Plus de 100.000 Tunisiens, selon la police, ont réclamé vendredi le départ du gouvernement de Mohammed Ghannouchi, devant la Kasbah, épicentre de la contestation, où de nouveaux cortèges de manifestants affluaient encore en début d’après-midi.
Devant la place de la Kasbah, noire de monde, des policiers ont avancé le chiffre de «plus de 100.000 manifestants» tandis que des hélicoptères de l’armée survolaient cette zone située au coeur de Tunis.
Selon des membres du Croissant-Rouge et des manifestants, il «s’agit de la plus grande manifestation depuis la chute de Ben Ali» le 14 janvier.
Répondant à des appels à la mobilisation relayés sur Facebook et profitant du fait que la journée de vendredi soit un jour férié, des Tunisiens sont venus affirmer que leur «révolution» qui a chassé du pouvoir le régime de Ben Ali «ne sera pas usurpée».
Des manifestants scandent «Ghannouchi dégage», «Ca suffit avec les mises en scène», «Honte à ce gouvernement». D’autres brandissent des banderoles où l’on peut lire «Ghannouchi, ton insistance montre que tu caches ta mauvaise foi».
«Révolution jusqu’à la victoire», «En avant les braves de la liberté», «Nous arracherons la répression de notre terre», «Ghannouchi prend tes chiens et démissionne», «Non à la confiscation de la révolution», scandaient d’autres manifestants qui traversaient l’avenue centrale Habib Bourguiba en direction de la Kasbah. «Nous sommes là aujourd’hui pour faire tomber le gouvernement», lance Tibini Mohamed, un étudiant de 25 ans.
Quelques milliers de manifestants ayant participé à ce rassemblement géant ont convergé dans l’après-midi Avenue Habib Bourguiba, en plein centre de Tunis, pour continuer à réclamer devant le siège du ministère de l’Intérieur le départ de Ghannouchi et de son gouvernement.
Le Premier ministre a déplacé ses bureaux fin janvier de la Kasbah après une première manifestation, au cours de laquelle des Tunisiens avaient campé près d’une semaine devant ses locaux. Il avait alors transféré son cabinet au palais présidentiel de Carthage, dans la banlieue sud de Tunis.
Mohammed Ghannouchi a été le Premier ministre de Ben Ali de 1999 jusqu’à sa chute le 14 janvier dernier sous la pression populaire.
Après la formation, le 17 janvier, d’un gouvernement d’union nationale dans lequel l’équipe sortante avait conservé la majorité des postes, des milliers de personnes avaient manifesté quotidiennement pour obtenir leur démission.
Sous la pression de la rue, Ghannouchi avait remanié le gouvernement de transition épuré des principaux caciques de l’ancien régime le 27 janvier.
Depuis, des élections libres ont été annoncées pour dans six mois mais le pouvoir de transition n’a pas fixé de date ni donné de précisions sur le type de scrutin qu’il comptait convoquer.
Mais devant l’insécurité, ajoutée au mécontentement social face à l’absence d’amélioration dans le quotidien des Tunisiens depuis la chute de Ben Ali, la mobilisation de la rue ne faiblit pas.
Etudiant en droit, Ramzi, déclare à l’AFP que les Tunisiens «vivent dans un vide politique». D’autres manifestants ont déployé une pancarte d’une vingtaine de mètres où l’on peut lire: «Sit-in jusqu’à la dissolution du gouvernement».
De nombreux jeunes sont enroulés dans le drapeau tunisien, certains brandissent des balais avec des pancartes proclamant «Ghannouchi dégage». D’autres manifestants scandent «dégage le RCD», le Rassemblement constitutionnel démocratique, le puissant parti de Ben Ali, suspendu le 6 février en prévision de sa dissolution.
Quatre mille Tunisiens avaient déjà manifesté dimanche devant la Kasbah pour réclamer, outre la démission du gouvernement transitoire, l’élection d’une assemblée constituante et la mise en place d’un système parlementaire.
Cette manifestation et les précédentes se sont transformées en sit-in devant la Kasbah, des jeunes y campant le jour, et depuis peu la nuit.
(Source AFP)