Telle est la dernière phrase de la chronique de Bernard Guetta, sur France Inter, le 8 décembre dernier. Considérant, avec inquiétude, l'incidence des évènements de Grèce sur le plan européen, le journaliste conclut :
"La Grèce demeure un maillon faible de l’Union européenne mais, au-delà de ses handicaps historiques, elle ressemble beaucoup, aussi, au reste des pays de l’Union, avec des systèmes de protection sociale dégradés et en déficit, des régimes de retraite incertains, des privatisations mal admises et deux grands partis dominants, de centre-droit et de centre gauche, que des crises d’identité divisent pendant que s’affirme, dans les rues comme dans les urnes, une gauche radicale, anti-européenne et tribunicienne.
Partout en Europe, le chômage va augmenter. La crise économique porte en elle une crise sociale de grande ampleur.
La Grèce n’est pas seule concernée par ce qui s’y passe."
Cette analyse, fort sage, exprime la grande peur des possédants face aux suites prévisibles du saccage social et économique, organisé par le Capital et les forces politiques à son service, au sein des vingt-sept Etats de l'Union européenne.
L'état d'exaspération de la jeunesse grecque (étudiante, en premier), ses manifestations porteuses d'une grande violence contestataire, son occupation des centres villes du pays, sont le signe d'un 'ras-le-bol' généralisé d'une génération sans avenir. Le meurtre de sang-froid d'un adolescent, Andreas Grigoropoulos, par un policier, a mis le feu aux poudres. La jeune victime est devenue le symbole de la révolte
Mais l'explosion grecque, qui n'est pas confinée aux banlieues ghétoïsées comme en France à l'automne 2005, fait écho à la colère ouvriére qui s'exprime, ce 10 décembre, par la grève générale et par des manifestations populaires, à l'appel de tous les syndicats.
Journée "à grand risque", commentent les médias inquiets.
Le gouvernement de droite de Costas Caramanlis, qui ne dispose que d'une voix de majorité au Parlement, hausse le ton, tout en faisant appel "à l'unité de la Nation". L'opposition socialiste, par la voix de son leader, Geoges Papandreou, exige la démission du gouvernement, espérant rafler la mise en cas d'élections anticipées. Mais, faut-il le rappeler, le Pasok (le PS grec), ne diffère en rien, dans son zèle "européaniste", de celui qui anime son adversaire de droite. Une "alternance" parlementaire entre ces deux familles qui se disputent le pouvoir de père en fils, depuis trente ans, ne modifierait donc pas les données de la situation explosive à Athènes et dans les principales villes helléniques.
Cependant, en Grèce, un vrai Parti communiste de lutte de classe, le KKE, mobilise avec succès une fraction importante de la population. De ce fait,
les évènements de Grèce créent le trouble parmi les "élites européennes". Les causes de cette insurrection morale ne diffèrent en rien de celles qui font lever la colère dans nombre de pays européens.
La politique de l'Union européenne, les mesures de contre-révolution sociale prises dans les vingt-sept Etats de l'Union (quelle que soit la couleur politique de leurs gouvernements), sont le fruit de la même orientation. Elles se ressemblent comme deux gouttes d'eau : baisse accélérée du coût du travail et du pouvoir d'achat, extension rapide du chômage, mise en coupe réglée des services publics au service des intérêts privés, coupes sombres dans l'enseignement, la santé, le logement, la culture. La crise économique de très grande ampleur du système capitaliste accentue la déterioration rapide du niveau de vie. Elle conduit à des réactions similaires dans plusieurs Etats de l'UE. Les manifestions de masse des enseignants et des parents d'élèves, à Rome comme à Lisbonne et à Paris, en fournissent l'exemple le plus récent.
La colère étudiante et la grève générale grecques leur font écho.
Ce mouvement de résistance, qui s'amplifie en Europe, jette le trouble dans les sphères dirigeantes des pays européens. Ne dit-on pas que Ce changement de climat inquiète vivement les "météorologistes" de l'opinion. Il n'y a pas que Bernard Guetta pour percevoir (et redouter), l'accumulation des noirs nuages de la colère et le débordement populaire de grande ampleur, qui pourrait survenir.
Ne dit-on pas que Nicolas Sarkozy craint une brutale contagion de la contestation sociale en France...
Dans cette situation, la carence (pour ne pas dire plus), des organisations ouvrières, leur frilosité à promouvoir des réactions d'envergure des salariés, des privés d'emplois, des retraités, des usagers des services publics saccagés, posent problème. La réticence, voire le refus, des centrales syndicales et des partis qui se situent "à gauche" à organiser une vaste riposte, un "tous ensemble" populaire, constitue une véritable trahison des intérêts de la classe qui souffre. Cette attitude de démission ne peut conduire qu'à des révoltes incontrôlées, des actes individuels désespérés, faute d'action collective coordonnée.
C'est ce qu'attend le pouvoir pour briser par la force ces réactions spontanées. Attention ! Danger !