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Face à la crise économique et aux scandales financiers, qui en découlent, il est de bon ton, dans nos médias, de fustiger les "dérives" du "capital". Vite, sans perdre un instant, il faut "moraliser" le système, tailler dans le vif, se séparer des "branches pourries", éliminer les "produits toxiques" qui empoisonnent l'économie. Jusqu'au président de la République de s'en prendre aux "parachutes dorés", aux "paradis fiscaux", dont pourtant ses proches amis font un miel. Doit-on en déduire que les Martin Bouygues, les Arnaud Lagardère, les Vincent Bolloré, les Bernard Arnaud, tels leurs ancêtres ci-devant de 1789, vont, dans une prochaine "nuit du 4 août",  décréter "l'abolition des privilèges" ?
Croire à une telle éventualité, c'est comme croire aux miracles. Les plus vigoureuses déclarations contre la "spéculation" et les "spéculateurs" ne sont que "barbe à papa" de fête foraine pour les amateurs de sucreries : un volume d'llusion qui s'évanouit aussitôt dans la bouche. Tous les discours vengeurs du pouvoir et de ses "agents de change" disparaissent comme par enchantement au contact des faits.
Mieux, le double langage est de rigueur.
Il suffit de lire ou d'entendre ces pourfendeurs de pratiques financières illicites, pour s'en persuader. Les bonimenteurs de l'économie, à peine l'encre de leurs morales homélies est-elle sèche, qu'ils s'empressent de jouer les "honnêtes courtiers" de la publicité la plus directe pour inciter nos bons concitoyens, ceux qui ont de l'argent, à spéculer à qui mieux-mieux. Une seule précaution à prendre : utiliser un vocabulaire particulier avec les mots adéquats pour donner...le change.
Ainsi, le Monde argent !, supplément bien nommé du quotidien du soir, n'y va pas par quatre chemins.
Il propose à ses lecteurs des "opportunités" de réaliser de bonnes affaires, à condition de bien choisir et de miser sur le furur. C'est ainsi que Jérôme Porier conclut ainsi son édito :
"Pourtant, il y a des évidences, mais il faut prendre suffisamment de recul pour les voir.
La population mondiale grossit et vieillit, les pays émergents, la Chine en tête, produiront plus de richesse que l'Occident. Les besoins en eau, en nourriture, en énergie, en soins de santé vont exploser au cours des prochaines décennies. Pour l'investisseur  capable de se projeter aussi loin et de faire preuve de patience, les profits seront au rendez-vous.
Sur le lond terme, malgré la chute des indices, la Bourse reste le meilleur endroit pour placer son argent
."
Et le même journaliste d'insister, pages 4 et 5, sur ces "opportunités", sous le titre prometteur :"Cest déjà demain !" :
"L'alimentation, l'eau, la santé, l'énergie et l'écologie sont les thèmes d'investissement à privilégier à long terme". Porier  insiste : "C'est en investissement en temps de crise et avec une optique de long terme qu'on réalise les meilleures affaires".
Sur le dos de qui ? Car gagner du fric en misant sur la hausse escomptée du prix de la nourriture, des céréales, de la viande - et de l'eau, nécessaire  à cet essor - , cela s'appelle spéculer à partir des besoins vitaux de peuples démunis. Peu importe, la faim dans le monde et le milliard d'êtres humains, qui en sont victimes, l'important, c'est d'en tirer bénéfice.
 Les spécialistes du Monde argent ! ne l'ignorent pas.
Page 7, toujours le même Porier récidive. Sous le titre "Faire face aux défis de la soif et de la faim", il rappelle, en début d'article, des statistiques :
"Les chiffres font peur. Selon l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), d'ici 2025, 1,8 milliard de personnes vivront dans des zones confrontées à une grave pénurie". Puis, citant d'abord Xavier Le Blan, directeur général de Prim'Alternative : "A long terme, l'augmentation du prix de l'eau  entrainera une hausse du prix des céréales", Porier  conclut,  avec Jean-Philippe Olivier, gérant de BNP-Paribas Parword Agriculture ("un fonds qui investit sur des indices répliquant l'évolution des cours des matières premières agricoles") : "Ceux-ci sont revenus à des niveaux historiquement bas. Sur le long terme, ils ne peuvent que s'apprécier".
En clair, faire des profits avec la misère du monde. 
Cet éloge de la spéculation, avec les meilleures recettes  pour en tirer un large bénéfice, n'est pas l'apanage du Monde. Tous les quotidiens et périodiques économiques proposent à leurs lecteurs de semblables conseils.
Il fut un temps où la "spéculation sur les grains et les farines", en période de pénurie, était punie de mort. Cela se passait du temps  où le peuple soulevé chassait de notre territoire, les armées de l'Europe monarchique coalisée.
Nous étions alors en pleine Révolution...

Tag(s) : #Lutte de Classe
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