L'idée lui était venue, le matin, en se rasant. C'est le moment privilégié, pour chacun d'entre nous, de se regarder dans la glace, sans témoin, face à face avec soi-même. Nicolas Sarkozy, en premier, utilise cette opportunité pour se regarder, s'admirer, faire quelques exercices de menton, esquisser un sourire carnassier, hocher la tête d'un air plus que satisfait, interpelant un public imaginaire..
Mais au lendemain de sa prestation, à l'Ecole Polytechnique, sur les "disparités sociales" et les moyens de les réduire, un doute s'est insinué dans l'esprit du Président : allait-il encore abuser l'opinion et lui faire prendre encore longtemps "les enfants du Bon Dieu pour des canards sauvages" ? Certes, la confiance en lui était inébranlable. Mais, ne devait-il pas consulter, à ce sujet, des gens de bon conseil pour conforter ses certitudes ?
Aussi, Nicolas Sarkozy fit appel à son magicien du Verbe préféré, qu'il appelait affectueusement, son "papa-Gaino", car la plume de celui-ci lui semblait une flûte enchantée.
Papa-Gaïno le rassura, mais prudent, lui suggéra de s'associer à un professionnel de la magie, qui pourrait, le cas échéant, lui faire partager quelque secret dans l'art de faire passer les vessies pour des lanternes. L'idée parut bonne au Président, qui se mit à rechercher le meilleur prestidigitateur du moment.
On lui fit la suggestion du ministre de l'Ecologie. Le Président refusa : il cherchait un artiste, pas un clown, qui comptait préserver la nature en lui administrant, à hautes doses OGM et produits toxiques. Même les abeilles en mouraient de chagrin.
C'est alors que Nicolas Sarkozy, toujours bien informé par la première dame de France, fort introduite dans le milieu du Show-Bizz, qu'un certain Baratintin de Matuvu, un prestidigitateur de grand talent, terminait une glorieuse et longue tournée européenne. Ce dernier avait conquis l'ensemble du public des capitales de notre continent par ses tours de magie incomparables, et se trouvait libre de tout engagement, à partir du 1er janvier.
Le Président convia l'oiseau rare à l'Elysée. Il le trouva à son goût et échangea, avec lui, quelques bons procédés, dont chacun reconnut la qualité de l'autre dans l'art de la dissimulation.
Le lendemain, sans plus attendre, Nicolas Sarkozy promut Matuvu au poste de secrétaire d'Etat à la Prestidigitation renouvelable et à la Magie durable, nomination que la cour jugea "équitable".
Restait à régler un point litigieux : de quel ministre de tutelle, ce nouveau secrétaire d'Etat dépendrait-il ? "C'est un artiste ! Donc, il doit appartenir à mes services !", s'écria Christine Albanel, la ministre de la Culture. "Point du tout", rétorqua Valérie Pécresse, "ce magicien fait de la science-fiction au plus haut niveau, donc c'est de mon ministère, celui des Universités, que Matuvu doit dépendre".
Il y eu bien aussi Christine Boutin, qui, peu concernée par l'affaire, fit seulement remarquer que, sous son autorité, sa subordonnée, Fadela Amara, s'était totalement "métamorphosée", comme après un bain de "potion magique", (passant d'une trogne ébouriffée, genre "quartier sensible", à une coiffure new-look, toute droite sortie d'un coiffeur des beaux quartiers), "donc, de ce fait, elle avait peut-être quelque qualité dans l'art de la prestidigitation"...Ces divagations ne furent guère écoutées. Christine Boutin devait se contenter de ses mystères religieux et des miracles immaculés.
Il fallu pourtant choisir : Nicolas balançait.
Claude Guéant, son devin élyséen, emporta le morceau : "Un prestidigitateur est un homme discret, qui préserve ses secrets, qui aime l'ombre, les capes couleur de muraille. Pourquoi ne pas affecter Cabotintin de Matuvu à la direction du Renseignement, sous la coupe directe du Président ?".
La suggestion fut retenue.
Notre Matuvu, devint donc, pour toutes les questions de dissimulation, de faux-semblants, de coups fourrés, conseiller personnel du Président, avec le titre officiel de secrétaire d'Etat à la Prestidigitation renouvelable et à la Magie durable .