des règlements internationaux, constatant une « part inhabituellement élevée des profits », sans précédent sur ces 45 dernières années. Elle ne dit pas ce chiffre du FMI prouvant que la part des salaires dans le produit intérieur brut français a baissé de 9,3% entre 1983 et 2006. Elle ne reprend pas Alan Greenspan, ancien directeur de la Banque centrale américaine, qui s'inquiète du « découplage entre faibles progressions salariales et profits historiques des entreprises ». La gauche se tait, la droite en profite.
Mais François Ruffin parle, lui. Habitué à jeter des pavés dans la mare, l'auteur des Petits soldats du journalisme, bouquin qui fit grand bruit en 2002 tant ils sont rares les gens de presse à dénoncer les usines à crétins uniformes que sont devenues les écoles de journalisme, l'ouvre même en grand. Rappelle chacun à ses responsabilités, traître socialiste ou propagateur libéral. Et démontre froidement, à grand renfort de chiffres et de reportages aux côtés de salariés en lutte, en marge d'un tournoi de polo à Megève ou dans la demeure d'un petit boursicoteur de province, combien la lutte des classes est plus que jamais d'actualité.
« J'affirme que la guerre des classes, et l'écrasement d'une classe par l'autre, traverse toute la société, qu'elle est structurelle et non sectorielle, écrit l'auteur. Qu'il s'agit d'un constat scientifique, rationnel, et non partial ou partiel. Que se déroule au-dessus de nos têtes, invisibles, comme un bras de fer global, et non local, entre le Capital et le Travail, la force du premier qui fait plier le second. »
Ce livre, vous devriez l'acheter. Parce qu'il fait un bien fou. Parce qu'il démontre combien les jocrisses et les tartuffes nous ont enfumés pour mieux nous plumer. Parce qu'il est comme un long coup de poing, aussi brutal que travaillé en profondeur, venant secouer tant de positions acquises et de discours convenus.
source : « article11 »