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« FRANCOFOLIES »  ou…  FRANçAPHONIE ?

  

APPEL A LA RESISTANCE

LINGUISTIQUE ET CULTURELLE.

  

Par Georges Gastaud [1]

 

Il se prénomme Kévin et à défaut de ménager la langue française, il « manage » les Francofolies de La Rochelle avec l’assurance d’un petit commercial bardé de certitudes vendeuses. Et il nous apprend, sans que France-Info qui l’interroge ce 12 juillet ne l’interpelle sur sa politique linguistique suicidaire, que le festival de La Rochelle, qui fut longtemps un bastion de la création francophone et de la vraie diversité, a de nouveau programmé cet été une série de chanteurs « français » qui, reniant la langue de Brassens, de Ferrat, de Léo, de Vigneault, de Brel et de Barbara, mais aussi de Pottier et de Clément (L’Internationale et le Temps des cerises n’ont pas été écrits en anglais que l’on sache !) , s’expriment dans l’unique idiome estampillé par la mondialisation capitaliste, par les « majors » de l’industrie culturelle, par le snobisme des milieux bobo, avec à l’arrière-plan, les giga-prédateurs de l’impérialisme états-unien.

 

Cerise sur le gâteau (pardon : last but not least), France-Info nous apprend, sans faire le moindre commentaire, que les Francos 2011 ont choisi… le 14 juillet pour mettre principalement en vedette des chanteurs anglophones !

Le 14 juillet, c’est-à-dire un jour où l’on célèbre encore, dans certains coins reculés de l’hexagone, ces bricoles ringardissimes que sont la prise de la Bastille, la fête nationale et la devise liberté, égalité, fraternité...

Sir Kevin ne nous dit pas si, à l’occasion de cette minable provocation, tout-à-fait digne de notre étrange pays partagé entre la xénophobie d’Etat et l’autophobie nationale, la Marseillaise sera enfin traduite dans l’unique idiome qui vaille désormais aux yeux de l’« élite mondialisée » : si tel était le cas, on propose de traduire le very shocking appel révolutionnaire « Aux armes citoyens ! » par « God save the Queen ! », ou mieux encore, par « In God we trust ! », comme il est cyniquement écrit sur chaque billet d’1 dollar...

 

Certes, pour ménager les vieux routiers des Francos, on a demandé à B. Lavilliers et à quelques autres VRAIS créateurs francophones de cautionner ce festival à la dérive. Dame ! il faut bien justifier à la marge l’intitulé des Francos et sans doute, les subventions publiques (?) toujours bonnes à prendre que facilite ce type de dénomination menteuse… Marianne est bonne fille et les institutions de la Francophonie sont décidément bien apathiques, pour ne pas dire plus !

 

Bien entendu, on nous rétorquera qu’il faut être « ouvert », « moderne » et « pluriel » : ce sont ces trois adjectifs-choc qu’avancent systématiquement les dominants quand ils entreprennent de casser un acquis social, un patrimoine culturel ou une conquête démocratique.

Car le « pluralisme » commande évidemment qu’en France on chante (de moins en moins…) en français ET DE PLUS EN PLUS en anglais, qu’en Italie on chante (encore un peu) en italien ET TOUJOURS PLUS en anglais, qu’en Allemagne on (ne) chante (presque plus !) en allemand ET ENORMEMENT en anglais, pour ne rien dire des chansons suédoise, flamande, norvégienne, etc. déjà réduites à l’état de folklore !

CA, c’est du pluralisme et de l’ « ouverture » ! D’autant plus que, pour parfaire ce « pluralisme » linguistique à sens unique, les bacheliers d’outre-Manche et d’outre-Atlantique ne sont désormais plus tenus d’apprendre une langue étrangère et que les créations culturelles non-anglophones sont méthodiquement barrées par les médias anglo-saxons !

 

On nous dira naturellement que « c’est la liberté ! », que « les gens font comme ils le sentent », et autres pseudo-évidences que matraque à longueur d’année la pensée unique néolibérale : mais sous le masque de la « concurrence libre et non faussée » grignotant l’ « exception culturelle », se dissimule en fait le diktat de monopoles capitalistes mondiaux qui installent patiemment, -qui plus est sous le nom de « liberté »-, la première méga-dictature de l’histoire qui sera bientôt parvenue à éliminer tout « ailleurs » géographique ou mental.

  

Libre aux médias de cacher aux bonnes gens que les maîtres du CAC 40 (du « caca-rente » ?), que les eurocrates bruxellois, que le gouvernement Sarkozy, les Chatel, Pécresse, Kouchner, Lagarde et Cie, font tout pour nous imposer la langue unique de la maternelle à l’université en passant par l’entreprise, où des salariés en sont réduits à engager l’action syndicale pour obtenir le droit élémentaire de travailler en français en France !

 

C’est le Baron Seillères, ex-patron du MEDEF et ex-président du « syndicat » patronal Business-Europe qui l’a proclamé en 2003 au nez et à la barbe de Chirac : l’anglais doit rapidement devenir LA « langue des affaires et de l’entreprise » de toute l’Europe[2] !

 

Ce qui signifie en clair que toute autre langue est condamnée à mort dans l’espace public. Dans ces conditions, il est triste que tant de pseudo-« créateurs », dont beaucoup se croient sincèrement contestataires (la bonne conscience ne coûte pas cher !) obtempérent en toute inconscience aux ordres du Big Brother « managérial » : la servitude n’est jamais si totale que lorsqu’elle reste invisible aux esclaves, qu’elle s’installe aux cris de « vive la liberté ! » et qu’elle dispose des moyens de censurer et de stigmatiser les rares voix dissidentes qui osent encore dire « non » et non pas, à longueur de journée, « yèèèèèès ! » et « OK »…

 

C’est pourquoi l’ami de la chanson francophone, des luttes anticapitalistes, du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, et de la diversité culturelle que je suis, suggère aux hommes et aux femmes qui veulent résister à la langue unique, à la culture unique, à la pensée unique, à l’économie unique, en un mot, à l’abrutissement généralisé, de…

 

a)    réclamer que les Francofolies aient la pudeur de changer de nom ; leur intitulé actuel frise la pub mensongère et n’utilise le clin d’œil à la francophonie que pour mieux installer le monopole musical de l’anglais dans la jeunesse tout en « folklorisant » en douceur l’extraordinaire héritage poétique et chansonnier de notre pays ;

 

b)   exiger qu’aucune subvention publique ne soit désormais accordée à des spectacles dans lesquels des chanteurs français chantant en globish collaborent à l’entreprise totalitaire de banalisation du tout-anglais ;

 

c)    De réfléchir aux moyens nécessaires pour mettre en place un vrai festival francophone indépendant du « chobiz » et d’un gouvernement UMP traîtreusement acquis au tout-anglais. Un festival ouvert à tous les pays francophones dans la diversité de leur parler-français, à tous les usages du français, des plus savants aux plus populaires, mais aussi aux chansons en occitan, en basque, en breton, en corse, en catalan, etc., sans oublier les langues de l’immigration : arabe, berbère, wolof, chinois, etc.

 

Un festival qui n’aurait pas pour but principal le fric, la com ‘ et l’auto-reproduction d’un appareil commercial s’abritant derrière les mots « jeunesse » et « ouverture culturelle », etc. Un festival qui ferait le lien entre la défense de toutes les langues de France et du monde, et la résistance antifasciste, antiraciste, anti-impérialiste, au monstre impérialiste et totalitaire qui, sous le nom faisandé de mondialisation, impose partout le despotisme sans rivage de l’oligarchie financière, fût-elle fardée de couleurs « flashy » et « internationalistes » par tous les colla-bobos de France et d’ailleurs.

 

d)   De mettre sur la sellette, à l’occasion des prochaines échéances électorales, tous les politiciens qui, par incurie ou par calcul, collaborent en tous domaines, -enseignes commerciales, entreprise, recherche, médecine, université, lycées et bientôt… école maternelle-, au viol en réunion de l’article II de la Constitution : « la langue de la République est le français », sans parler de la loi Toubon de 1994, votée à l’unanimité par le parlement, et quotidiennement violée dans la plus parfaite indifférence des autorités constituées.

 

Cet appel s’adresse d’abord aux amis de la langue et de la chanson françaises, notamment aux écrivains, aux poètes, aux musiciens… Mais il interpelle cherche aussi le travailleur, le jeune de milieu populaire, l’enseignant, le démocrate, le républicain, l’internationaliste véritable.

Car la langue française demeure encore à ce jour le premier service public (gratuit !) de la République française et des autres pays francophones ; et bien qu’attaquée de toutes parts, elle constitue encore une digue solide contre le totalitarisme linguistique, contre la marchandisation de la culture et contre l’idéo-formatage mondial : si le français finit par s’écrouler, quelle langue, quelle culture, quelle chanson ne seront-t-elles pas englouties par le raz-de-marée impérial du tout-à l’américain ?

 

La marginalisation planifiée de notre langue est porteuse d’énormes discriminations contre les couches populaires de tous les pays, et d’abord contre la jeunesse que l’on gave de sous-produits culturels en globish ; plus généralement, la « langue » unique porte en elle le risque d’une disparition rapide de toutes les langues (y compris de l’anglais en tant que langue porteuse d’histoire et de civilité) et de la culture elle-même ; car langues et cultures n’ont jamais prospéré que dans et pour l’échange : mais quels échanges subsisteront-ils vraiment quand l’altérité linguistique aura définitivement sombré, quand, politique de substitution linguistique des Franco-Déni, du grand patronat et du gouvernement « français » aidant, la chanson française sera à jamais devenue un « fait exotique » dans notre propre pays ?

 

(1) Je ne vois aucun inconvénient à ce que les Franco invitent à l’occasion des anglophones issus de pays anglophones ; sans toutefois les survaloriser : car sauf exception, on ne peut attendre aucune réciprocité outre-Manche ou outre-Atlantique- pour des chanteurs francophones, germanophones, etc., à l’occasion de très grands évènements culturels et médiatiques


[1] Auteur de la Lettre ouverte aux bons Français qui assassinent la France et de Patriotisme et internationalisme. Courriel : gastaudcrovisier2@wanadoo.fr.

 

[2] En vertu de quel débat citoyen, de quelle délibération démocratique, de quel vote parlementaire ou référendaire à l’échelle nationale ou continentale ?

Tag(s) : #Culture
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