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Arte diffusait mercredi soir, 8 avril,  un téléfilm* retraçant les rapports entre  Hitler et Staline, au regard de la guerre engagée par l’Allemagne nazie contre  l’Union soviétique,  du 22 juin 1941 au 9 mai 1945.
Le parti pris du réalisateur de focaliser le conflit sur la personnalité des dirigeants des deux Etats n’est pas neutre : le but recherché est d’établir une similitude entre « deux dictateurs » - et les deux régimes -  rendus également dangereux, horribles et méprisables. Il s’agit, par cette équation, d’illustrer la thèse des « deux totalitarismes » du XXème siècle, qui prévaut dans l’historiographie officielle, enseignée dans les établissements scolaires de l’Union européenne.

Pour atteindre cet objectif, l’auteur du téléfilm a recours aux mensonges par omission, aux raccourcis systématiques, à une personnalisation abusive des évènements , avec une mise en scène inspirée de la dramaturgie wagnérienne pour peser, à travers l’image, sur la perception biseautée des faits.

 

Bien entendu, nous avons droit, en permanence à un flash-back historique. Le film s’attarde sur l’évocation du pacte de non-agression signé par l’Allemagne et l’URSS le 23 août 1939 et sur les rencontres diplomatiques entre Berlin et Moscou. L’objet est de montrer la « connivence » et la « traîtrise » des Soviétiques, accusés de collusion avec Hitler.

Mais aucune image, aucun commentaire, n’essaie de rappeler les évènements antérieurs : les Accords de Munich signés le 28 septembre 1938 par les représentants de la France, Edouard Daladier, président du Conseil et Sir Neville Chamberlain, Premier ministre de Grande-Bretagne, en présence de Mussolini, le dictateur italien. Ce traité cédait à Hitler une part du territoire tchécoslovaque, les Sudètes, où s’établissait la ligne de défense du pays, livrant ainsi celui-ci à son voisin allemand, sans consultation du gouvernement de Prague. Or, les Etats occidentaux et l’Union soviétique étaient associés, par un pacte de défense commune !
Moscou, mis à l’écart,  se trouvait ainsi isolé à l’Est.

Pas d’allusion non plus, dans le téléfilm, au rapprochement antérieur entre la France et l’Allemagne, acté par la visite d’Etat du ministre nazi des Affaires Etrangères, Joachim von Ribbentrop, à Paris le 6 décembre 1938; ni, à cette occasion, la promesse faite au représentant d’Hitler de « mettre les communistes français à la raison ». Promesse concrétisée début 39, avec les restrictions imposées au droit de manifestation, par l’ouverture de camps de concentrations en Lozère, en févier, où vont s’entasser les réfugiés antinazis, et, plus largement, venus d’Europe centrale, nommés alors « les indésirables » Et cela, rappelons-le,  huit mois avant le fameux pacte de non-agression…

Certes, pour répondre à l’annexion de la Tchécoslovaquie par l’Allemagne, en mars 39, les gouvernements français et britannique vont faire semblant de miser à nouveau sur l’alliance avec l’URSS : une délégation militaire, de faible niveau, sans pouvoir de décision, se rend en Union soviétique, empruntant le chemin maritime le plus long…Et les négociations traînent. Elles se heurtent au refus polonais de laisser passer, en cas de guerre, l’Armée rouge sur son territoire. Or, ce territoire s’étend de l’Allemagne à l’ouest, à l’Union soviétique, à l’est, ces deux Etats n’ayant pas de frontière commune. Comment, dans ces conditions faire jouer l’alliance militaire de cette dernière avec les Occidentaux ?

En fait, Staline a conscience d’être joué par ceux-ci : s’il y a conflit, l’URSS risque fort d’être isolée et victime d’une agression allemande, sans soutien de la France et de la Grande- Bretagne.

Leur passivité à l’Ouest, durant la campagne militaire allemande en septembre 1939, donne raison à la prudence soviétique. Moscou vise donc à gagner du temps et à retarder le danger d’une attaque de Berlin. Aussi, Staline signera le traité de non-agression avec l’Allemagne le 23 août. Il obtient ainsi un  délai pour préparer militairement son  pays au conflit, qu’il juge inéluctable. Mais il est abusé par la force supposée de l'armée  française, dont il escomptait, une résistance efficace et longue, le temps que l’Armée rouge soit prête.

La défaite française en cinq semaines, au printemps 40,  surprend Staline. Il n’est pas le seul dans ce cas.

Aussi, l’Union soviétique va contraindre l’Allemagne à accepter l’été suivant de repousser ses frontières le plus possible à l’ouest, en récupérant  les territoires de l’empire russe, baltes, polonais et moldaves, enlevés par les traités dictés  par les Occidentaux après la Révolution d’Octobre.

Les fulgurantes victoires hitlériennes en Pologne et en France, ont réduit le temps nécessaire à l’Armée rouge pour se préparer à un assaut prévu par l'URSS, un an plus tard.

Le 22 juin 1941, les troupes hitlériennes, aidées de forces roumaines, hongroises et finlandaises, franchissent les frontières de l’Union soviétique.

C’est la relation honnête de tous ces évènements qui font, volontairement, défaut au téléfilm.

Les caractères personnels de Staline et d’Hitler, sur lesquels il est essentiellement basé, brouillent la compréhension des évènements historiques. C’est d’ailleurs le but de cette œuvre, par ailleurs, mal faite, avec des erreurs factuelles (Le maréchal Joukov n’était pas, en 1941, l’interlocuteur militaire de Staline, celui-ci l’ayant nommé ultérieurement au commandement suprême, le nom du ministre de la Défense en juin 41, Vorochilov, n’est pas mentionné...).

Par contre, la levée en masse du peuple moscovite pour défendre Moscou et le régime, en novembre 41, la popularité de Staline, telle qu’elle apparaît à sa mort, démentent les assertions répétées d’une opposition farouche entre le peuple de l'Union soviétique et ses dirigeants.

Le téléfilm n’aborde pas les conditions de l’accession de Hitler au pouvoir et des soutiens sans faille du grand patronat allemand au parti Nazi et à son chef, depuis 1930 jusqu’à 1945. Il oblitère également les intérêts communs des Konzerns et des banques du Troisième Reich avec leurs homologues français, les de Wendel, les Schneider, dont la responsabilité n’es jamais évoquée.

Mais le téléfilm, bien malgré lui, nous permet de conclure : la libération de l’Europe de l’occupation allemande est d’abord le fait de la défaite nazie sur le front de l’Est et des sacrifices immenses supportés par le peuple soviétique et son Armée rouge.

Ce que la propagande et l’enseignement officiels cachent aux Français, depuis plusieurs décennies : il s'agit là d'un exemple de « révisionnisme » anticommuniste.

Sans les victoires de Moscou, de Stalingrad et de Koursk, les Alliés n’auraient jamais pu débarquer en Normandie, le 6 juin 44.

* Téléfilm  « Hitler-Staline » La diagonale de la haine.

d’Ullrich Kasten (Allemagne 2008)

Tag(s) : #Histoire
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