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melenchon.jpg Mon sujet, ces jours ci a été évidemment l’affaire des retraites. J’ai eu la chance de pouvoir m’exprimer sur plusieurs médias.  France culture, parlons net avec l'Express France info et marianne 2, le Talk du Figaro-Orange et sur France 5,  Revu et Corrigé, avec Paul Amar.
Je place tous les liens correspondants. J’ai préparé cette note en reprenant quelques un des arguments que j’ai développés à l’oral.
En fait il s’agit du cadre d’ensemble dans lequel penser le problème posé. Une opération de décontamination en quelque sorte. Elle consiste à commencer par mettre en cause les prétendues évidences par quoi est balisé « le débat ». Je n’en mets pas trop pour ne pas gaver le lecteur. Et pour garder une partie de mes munitions pour les échanges publics. A mesure, je produirai des argumentaires, bien sur. Pour la détente j’ai alimenté aussi la rubrique « les pipoles de la popol ». C’est le dessert. Mais avant il faut faire honneur au plat principal !


La population active devait diminuer ! Elle augmentera !

On nous dit que le ratio actifs/retraités est passé de 3 à la fin des années 1970, autour de 2 aujourd’hui. Horrible ! Et il va descendre à moins de 1,5 en 2050. Catastrophe ! De toutes les façons il faut bien se garder de croire sur parole ceux qui brandissent des arguments démographiques. Dans les années 2000, les très savants nous jetaient à la figure l’inéluctable baisse de la population comme argument massue. Le taux de fécondité permettait d’annoncer un effondrement de la population active future. Pschitt ! C’est le contraire qui se produit. Pourtant aucun de ces importants n’a cru bon de réviser ses chiffres et de présenter des excuses.
Le démographe Hervé Le bras fut mis au pilori pour avoir rappelé que tous ces chiffres ne valaient rien parce que la fécondité finale des femmes n’était pas prise en compte.

Autrement dit ces grands modernes et réalistes continuaient à mesurer le nombre d’enfant par femme au même âge que celui de la génération précédente de femmes, avant la pilule la pilule et le travail de masse des femmes ! Bravo les intellos de connivence ! Les femmes font tout simplement leurs enfants plus tard ! Les gros malins n’étaient pas au courant !


Le nombre de retraités baissera !

Et le nombre des retraités ? Autre tableau d’apocalypse ! Selon l’INSEE il devrait augmenter de près de 63 % entre 2006 et 2050. On passerait de 13 millions de retraités en 2007 à 21 millions en 2050. Bigre ! Ils finiraient par nous faire regretter de voir les gens ne pas mourir utilement à l’âge où leur présence ne pèse pas sur les comptes. Restons zen ! L’augmentation du nombre des retraités vient de deux sources d’égale importance. D’abord l’arrivée à l’âge de la retraite de la génération du baby-boom, c'est-à-dire les personnes nées entre 1945 et 1975. Le papy boum ! Peut-on faire remarquer que cet effet est hélas nécessairement limité dans le temps ? Il faut bien mourir et personne n’y échappe. Pour l’instant. Donc suivez la bosse démographique dans le temps et vous verrez que pour finir bientôt la mort la dégonfle. Par contre, entre 2036 et 2040 commenceront à arriver à la retraite les classes « creuses », enfants des baby boomers, conçus après l’arrivée de la pilule en France en 1974 ! Le nombre de nouveaux retraités diminuera alors fortement et d’un coup.


L’allongement de la durée de la vie ralentira.

Le rapport du Conseil d’Orientation des Retraites (COR) de 2007 a quand même commencé à relativiser certaines déclarations péremptoires. Pour lui, « la mortalité baisserait moins, conduisant en 2050 à une espérance de vie à la naissance inférieur à celle des anciennes projections, de 2 ans pour les femmes et de 0,5 ans pour les hommes ». L’espérance de vie progresserait de 1,1 ans tous les 10 ans, soit 0,44 trimestres tous les ans.
En 2050, il y aurait alors 650000 retraités de moins que dans les prévisions du début des années 2000. Total, entre 2006 et 2050, la population en âge de travailler ne diminuerait pas de 4,1 millions comme annoncé par les affoleurs publics ! Elle resterait stable.


Espérance de vie, et âge de la retraite : repère bidon !

On nous dit : « l’âge de la retraite doit être relevé parce que l’espérance de vie augmente ». Et ca passe comme si c’était la preuve d’un fait inéluctable. Pourquoi ? Quel rapport entre la durée de vie et l’obligation de travailler ?
Ca n’a jamais été le cas jusqu’à présent. Au contraire. C’est le phénomène inverse, qui s’est produit en continu depuis le 19ème siècle. L’âge de la retraite n’a cessé de baisser là où l’espérance de vie augmentait. En 1910, quand le droit à la retraite à 65 ans est affirmé pour la 1ère fois, l’espérance de vie est à peine de plus de 50 ans. En 1983, quand a été instaurée la retraite à 60 ans, l’espérance de vie approchait 75 ans !
Donc, baisse de population, augmentation du nombre de retraités, allongement de la durée de vie, les trois arguments massue du terrorisme intellectuel sont des réalités discutables et bien plus ambigües que ne le disent d’habitude les manieurs de d’évidences non démontrées. Pour moi le problème est bien mal posé. En vérité où est le problème ? Comme d’habitude il contourne la question centrale de la vie en société : le partage des richesses produites.


Moins nombreux mais plus productifs

Les comparaisons des faiseurs de panique ne tiennent pas compte de la hausse de la productivité des actifs. Un actif de 1983 produisait bien moins de richesses qu’un actif de 2010 n’en crée à présent. Depuis 1983 et l’instauration de la retraite à 60 ans, la richesse créée par chaque actif a augmenté de 30 % en euros constants. Cela signifie que 2 actifs d’aujourd’hui produisent quasiment autant de richesses que 3 actifs de 1983.
Le bon repère n’est donc pas la baisse du nombre d’actifs par retraité. Mais la valeur de la richesse produite et l’affectation de son produit. Car de 1983 à aujourd’hui la part des retraites dans le PIB n’a augmenté que de deux points, passant de 10,3 % à 12,8 % du PIB. Et elle a donc augmenté moins vite que la productivité des actifs. Ce repère personne ne le cite jamais.
Tout se passe comme si la quantité de richesses produite dans le pays allait stagner. Alors il faudrait calculer à montant de richesse constant au cours des 40 prochaines années! C’est absurde ! Dans les 40 années à venir, avec un taux de croissance moyen de 1,7 % par an, la richesse de notre pays passera à 3 400 milliards d’euros. Et il s’agit d’euros réels, constants, hors inflation. C’est une masse fantastique. Pour faire face à l’augmentation du nombre de retraités tout en annulant les réformes de la droite, il faudrait transvaser 6 % supplémentaire de la part du PIB pour le financement des retraites. Inutile de s’évanouir ! C’est un transfert tout à fait jouable. En 2050, une fois financés les 204 milliards liés à ce transfert, il restera chaque année près de 1 200 milliards d’euros de richesse nouvelles créés ! ca laisse largement de quoi financer les augmentations de salaire direct et les investissements !


Le partage des richesses, clef du financement

Le problème du financement des retraites se résume donc à un problème de partage de la richesse créée. Les gains de productivité ont été massivement captés par le capital alors qu’ils devraient contribuer à financer les retraites et à faire progresser les salaires. C’est la contraction de la masse salariale qui compromet le financement des retraites. Depuis 1982, les salaires ont perdu 10 points dans le partage de la richesse créée passant de 70 % environ à 60 %.Si ces 10 points n’avaient pas été perdus par les salariés on n’aurait aucun mal à financer aujourd’hui les retraites, compte tenu de la masse de cotisations supplémentaires que génèrerait une hausse de la masse salariale.

On peut se demander si l’obstination a toujours faire des comptes pour le futur en oubliant l’augmentation de la richesse n’est pas une autre façon d’annoncer que cette richesse supplémentaire est destinée a devenir des profits plutôt que des salaires ou des pensions !


Le recul de l’âge de la retraite : inefficace et injuste

Le recul de l’âge de la retraite par le report de l’âge légal du départ ou le relèvement de la durée de cotisations ne résout nullement le problème financier. Le COR a calculé en 2008 que le report de l’âge légal à 61,5 ans ne couvrirait que le tiers des besoins de financements supplémentaires en 2020 et à peine 9 % en 2050 !
Cette inefficacité, payée si cher par ceux qui souffrent en étant maintenu au travail, est confirmée par le bilan de la réforme Balladur de 1993. Quel est ce bilan sur lequel personne ne demande jamais aucun compte ? L’allongement de la durée de cotisations, de 37,5 à 40 annuités, n’a permis que 4 % des économies obtenues à la suite de cette réforme ! 4% ! Tout ça pour ça ! Le passage des 10 aux 25 meilleures années représente 16 % de l’économie. 80 % de l’économie est venu de l’indexation des retraites sur les prix et non plus sur les salaires !
Ces chiffres permettent de mesure la portée réelle de chacun des aspects de la saignée qui a été opérée par Balladur ! On mesure mieux aussi ce que valent les airs d’outrage au bon sens de ceux qui moquaient la revendication du maintien des 37,5 annuités de cotisation ! Le passage à 40 annuités n’a servi à (presque) rien pour l’équilibre des comptes mais il a massacré combien de gens ?

Jean-Luc Mélenchon

source : le blog de Jean-Luc Mélenchon

 

TEXTE REPRIS DE
EL DIABLO

  

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