le Petit Blanquiste
blogue de Jean-Pierre Dubois
29 novembre 2013
Trois historiens bretons – Alain Croix, André Lespagnol et Fañch Roudaut - ont publié une tribune dans Ouest-France du 26 novembre, intitulée « Non à la manipulation de de l'histoire ».
Convaincus que l'on ne peut dire et écrire n'importe quoi en matière d'histoire, les trois auteurs rappellent que la révolte des « Bonnets rouges » de 1675 a visé principalement tous ceux qui, de près ou de loin, pouvaient être perçus comme des « exploiteurs ».
Alors que leur région traverse de sérieuses difficultés économiques, dans leurs cahiers de doléances préfigurant ceux que l'on connaîtra en 1789, les paysans bretons s’élèvent contre les taxes royales et seigneuriales mais aussi contre les corvées et les prélèvements sur les récoltes imposés par les seigneurs et le clergé.
Cette révolte a été avant tout sociale. Elle a opposé « des paysans bretons à leurs exploiteurs bretons » comme l'atteste le fait que le révolté le plus connu sera assassiné par un seigneur, le marquis de Montgaillard. Quant au roi, il est le plus souvent épargné par les révoltés car il est supposé ignorer les abus que connaît la région.
Ce que les historiens bretons reprochent à certains animateurs du collectif « Bonnets rouges », c'est de se livrer à une véritable manipulation de l'histoire en assimilant leur mouvement à celui des révoltés de 1675.
Cette manière de gommer la dimension sociale de la révolte de 1675 et de la présenter comme un mouvement contre « Paris », responsable de tous les maux, est destinée à détourner la légitime colère des victimes de la crise actuelle de l'agroalimentaire
Cette manipulation a l'avantage d’exonérer les patrons, notamment ceux de la filière avicole, de leur responsabilité, eux qui ne se sont pas préparés à la fin annoncée des subventions européennes à l'exportation, et n'ont pas fait évoluer en conséquence leurs manières de produire et leurs types de production. [1]
Pour conclure, nos trois historiens alertent sur le fait que ce type de populisme est aisément récupérable par l'extrême-droite qui, déjà, s'emploie à cette tâche.
Le régionalisme comme substitut à la lutte des classes...
[1] Extrait d'un article publié par le journal Les Echos, le 22 novembre 2013 : « Le Commissaire européen à l’agriculture Dacian Ciolos, qui a reçu le ministre et les représentants de la filière, ainsi que des deux groupes volaillers bretons Doux et Tilly-Sabco, a rappelé aux Français que la décision de supprimer les aides à l’exportation pour la volaille datait de 2005 et avait été confirmée en 2008. Ce qui aurait dû laisser largement le temps aux deux entreprises, lesquelles monopolisent plus de 90% des aides au secteur en Europe, de se moderniser afin de pouvoir affronter seule le grand bain de la concurrence. Entre 2003 et 2013, Bruxelles a versé quelque 770 millions d’euros de subventions à la filière ! De quoi évidemment s’interroger sur l’utilisation des aides versées, quand les deux patrons viennent pleurer qu’ils ont besoin d’aides pour remettre aux normes leurs installations.»