Dimanche dernier, s’est déroulé le deuxième tour de l’élection municipale à Corbeil-Essonnes.
Avec une poignée de voix d’avance, Jean-Pierre Bechter, l’homme lige de Serge Dassault, a été proclamé élu, avec 50,13 % des voix, face à la liste d’union de la gauche menée par le communiste Michel Nouaille. 49,93 %, soit un écart de vingt-sept voix !
On se demande un peu pourquoi avait-on recouru à une élection : cette cité, comme chacun sait, appartient de droit à Serge Dassault, qui en a fait son fief, et les habitants, ses vassaux.
L’industriel y règne comme un seigneur, distribuant, de sa bourse, quelque menue monnaie pour s’assurer, à bon compte, de la fidélité des manants. Or, dame Justice avait considéré qu’il y avait là, quelque abus, invalidant monsieur le Maire et tout son conseil.
Jugez de la fureur du propriétaire du Figaro, « Journal Officiel » du pouvoir, car, en plus des Rafales qu’il tente, vainement, de négocier aux plus offrants, notre Serge, marchand d’armes, est sénateur, et plus encore, un très proche ami de notre Président…
Lui faire çà à lui ! il n’en revenait pas …
Devenu ainsi inéligible, il a fait de son clone, le nommé Jean-Pierre Bechter, son candidat. En fait, son paravent,. Car Serge compte ainsi poursuivre, malgré la Loi, son magistère sur la ville. Il deviendrait le « Directeur de cabinet »…de son subordonné !
Mais revenons au premier tour.
Bechter, de l’équipe Dassault, était en tête, avec 30,76% des suffrages exprimés.
En face, trois listes représentaient, selon eux, la « gauche ».
Et parmi elles, celle du communiste Michel Nouaille, arrive la première, avec 23,33% des voix. Fureur des socialistes. Leur candidat, Carlos Da Silva, secrétaire de la Fédération départementale du PS, et suppléant du député, Manuel Valls, a perdu 2 points sur l’élection de mars 2008.
Da Silva épouse les orientations de son patron, c’est dire son « gauchisme ». (Rappelons-nous, en pleine « gauche plurielle », Manuel Valls, alors porte-parole du PS, avait refusé de se désister en faveur de Robert Hue, dans le Val d’Oise…Pas parce que ce dernier était trop social démocrate, non, au contraire, Hue semblait, pour Valls, encore trop bolchevik…).
Les Verts, eux, avaient totalisé 7%.
Pour le deuxième tour, PCF, PS et Verts ont fait liste commune.
Et Dassault a décidé de fusionner « sa liste », celle de son poulain, avec une liste dissidente, dont le traître – un ancien adjoint - qui la menait, a été éliminé.
Deux listes, issues des quartiers (4% au total), se sont désistées, une pour la gauche, une pour la droite.
L’arithmétique donnait 53% pour la liste Nouaille.
La victoire semblait assurée par les chiffres
Durant la semaine, les chars Dassault ont pilonné l’électorat, menaçant de quitter la ville en cas d’échec, et avec lui, les entreprises (et les emplois), fuiraient vers des horizons plus libéraux. Le marchand d’armes a pointé l’artillerie lourde contre l’ennemi, Michel Nouaille, que Jean-Pierre Bechter a comparé aux dirigeants de la Corée du Nord…Comme on le voit, nous étions dans la nuance !
Faut-il considérer que le chantage exercé par Serge Dassault, et les moyens financiers que celui-ci a mis en œuvre, ont retourné la situation ? Sans doute.
Mais s’en tenir seulement à cette conclusion ne permettrait pas de tirer toutes les leçons du scrutin.
Au premier tour, 47,87% des électeurs s’étaient dérangés pour voter.
Au second, l’abstention régresse mais atteint toujours 50%, alors que les enjeux politiques, mis en avant durant la campagne, auraient dû mobiliser davantage. Il reste à déterminer les taux de participation dans les quartiers populaires comparés à ceux des quartiers bourgeois, acquis d’emblée à l’UMP.
Enfin, le mythe de l’Union de la Gauche, c’est-à-dire l’alliance avec le PS, spécialement dans la circonscription de Manuel Valls, est-elle une stratégie payante ?
Le PCF privilégie l’entente électorale à l’expression claire d’un courant révolutionnaire, base ultérieure d’un large rassemblement pour un changement de société. La position de la direction du Parti communiste français est conforme à son orientation de fond, décidée au congrès de Martigues : le PCF considère la « conquête des lieux de pouvoir » - les municipalités en font, selon eux, partie - comme un objectif stratégique essentiel. L’expérience montre que, depuis, les municipalités communistes ont fondu comme peau de chagrin…
Les alliances, sans principe, avec le Parti socialiste conduisent à brouiller les repères des citoyens. Car ceux-ci savent que, sur les problèmes fondamentaux, la loi du marché, la concurrence, le PS situe son action dans le cadre du régime capitaliste et de la construction européenne, à l’opposé d’une politique de progrès social et de souveraineté populaire.
Et cela, les électeurs en sont conscients.
Aussi, nombreux, très nombreux, ils s’abstiennent aux élections, déboussolés par les amalgames sans principe.
Peut-être est-ce la raison déterminante de l’échec de Corbeil…
Jean LEVY