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Le Point - Publié le 22/12/2014 à 07:00
L'ancien conseiller de Hollande pourrait échapper à une trop lourde sanction disciplinaire. Une insulte à l'égalité de traitement des fonctionnaires et... à la décence.
Aquilino Morelle va peut-être bénéficier, pour Noël, d'un décret spécial qui le préserve d'une sanction directement infligée par le chef de l'État, comme le prévoient les textes en vigueur. Mediapart a révélé, fin novembre, ce projet fou, qui vise à changer les règles disciplinaires à l'Inspection générale des affaires sociales (Igas). Il est question que ce soit le chef de ce service administratif, et non plus le président de la République, qui soit chargé de prononcer une sentence. Pourquoi cette modification, qui ne s'applique ni à l'Inspection des finances, ni à celle de l'administration, ni à aucune autre, mais seulement à celle des affaires sociales ?
Ce texte ne vise en fait qu'une seule personne, Aquilino Morelle, qui a rejoint l'Igas après ses études à l'Ena. Cet homme-là n'est pas un haut fonctionnaire comme les autres. Il a été le conseiller politique deFrançois Hollande à l'Élysée. Un conseiller très écouté, et répudié après la révélation de deux affaires : quand il était inspecteur général des affaires sociales, il a fait des "ménages" (des missions) pour l'industrie pharmaceutique en omettant de demander une autorisation au corps d'inspection auquel il appartient. Quand il était à l'Élysée, il a fait venir, sur son lieu de travail, un cireur pour prendre soin de ses chaussures. Une posture difficile quand on assure, en toute modestie, avoir été pour le président une "boussole" qui "montre la gauche".
Le décret en préparation semble répondre à un double objectif, strictement lié à la personne d'Aquilino Morelle : faire en sorte que François Hollande ne soit pas celui qui sanctionne ou qui absout ; réduire au minimum la punition qui peut tomber sur le fautif. Pourquoi le président renonce-t-il soudain à une de ses prérogatives ? On n'ose imaginer que cette attitude ait à voir avec le fait qu'Aquilino Morelle s'agite dans Paris depuis quelques mois pour trouver l'éditeur le plus offrant afin de livrer ses mémoires, qu'il promet "saignantes". Il serait terrible que François Hollande renonce à exercer sa fonction dans toute sa plénitude pour tenter de gagner la clémence de cet auteur d'un jour.
De plus, il est impossible de loger les inspections générales de l'État à des enseignes différentes, alors que ces corps prestigieux ont justement pour raison d'être le contrôle des administrations. Un tel système de "deux poids, deux mesures" risque tout simplement de discréditer la haute fonction publique. Enfin, il n'est pas décent que le président de la République réponde par une petite astuce réglementaire aux rodomontades vengeresses proférées par un ancien membre de son premier cercle. C'est une simple question d'esprit républicain. Il reste donc à espérer qu'Aquilino Morelle, quand il mettra ses souliers bien cirés sous le sapin de Noël, n'ait aucune chance d'y trouver le moindre cadeau de l'Élysée.