Faut-il troquer la lutte sociale et nationale
pour le nationalisme corse ?
DEBAT REPRIS SUR
BANDERA ROSSA
Vendredi 9 août 2013
MARIA aux ghjurnate di Corti :
la position de F. Riolacci
Ci-dessous, la lettre adressée par Maria aux camarades et membres du Front de Gauche. Ensuite, le commentaire de Francis, adjoint à la Mairie de Bastia et membre de la direction de la Fédération de Haute-Corse du PCF.
Maria Guidicelli:
mercredi 31 juillet 2013, 17:07
Cher (e) ami (e),
En ma qualité de conseillère exécutive en charge du PADDUC, je suis invitée à participer à un débat qui se déroulera le 4 août, dans le cadre des "ghjurnate di Corti".
Elue du Front de Gauche, je suis sollicitée pour participer à un débat public qui aura lieu, néanmoins, dans un cadre politique spécifique : celui du rassemblement annuel du mouvement indépendantiste "Corsica Libera".
L'une de mes responsabilités au sein du Conseil Exécutif de Corse (et pas des moindres) est l'élaboration du PADDUC. J'ai choisi de conduire une démarche participative de co-construction, qui semble porter ses fruits au regard du consensus qui s'est dégagé autour des orientations politiques qui ont été actées à l'Assemblée de Corse le 26/07/2012, alors que nous avons approuvé le modèle de développement choisi pour la Corse pour les 20 à 30 ans à venir.
Ce modèle de développement a été largement partagé bien au-delà de l'hémicycle et de l'Assemblée délibérante, et je considère que notre capacité à faire partager le projet de société équitable et solidaire dont la Corse a un besoin urgent est la garantie d'un PADDUC acceptable soutenable et durable, en particulier pour l'immense majorité des corses qui attendent des réponses à leurs besoins élémentaires et légitimes : emploi, niveaux de revenus décents, logement, accès aux soins,...autant de sujets majeurs qui constituent les fondements des valeurs du Front de Gauche.
Il nous appartient maintenant de décliner les orientations politiques fondamentales qui structurent le projet de société et de les traduire dans un Projet d'Aménagement et de Développement Durable (PADD), il s'agit là de la phase 2 du PADDUC qui est en cours.
Nous nous attacherons, dans un troisième temps, à écrire le schéma d'aménagement (principes de localisation des grandes infrastructures, cartographie générale et cartographies spécifiques des espaces stratégiques).
Je considère qu'il est de ma responsabilité de mettre en débat les options politiques que l'Assemblée de Corse a validées et qui constituent ma "feuille de route" pour écrire cette "phase 2" du PADDUC.
Par conséquent, répondre à l'invitation de Corsica Libera, est pour moi le moyen de proposer, partager et défendre l'approche sociale et humaniste du modèle de développement que nous voulons pour la Corse.
C'est bien ainsi que je présenterai ma participation à cette manifestation, à laquelle je ne suis d'ailleurs pas la seule élue régionale conviée (seront également présents Pierre Chaubon, Pierre Ghionga, Jean Baptiste Luccioni,...).
Ne pas répondre à cette invitation reviendrait à considérer qu'il y a une frange des citoyens de cette île avec lesquels je refuserais de dialoguer... Ce qui n'est pas concevable, dans un contexte où la Corse a besoin, plus que jamais, de paix, et de dialogue.
L'avenir de notre île dépendra de notre capacité collective à proposer un projet de développement dont l'enjeu majeur doit être est de réduire la fracture sociale et territoriale, laquelle est source d'inégalités et de précarité, pour tous ceux qui y vivent, y travaillent, ou y élèvent leurs enfants.
En un mot, l'occasion m'est aussi donnée de présenter et défendre l'approche qui est celle du Front de Gauche, une approche résolument sociale qui a placé l'humain au cœur du projet de développement.
Maria GUIDICELLI
LA REPONSE DE FRANCIS RIOLACCI
Je m'adresse aux animateurs et animatrices du Front de Gauche qui ont été destinataires de la lettre de Maria Giudicelli les informant de sa décision de participer au meeting politique Corsica Libera le 3 août dernier à Corte.
C'est une décision grave que Maria justifie par sa volonté de dialoguer avec tous les citoyens pour faire avancer le débat sur le PADDUC. Mais pour dialoguer encore faut-il établir des principes clairs et loyaux, le premier étant la reconnaissance des mêmes valeurs démocratiques.
La forme du dialogue conditionne la mise en oeuvre des choix politiques futurs. On doit s'interroger sur la corrélation entre les différents processus institutionnels et la dérive mafieuse et affairiste qui a accompagné leur mise en oeuvre.
Or, l'organisation indépendantiste cautionne la violence clandestine et, à la même tribune où s'est exprimée Maria,ses responsables ont applaudi aux assassinats de plusieurs hommes.A aucun moment ils n'ont renoncé à la violence comme mode d'action politique. Maria a fait fi de cette divergence fondamentale entre les indépendantistes et nous.
Le résultat de cette faute politique est traduit par les médias qui ont compris la participation de Maria et de l'exécutif comme emboîtant le pas à la stratégie politique de Talamoni. Déjà,au lendemain de ce meeting, Paul Giacobbi, avant même le vote de l'Assemblée de Corse et la consultation populaire, dans un "chiami e rispondi" cousu main, lui a répondu et a affirmé qu'il y aura une inscription de la Corse dans la Constitution.
Comme si c'était déjà une évidence.
Ainsi, après s'être mis d'accord au préalable entre élus, au besoin peut-être de quelques marchandages, alors, et alors seulement, on consultera le peuple pour avis, pour la forme; et si, comme en 2003, il refuse une nouvelle réforme institutionnelle, on le consultera à nouveau, jusqu'à ce que, dégoûté par les manoeuvres politiciennes(en lui posant des questions qu'il ne se pose pas), il renonce à ses véritables préoccupations.
C'est ce qui a été fait avec le peuple irlandais.
Sauf qu'en Corse, quand le peuple et la démocratie sont bafoués, ce sont les forces de l'argent et les bandes armées qui prennent le pouvoir. N'est-ce pas la corrélation à faire au bout de 30 ans de débats institutionnels déconnectés des réalités populaires?
Maria a été présentée à ce meeting comme conseillère exécutive du Front de Gauche. Maria aurait dû indiquer qu'elle s'exprimait à titre personnel .
Par ailleurs j'observe que Maria consacre moins d'efforts à dialoguer avec ceux qui l'ont désignée pour représenter le Front de Gauche à l'executif. Déjà, avant tout débat avec les animatrices et les animateurs du Front de Gauche, Maria s'était prononceé pour l'inscription de la Corse dans la Constitution,quitte "à faire sursauter dans mon propre camp, mais ce n'est pas grave", "nous pouvons nous affranchir du carcan national" avait-elle déclaré (Corse-Matin du 20 Mars 2013).
Ses prises de positions unilatérales, sans débat avec les militants, prennent le contre-pied de ce nous avons dit durant la campagne des territoriales, à savoir le problème corse est avant tout social, il n'y a pas de solution institutionnelle,il faut d'autres choix politiques en rupture avec le libéralisme.
Aujourd'hui l'exécutif prétend fonder l'avenir de la Corse sur une inscription particulère dans la Constitution.Autrement dit, plus question d'un changement de cap de la politique de Hollande pour sortir de l'austérité dont les Corses souffrent terriblement.L'exécutif affirme que, même si nous ne maîtrisons pas la situation nationale, avec la réforme, nous maîtriserons notre avenir.
Plus d'autonomie politique permettrait donc de faire des choix plus favorables aux corses. La lecture du rapport de Pierre Chaubon est édifiante à ce sujet: s'il est bien indiqué que la réforme vise à adapter les lois nationales, il est précisé aussitôt que ce sera dans le respect de la législation européenne, c'est-à-dire de l'ulta libéralisme, de la concurrence libre et non faussée.On a déjà un aperçu dans les transports où plus de 1000 emplois sont menacés.
Autrement dit la réforme constitutionnelle a pour but de faire sauter le national des lois sociales, les fameuses" rigidités françaises" nuisibles à la compétitivité des entreprises. Le patronat et les fauteurs de vie chère peuvent continuer à accumuler les profits (licites et frauduleux), demain l'Assemblée de Corse légiferera,notamment sur le droit de grève dans les transports.
On se souvient que pendant la grande grève de 1989, nationalistes et socio-professionnels s'opposaient à la "prime coloniale" au profit de la "solution globale". Michel Rocard ayant répondu que la Corse avait atteint le plafond de la solidarité nationale c'est le statut Joxe qui fut octroyé.
J'observe que le rapport Chaubon ne mentionne jamais la solidarité nationale. Qui peut croire que sans la solidarité nationale la Corse pourra être à égalité avec les autres régions françaises.
Aujourd'hui le libéral Chaubon nous promet qu'avec une inscription dans la Constitution la Corse aura les moyens de son développement.Il demande même le transfert du pouvoir fiscal, au-delà de la fiscalité des successions, pour compenser le désengagement de l'Eta et financer les entreprises.
Déjà plus de 1000 emplois d'Etat ont disparu.
Et Jean-Louis Luciani, conseiller exécutif, appelle les Corses à renoncer à "la culture de l'emploi public" pour choisir la création d'emplois privés.
Avec Pierre Chaubon, je crois entendre Rocard ! "Vous n'aurez pas plus de solidarité nationale mais je vous donne un statut"et, on peut le prévoir, une nouvelle zone franche.on comprend mieux les récentes inflexions de Claude Bartolone ne rejetant plus un nouveau statut.
Au fond, si les Corses abandonnent la solidarité nationale, ces institutions ne gêneraient pas la politique du gouvernement, bien au contraire, la Corse pourrait même servir de laboratoire. Ainsi il est clair que le débat institutionnel imposé par l'exécutif, en écho aux demandes nationalistes, est une nouvelle diversion aux préoccupations sociales que les Corses ont exprimé aux dernières élections territoriales.
Je considère que sur cette question politique fondamentale, la position du Front de Gauche n'est plus représentée à l'exécutif et je demande qu'un large débat démocratique ait lieu au sein du Front de Gauche comme dans les formations qui y participent.
Francis Riolacci,
animateur du Front de Gauche,
membre du Parti Communiste Français
Libre opinion
Journées internationales de Corte
Fallait il y aller ?
La réponse se trouve dans la déclaration finale qui somme l'executif de la CTC de se soumettre faute de quoi la violence et les plasticages reprendront.
Lorsque la pression, le diktat, je dirais même l'insolence de ceux qui veulent imposer leurs theses, car il n'existe qu'une seule verité- la leur- rentre dans un jeu politique pervers, tout démocrate ne peut que, rejeté au nom même de la démocratie. La démocratie ne peut se permettre le luxe de faiblesse car à ce moment là, la voie est ouverte a toutes les aventures et à tout les autoritarismes.
Oui au debat public, thèse contre thèse, non au compromis qui nous amène droit dans le mur.
Le Front National a des theses racistes, xenophobes que nous rejettons: nous viendrait - il- à l'idée d'aller à leur congrès ou à un meeting de rentrée? Ne serait ce pas la leur donner le quitus de parti democratique?
Voilà pourquoi je ne suis pas d'accord avec la présence de Maria aux journées de Corte et avec son explication sur le site u rossu. La démarche citoyenne c'est la rencontre avec tous les citoyens dans leurs diversités d'opinions mais pas l'invitation à un meeting d'un parti politique au titre de son mandat a l'éxécutif .
Vouloir à tout prix le compromis est - ce le mandat donné par le Front de Gauche a ses mandatés ?
Jc Graziani