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De  notre ami Philippe Arnaud 
<pjc.arnaud@orange.fr>

Remarques sur les médias du 13 octobre

Chers tous
,

J'ai regardé le journal de France 2 ce jour à 20 h. Au bout de 11 mn 26 s, après avoir parlé du sauvetage des six passagers de l'avion accidenté au large de la Corse et de la réforme des lycées, David Pujadas abordel'affaire Jean Sarkozy (i.e. "l'élection" du fils du président de la République à la tête de l'EPAD). Puis, après avoir recueilli les déclarations des uns et des autres (dont celles de l'intéressé), David Pujadas enchaîne :

"Alors, on a parfois la mémoire courte, mais Jean Sarkozy n'est pas le premier enfant d'un président de la République à se lancer dans la carrière même s'il est peut-être le plus jeune.
La politique en héritage, commentaire, Alexandre Kara [Et là on lance un sujet rétrospectif].
Je cite :
"Un père, un fils, côte à côte en politique, ce n'est pas une première. Pourtant, tous les présidents de la Ve République n'ont pas encouragé leurs enfants de la même manière. Jamais le général de Gaulle n'est intervenu pour faciliter la carrière de son fils Philippe. Mais quand, en 1986, l'amiral Philippe de Gaulle décide de devenir sénateur, son patronyme lui assure un siège sans discussion. Même scénario pour Alain Pompidou. Son père est mort depuis quinze ans quand il se décide à se lancer en politique. Là encore, son nom vaut tous les sésames, il sera dix ans député européen. Henri Giscard d'Estaing, fils de VGE, alors président en exercice, devient le plus jeune conseiller général de France à 22 ans. Il sera même la vedette d'un jour de l'émission de télé la plus populaire de l'époque. Mais après la défaite de son père, en 1981, il abandonnera la politique pour se consacrer au privé. Il est aujourd'hui PDG du Club Méditerranée.
1981, l'année où François Mitterrand accède au pouvoir, son fils Gilbert est élu député PS de Gironde. Il est aujourd'hui maire de Libourne. De son côté, son fils aîné Jean-Christophe rejoindra en 1983 la cellule africaine de l'Elysée, où il restera presque dix ans. A l'Elysée l'ère Chirac sera celle du
père et de la fille. En 1995, Claude Chirac prend en main la communication présidentielle. Pendant douze ans, elle règnera sans partage sur la parole élyséenne. Autant de filles ou de fils de présidents et, finalement, autant de cas de figures différents.
"

Que dire de ce sujet rétrospectif ?

- On notera d'abord le "on" de David Pujadas. Le "on" est rarement bienveillant : il désigne en fait un "vous" très bien identifié (en l'occurrence "vous tous, journalistes ou politiques de droite ou de gauche, qui critiquez les Sarkozy père et fils) mais que David Pujadas laisse dans une indistinction méprisante - et vaguement sermonneuse. Le "on", ce sont les moutons (qui suivent d'autres moutons) ou les loups (qui hurlent avec les loups).

- Ensuite, sans avoir l'air d'y toucher, tous les reproches de népotisme adressés à Nicolas Sarkozy sont "dégommés" l'un après l'autre. Par exemple : Jean Sarkozy n'est élu que parce qu'il s'appelle Sarkozy ?
Mais c'était exactement le cas de Philippe de Gaulle et d'Alain Pompidou !

Jean Sarkozy est jeune ? Oui mais Henri Giscard d'Estaing l'était encore plus ! Jean Sarkozy se lance en politique peu après l'élection de son père ? Mais pour Gilbert Mitterrand, c'était au moment même de l'élection de François Mitterrand ! La gestion de l'EPAD, c'est le tremplin vers la présidence des Hauts-de-Seine, un des départements les plus riches de France, donc un poste de pouvoir ? Et alors, le poste de conseiller "africain" de Jean-Christophe Mitterrand ou celui de conseillère en communication de Claude Chirac, vous ne trouvez pas que ce sont des postes d'éminences grises, bien plus puissants que des ministres ?

A l'issue du reportage, le téléspectateur peut donc se demander ce qu'on reproche en fait à Jean Sarkozy : compte tenu de ce qu'ont fait les prédécesseurs de l'actuel président de la République avec leurs enfants,
Nicolas Sarkozy n'a rien à se reprocher ! "Sous-entendu : les attaques contre Jean Sarkozy ne procèdent que d'une haine fondée sur l'ignorance volontaire ("on" a la mémoire courte...) des petits arrangements des anciens présidents de la Cinquième République. [La prochaine fois qu'il ira à l'Elysée, David Pujadas aura droit à une deuxième louche de caviar et à du rab dechampagne...].

Où est l'entourloupe de Pujadas ? En ce que Jean Sarkozy cumule tout ce
qui était séparé chez les autres enfants de présidents de la République.
Reprenons donc ces éléments un à un.

Philippe de Gaulle et Alain Pompidou ont aussi profité de leurs noms ?
Oui, mais... seulement 16 et 15 ans après la mort de leurs pères respectifs et parce qu'ils ne faisaient de l'ombre à personne au sein de leur parti (en se contentant de postes de parlementaires de base).
Henri Giscard d'Estaing était conseiller général à 22 ans ? Oui, mais... il n'y a aucune comparaison possible entre le canton de Marchenoir, en pleine Beauce (5000 habitants) et celui de Neuilly-sur-Seine, où habitent les plus grandes fortunes de France (et qui est à 10 minutes de l'Arc de Triomphe de l'Etoile).
Gilbert Mitterrand a été élu député socialiste en 1981, en même temps que son père était élu président ?
Oui, mais... lorsqu'il a été élu, il avait 32 ans, alors que lorsque Jean Sarkozy a été élu conseiller général de Neuilly, il n'en avait pas 22 !
Jean-Christophe Mitterrand et Claude Chirac ont tenu des rôles d'éminences grises ?
Oui, mais... lorsque leurs pères ont quitté l'Elysée, ils n'ont plus rien eu du tout, alors que le poste de président du conseil général des Hauts-de-Seine (dont la présidence de l'EPAD constitue un marchepied) est, même en cas d'échec de Nicolas Sarkozy aux élections présidentielles de 2012, préservée pour plusieurs années supplémentaires pour Jean Sarkozy...

Et puisque "on" a la mémoire courte, "on" pourrait rappeler à David Pujadas que c'est ce même Jean Sarkozy, dont le scooter avait été volé avant l'élection présidentielle de 2007 et qui avait bénéficié d'une enquête très diligente de la police, avec d'importants moyens, notamment des tests ADN  pour rechercher les coupables. Son père - qu'on ne présente plus - était alors ministre de l'Intérieur.
On pourrait aussi rafraîchir la mémoire de David Pujadas sur la plainte intentée au sieur Jean Sarkozy par un automobiliste qui l'accusait de délit de fuite après un accident avec son scooter en juin 2006, délit de fuite dont ledit Jean Sarkozy fut relaxé par le tribunal correctionnelet l'automobiliste condamné pour procédure abusive !

Enfin, sujet qui n'a rien à voir avec ce qui précède, on relèvera les quelque huit minutes consacrées, en ouverture de journal, au sauvetage de six passagers d'un avion de tourisme tombé en mer au large de la Corse, avec tous les ingrédients du fait divers merveilleux : d'abord l'avion, engin de prestige, puis l'héroïsme du pilote (nouveau chevalier du ciel), qui rappelle l'exploit du pilote américain posant son avion dans l'Hudson - et aussi l'héroïsme des sauveteurs, leur constance, la beauté de la compagne du pilote. En dépit de la modernité des médias et des matériels mis en oeuvre (un avion, des hélicoptères, des radars, des radios, des hôpitaux...), c'est l'essence même de la "nouvelle" d'Ancien Régime, c'est-à-dire le fait divers (comme le disait Pierre Goubert et comme le rappelle Serge Halimi dans le Diplo de ce mois) qui est donnée en pâture au public, en lieu et place d'une information sérieuse...

Je vous saurais gré de vos remarques, précisions, rectifications et critiques
Bien à vous

Philippe Arnaud,
AMD Tours



Tag(s) : #Politique
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