L’UE et une importante entreprise militaire israélienne participent au financement de recherches pour la fabrication de drones qui pourraient stopper des navires et des voitures en mouvement.
Lancé en janvier, le projet triennal d’Aeroceptor, d’après sa propre documentation, vise à aider les autorités répressives à arrêter « des véhicules non coopératifs dans des scénarios tant terrestres que maritimes à l’aide de véhicules aériens sans pilote ».
Le ministère de la Sécurité publique israélien, Israel Aarospace Industries, gros fabricant d’armes mondial, et Rotem Technological Solutions, à base israélienne, figurent parmi les 12 participants qui ont, pour la plupart, leur siège dans l’UE.
La députée européenne Vert allemande, Ska Keller, a déclaré à notre site Euobserver que le projet Aeroceptor était une première en Union européenne, car les drones précédents de l’UE étaient développés uniquement pour la surveillance, et non pour l’interception.
« Allons-nous jouer à la Bataille navale avec les drones ? Avec l’aide de l’industrie de défense israélienne ? » demande Keller, évoquant un jeu d’enfants populaire, qui est aussi la porte-parole du groupe Vert pour la migration et les libertés civiles.
Le projet Aeroceptor a reçu au total un peu plus de 4,8 millions d’€ de financement, dont 3,5 millions par la Commission européenne. Le reste venant des membres du consortium.
Des recherches UE/Israël pour fabriquer un drone qui puisse arrêter des véhicules en mouvement.(photo : Jeff Warren)
« Malheureusement, je ne peux vous dire combien ils donnent (les Israéliens) ou ce qu’ils font, c’est là une information confidentielle », déclare à notre site l’un des membres, basé à l’Institut autrichien des Technologies, à Vienne.
Ce contact indique que les résultats du projet sont destinés « à bénéficier aux citoyens et à améliorer leur sécurité, sans exposer quiconque au moindre risque, même pas aux types méchants ».
Les chercheurs veulent développer des systèmes spéciaux montés à bord du drone qui lui permettraient d’intercepter des voitures qui roulent ou des bateaux en pleine vitesse. Les précisions sur la conception et le poids des drones sont classées secret.
« A ce stade, les informations techniques détaillées sont partagées seulement en interne, entre les partenaires au projet » a déclaré dans un courriel Franco Fresolone, coordinateur du projet Aéeroceptor.
Les informations disponibles sur le projet ne spécifient pas non plus si de tels drones auront à survoler les États membres de l’UE, l’espace aérien israélien, ou les deux.
Pour sa part, la Commission a indiqué qu’Israël avait le droit, légalement, de participer à des projets financés par l’UE.
Mais elle n’a pas répondu aux questions concernant les raisons de la participation des Israéliens, ni pourquoi le projet reçoit essentiellement un financement de l’Europe.
En attendant, un document de travail des services de la Commission, publié en septembre dernier, expose des arguments évoquant une catégorie de drones « civils » qui pourraient, par exemple, effectuer des contrôles de lignes électriques à haute tension, surveiller les canalisations de gaz ou réaliser la cartographie numérique.
Le document résume ce qui ressort d’une série de cinq ateliers, de 2011 et 2012, auxquels participaient, notamment au niveau de l’UE, les ministres de l’Intérieur, les ministres de la Défense et des organisations militaires internationales.
Il a été proposé de fabriquer des drones « hybrides », à double usage, commercial et militaire.
Mais l’entrée sur le marché et l’expansion dans l’UE de drones de plus de 150 kilos sont entravées par des autorisations de vol difficiles à obtenir et par un espace aérien qui se trouve fragmenté par les frontières nationales.
L’abolition des restrictions sur l’espace aérien, note le document, « créerait de nouveaux marchés pour les services aériens, de la même façon que l’iPad a créé un marché entièrement nouveau et imprévu pour les services de données mobiles. »
Le document des services de la Commission ne parle pas d’utiliser les drones dans les États membres à des fins répressives même si certaines polices en ont une expérience limitée.
En Allemagne, la police de l’État de Basse-Saxe utilise un drone MD4-200 de 8000 €, en forme d’hélicoptère miniature.
Le drone est principalement utilisé pour faire des reconnaissances, prendre des photos des barricades et des points chauds potentiels avant les manifestations.
En Belgique, la police de Genk se sert d’un drone Pro AT6, qui ressemble à un hachoir, pour surveiller les grands évènements. Relié à des capteurs thermiques spéciaux, le drone peut aussi signaler les endroits où se cachent les laboratoires de culture de marijuana.
Selon ce qu’a déclaré Mathias Vermeulen, chercheur à l’Institut universitaire européen en Italie, à Euobserver, le poids de tels drones est généralement inférieur à 150 kg et le drone échappera à la réglementation future de l’UE annoncée dans le document de travail des services de la Commission.
Bruxelles, le 7 février 2013 - Euobserver -