Communistes et populistes,
GQ, partie 3
lien à la partie 1 : Qu'est ce qu'on appelle le "populisme" et comment les communistes l'appréhendent-ils ?
lien à la partie 2 : Les fascismes colorés
publiés par "canempechepasnicolas"
3) Réinvestir les revendications populaires détournées par les divers fascismes concurrents
Les fascismes n’ont pas inventé les revendications « populistes » qu’ils utilisent, mais ils récupèrent des champs entiers du mécontentement populaire, depuis que les communistes en quête de respectabilité se sont tournés vers les classes moyennes. Or la plupart des thèmes populistes peuvent être réapproprié par les progressistes (à condition, bien entendu, de croire au progrès) comme on va le voir pour quelques uns d’entre eux:
1) Insécurité
L’insécurité frappe les classes populaires, dont sont issues les victimes dans leur grande majorité, et également la majorité des délinquants, qui sont des victimes aussi, des jeunes hommes pauvres et en manque de repères, trompés par un modèle social qui ne leur propose qu’argent facile, bagnoles de luxe, drogue, violence et sexe aliéné, dans un monde où « tout est permis mais rien n’est possible » (ainsi dénoncé dès mai 68 par Michel Clouscard). Il faut noter que les femmes, les homosexuels, les minorités ethniques et religieuses des classes populaires payent un tribut très élevé à ce libéralisme sauvage de la rue.
Lutter contre la délinquance, c’est répondre à une revendication populaire lucide et absolument légitime. La meilleure manière de le faire en profondeur serait de faire reculer la marchandisation capitaliste du temps vécu et du territoire, mais en attendant d'avoir le pouvoir de le faire, il ne faut pas apparaître comme ces bourgeois qui sont indulgents parce que la possibilité de se loger en centre ville les a placés à l'abri du vandalisme, des agressions et des cambriolages!
La prévention et le travail social sont indispensables, mais ils ne peuvent pas donner de fruits si la sanction des délits est trop rare, ou purement symbolique, ou trop faible par rapport à la tentation de l'argent facile. S'il est possible de gagner quelques milliers d'euros par mois presque sans risque en faisant le guet pour des dealers, qui s'inscrira à un stage d'insersion ?
Construire des prisons nouvelles n’est pas la manifestation d’un tempérament pervers ou paranoïaque, c’est une nécessité pour y placer les délinquants condamnés dans des conditions de prise en charge plus humaines qui permettent leur rééducation et leur réhabilitation.
La lutte des communistes doit aussi remettre au centre le combat contre l’argent sale et le capitalisme délinquant des paradis fiscaux, mais cette lutte commence dans la rue.
Les émeutes urbaines ne sont en aucun cas des formes légitimes de révolte de la jeunesse marginalisée. Elles s’attaquent d’abord et avant tout, en expression avancée et parfois consciente du libéralisme sauvage (voir les discours de rappeurs), aux équipements sociaux indispensables aux prolétaires, gymnases, écoles, bibliothèques, autobus, et à leurs véhicules.
C’est la forme collective de la violence vicieuse des gangs qui s’en prend aux filles, aux vieux, aux handicapés, aux gays, et même au médecin et au facteur. Ce sont des manières d’accaparer et de privatiser le territoire (comme le sont, à un degré moindre, les tags). Elles contribuent à aggraver considérablement les conditions d’existence dans les quartiers populaires, et à leur fermeture sur le reste de la ville.
2) Immigration
L’immigration doit pouvoir être mise en discussion sans anathèmes, et André Gerin doit avoir le droit de dire « l’immigration n’est pas une chance pour la France » sans avoir à subir au nom du PCF les anathèmes outranciers d’Olivier Dartigolles.
Être contre l’immigration ne doit pas être assimilé à être contre les immigrés, l’apôtre enflammée de l’immigration dans ce pays n’étant autre que Laurence Parisot. Le but de l’immigration pour les patrons est de faire pression à la baisse sur les salaires, et ça marche. Ralentir l’immigration ouvrière peut donc paraître une solution logique, en l’absence d’un grand élan révolutionnaire, pour revaloriser les salaires.
Ralentir, voir stopper l'immigration nette serait peut être le meilleur moyen d'intégrer les immigrés déjà présents, et plus encore leurs enfants français, scolarisés et souvent chômeurs, qui lorsqu’ils sortent du système scolaire sans qualification entrent en concurrence directe avec les sans-papiers sur le marché du travail. La plupart des patrons de la restauration ou de la construction préfèrent les immigrants récents et les sans papiers aux jeunes français noirs ou arabes qui sont ainsi relegués dans des ghettos où le chômage des jeunes atteint 50%.
Ce n’est pas parce que ces arguments sont utilisés par l’extrême droite avec des arrières pensées où le bien être des travailleurs français ou étranger ne joue aucun rôle qu’ils en ont perdu leur part de validité. Si l’on est convaincu de leur fausseté, il faut convaincre à son tour, et prouver. Les cris d’effroi ne serviront à rien.
Les sans-papiers qui travaillent doivent être régularisés car le travail est la source même du droit, mais les filières maffieuses qui renouvellent la main d’œuvre illégale doivent être neutralisées, y compris par une ferme répression policière et judiciaire, et malgré la complicité parfois active d’associations bien intentionnées mais moralisantes et dédaigneuses des problèmes sociaux concrets.
Il faut aussi se rendre à l'évidence : le combat pour la régularisation systématique des sans papiers est impopulaire dans le prolétariat, même immigré, et conduit à une impasse politique. Les sans papiers ne sont pas politisés. Une fois régularisés, ils pensent souvent ne plus avoir besoin des services des syndicats ou des associations animées par les militants, et quand ils ont la chance d’échapper à la mafia qui a organisé leur voyage, ils disparaissent pour réaliser leur « rêve européen » et adhérer avec enthousiasme à l’univers de la consommation et du libéralisme dont ils ont été sevrés. On peut les comprendre, mais ça ne n’avance à rien la cause du prolétariat.
Par ailleurs l’espoir de la régularisation probable au terme d’un long parcours du combattant surexploité pousse les nouveaux candidats à la migration à prendre des risques extrêmes pour gagner l’Europe. Des milliers d’entre eux perdent la vie chaque année au cours du voyage. Le statut quo pervers actuel qui résulte de la dialectique entre le pouvoir et les associations doit-de-l’hommistes est humainement la pire des solutions.
L’immigration de travailleurs est nécessaire pour des raisons démographiques, et pour faire face aux besoins de main d’œuvre spécifique, mais en période de croissance, et non en période de crise et de chômage de masse. L’immigration n’est ni « bonne », ni « mauvaise », mais elle est fondamentalement contradictoire, à l’instar du migrant lui-même, qui est souvent à la fois un travailleur exploité solidaire de sa classe en France, et un notable respecté et conservateur dans sa communauté d’origine.
Enfin l'émigration est-elle une bonne chose pour les pays en développement? le départ de jeunes travailleurs éduqués (la plupart des migrants sont titulaires d'une formation) met en péril leur développement endogène. Les pertes subies par l'hémorragie de cadres instruits ne sont sans doute pas compensées par les envois de devises au pays natal.
3) Le rejet des Roms
En ce qui concerne le cas particulier des campements et squats des migrants Roms originaires d’Europe de l’Est, il ne faut pas non plus tomber dans une présentation à la fois moralisante, angéliste et manichéenne du problème, et évoquer le spectre des pogroms nazis.
Les nuisances de voisinage qu’ils suscitent provoquent un rejet populaire récent qui ne doit pas être systématiquement assimilé à une forme de racisme. Les Tziganes, Gitans, Manouches existaient depuis longtemps dans les marges de la société occidentale, et leur existence semi-nomade en dehors des normes politiques et sociales était un fait de civilisation qui était jusqu’à présent largement toléré.
L’arrivée des groupes démunis chassés d’Europe de l’Est, consécutivement à la destruction du socialisme, et d’États entiers comme la Yougoslavie, a complètement perturbé cet équilibre ancien et a créé des conflits aigus qui une fois encore ne concernent que les quartiers populaires. A présent, il est devenu impossible de laisser plus longtemps des bidonvilles s’installer dans l’espace public.
Les angélistes qui protestent contre la démolition des campements sans offrir d'alternative ne proposent à leurs protégés rien d’autre que le statu quo, la misère sans fond, la mendicité, l’exploitation des enfants, la poursuite d’une existence sordide.
4) Assistanat
Thème cher aux fascistes bleus. Les sociaux démocrates et démocrates chrétiens de Rocard et Delors ont cré le RMI, devenu le RSA, ont renoncé au plein emploi, et généralisé à sa place des formes d’assistance qui aboutissent à diviser les pauvres, à marginaliser des territoires et des poches importantes de population, et à créer un lumpenprolétariat qui bien souvent se retrouve manipulé ou enrégimenté par les fascistes bruns, verts, ou par les bleus eux-mêmes qui s’ingénient à dresser les français les uns contre les autres (inclus contre exclus, fonctionnaires contre précaires, flics contre juges…).
Il faut revenir sur cette clochardisation organisée du prolétariat en créant une éducation de la deuxième chance avec une véritable priorité d’embauche, en protégeant l’emploi populaire. Il faut parallèlement cesser de promouvoir le bénévolat comme palliatif à la misère, avec l’idée perverse que le travail social n’a pas besoin d’être payé.
Le développement de l'assistanat a été accompagné par celui des ONG caritatives dont le rôle à long terme est très nocif, en ce qu'il permet à l'État de se défausser de ses responsabilités, et en ce qu'il remplace dans la mentalité collective la solidarité par la pitié, et dans le champ médiatique substitue la mise en concurrence des plaintes des victimes aux luttes des exploités.
5) Niveau scolaire et dégradation de l’école
Les catégories populaires de la population bénéficient de progrès dans la scolarisation, mais ces avancées sont rongées par la baisse de niveau des études, qui est principalement due à la démoralisation interne de l’éducation nationale, qui trouve son expression théorique dans le relativisme philosophique (dont les milliers de pages indigestes peuvent se résumer dans la formule : « tout se vaut, et d’ailleurs qu’importe ce que ça vaut ») qui a fait des ravages dans la gestion des conflits à l’école, dans la conception des programmes et dans les pratiques pédagogiques.
La réflexion sur l’école devra nécessairement passer par une remise à niveau des exigences dès l’école primaire, un investissement massif dans la connaissance de tous qui ne sera fructueux que si le savoir revient au centre du système éducatif, et que celui-ci cesse d’être un bassin de régulation des flux de main-d’œuvre rendus inemployables par l’incurie intéressée des gestionnaires de l’économie.
Il faut aussi se donner les moyens financiers et réglementaires de rétablir le respect de l’école et des enseignants là où il s’est perdu, réaffirmer la laïcité dans le milieu éducatif, y compris envers les empiètements des entreprises et des marques commerciales.
A ce titre, l’établissement d’un uniforme, comme à Cuba, ne serait pas une mauvaise chose.
à suivre ...