Les centrales syndicales et les responsables des partis, qui se présentent comme étant "de gauche", frétillent d'aise à la décision de Xavier Darcos de surseoir à l'application de la "réforme" des secondes des lycées. On dirait, ma foi, qu'ils sont à l'origine du recul du ministre de l'Education ! L'attitude de ce dernier est le résultat de la mobilisation des lycéens et de la multiplication de leurs actions (blocage de plus en plus nombreux d'établissements, manifestations répétées et réussies dans maintes villes de France). Leur détermination a conduit le ministre à un retournement fulgurant. Ce dernier dernier ne déclarait-il pas, 24 heures avant, qu'il "ne reculerait pas d'un pouce", qu'il ne céderait pas aux pressions "d'une minorité", que d'ailleurs "sa réforme avait le soutien des élèves" !!!
Que s'est-il donc passé au cours de ce week-end ?
Pourquoi le président de la République et son ministre ont-ils tourné brusquement casaque ?
Les médias - déjà Bernard Guetta, sur France Inter, huit jours plus tôt *- et le personnel politique évoquent - le "syndrome grec". Les manifestations de la jeunesse universitaire d'Athènes, de Théssalonique, de Patras et de bien d'autres lieux, leur détermination, le soutien massif que leur accorde la population, l'ébranlement du régime qui s'ensuit, ont provoqué la panique au-delà de la Grèce, jusqu'aux bords de la Seine...La colère sociale hellénique a pour causes les mêmes motivations que celle qui s'enfle dans notre pays. La jeunesse qui a servi de détonateur là-bas, peut également provoquer un embrasement en France. Le mouvement lycéen apparaissait comme un signe avant-coureur d'une fureur plus vaste. D'où la marche-arrière gouvernementale pour tenter d'éteindre les braises.
Mais il faut malheureusement constater que les syndicats, la FSU entre autres, n'a pas, pour le moins, relayé la colère lycénne. Même les initiatives de résistance d'enseignants et de parents d'élèves, occupant des lycées, organisant des "réveillons" sur place, ne sont guère évoquées dans POUR, le mensuel de la centrale enseignante.
Pour sa part, la CGT n'a pu entrainer les autre syndicats dans une riposte globale immédiate. Elle a dû se résoudre à accepter un délais de six semaines pour mobiliser public et privé dans une initiative de grèves et de manifestations prévues seulement le 29 janvier. Ce décalage est préjudiciable à l'action populaire de masse. "Encore une journée traditionnelle de plus !", peuvent penser nombre de salariés, appelés deux à trois fois par an à une telle démonstration, apparaissant de "pure routine".
Est-ce la meileur façon de réagir ?
Certes, une "grève générale" ne se décrète pas "d'en haut". Les exemples de juin 36 et de mai 68 démontrent le contraire. Encore faut-il préparer le terrain, faire la démonstration que les actions débouchent sur des succès. Les travailleurs ne se mobilisent pas comme une troupe en manoeuvre. La dureté des temps, les fins de mois plus que difficiles, font qu'on ne sacrifie pas la paie d'une journée par discipline syndicale. Le nombre de temps partiels, de CDD dans les entreprises, font des salariés, qui y sont contraints, des cibles fragiles de choix pour l'arbitraire patronal, le climat de peur qui règne dans nombre d'usines, de 'grandes surfaces', de bureaux, sont autant de facteurs, qui rendent plus complexes le recours à des mots d'ordre de "grève générale".
Alors ? Les salariés seraient-ils démunis de moyens d'agir ?
Pas le moins du monde !
Faut-il encore avoir l'esprit inventif.
Rien n'interdit de multiplier les manifestations à des jours et à des heures, qui n'imposent pas une cessation du travail. Le soir, le samedi, voire le dimanche, des appels répétés à des manifestations de rue, au niveau de la commune, lancés par les syndicats, les partis, qui se réclament de la gauche, les associations, par les municipalités ouvrières, peuvent cristaliser le mécontentement.
Par exemple, en Seine-Saint-Denis (comme dans les autres départements et les quartiers populaires de Paris), des rassemblements devant les mairies draineraient des centaines de participants, distribuant des tracts à la population, encore en attente. Ensemble, convergeant vers les établisements scolaires et les cités, ils établieraient le contact avec les lycéens et et les jeunes de ces zones, que certains, appellent "sensibles" (celles-ci peu souvent visitées par des "manifs"), ces centaines de citoyens porteurs d'un message de résistance, permettraient de fédérer l'union de tous les mécontentements, de toutes les frustrations.
Répétées et étendues, ces manifstations ne resteraient pas sans écho dans les médias, et sans répercussions sur le pouvoir.
Ainsi, se préparerait, dans les meilleures conditions, un mouvement d'ensemble irrésistible.
* Citation de Bernard Guetta :
"La Grèce demeure un maillon faible de l’Union européenne mais, au-delà de ses handicaps historiques, elle ressemble beaucoup, aussi, au reste des pays de l’Union, avec des systèmes de protection sociale dégradés et en déficit, des régimes de retraite incertains, des privatisations mal admises et deux grands partis dominants, de centre-droit et de centre gauche, que des crises d’identité divisent pendant que s’affirme, dans les rues comme dans les urnes, une gauche radicale, anti-européenne et tribunicienne.
Partout en Europe, le chômage va augmenter. La crise économique porte en elle une crise sociale de grande ampleur.
La Grèce n’est pas seule concernée par ce qui s’y passe."