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La politique du lard :
l’ Ukraine insensible au charme de Moscou

La Russie n’abandonne pas l’idée de faire reculer l’Ukraine, qui a prévu de signer un accord d’association avec l’Union européenne dans le cadre du Partenariat orientallors du sommet de Vilnius, les 28 et 29 novembre prochains. Retour sur des derniers jours particulièrement intenses en négociations à haut niveau.

Ukraine Russie

L’ours russe et le Cosaque ukrainien, caricature parue sur le site d’information ukrainien info-prom.com

Rien ne sert de courir vers l’Union européenne

D’abord, le dimanche 27 octobre, Vladimir Poutine a accueilli à Sotchi le président ukrainien, Victor Ianoukovitch, pour une rencontre en tête-à-tête de plus de cinq heures. Mais aucune information n’a filtré, et tout est resté dans le plus strict secret.

Rencontre Poutine-Ianoukovitch

A Sotchi le 27 octobre 2013

Dans la soirée, les délégations des ministères russe et ukrainien des affaires étrangères, présidées par leurs ministres Sergueï Lavrov et Leonid Kojara, se sont réunies dans la ville de Rostov-sur-le-Don (sud-ouest russe). Les diplomates ont échangé leurs points de vue au cours du dîner et participé à des réunions durant toute la journée du 28 octobre. À l’ordre du jour de l’agenda bilatéral, plusieurspoints difficiles : de la démarcation des frontières et la résolution des litiges en mer d’Azov et dans le détroit de Kertch jusqu’à la question de la présence de la flotte russe en mer Noire. Mais le vrai enjeu de la rencontre se situait au niveau du choix géopolitique de l’Ukraine.

Kojara et Lavrov

Rencontre des ministres russe et ukrainien des Affaires étrangères

Sergueï Lavrov a notamment tenté de convaincre son homologue que le rapprochement de Kiev avec Bruxelles placerait l’économie ukrainienne en grande difficulté. Pour lui, il ne sert à rien de se précipiter, il est préférable d’attendre.

En réaction à la volonté ukrainienne de se rapprocher de l’Union européenne, la Russie a menacé de prendre certaines mesures. Si le ministre a précisé que les autorités russes n’interdiraient pas l’importation de marchandises ukrainiennes, il est en tout cas fort probable que le régime de traitement préférentiel dans le cadre de la zone de libre-échange de la Communauté des États indépendants (CEI) dont bénéficiait Kiev soit supprimé après l’association avec l’Union européenne à Vilnius. Le ministre russe a en outre ajouté : « Si le marché ukrainien est envahi de marchandises concurrentielles en provenance d’Union européenne, la Russie prendra des mesures pour défendre son marché intérieur. » Le chef de la diplomatie russe a enfin annoncé que, si d’aventure l’Ukraine devenait un jour membre de l’Union européenne, la liberté de circulation des citoyens des deux États serait limitée. Pour franchir la frontière, ils devront présenter leur passeport extérieur.

« Avec nous ou contre nous »

Sergueï Lavrov reproche à l’Union européenne d’imposer le principe du « avec nous ou contre nous », en mettant la pression sur Kiev tout en assurant que l’Ukraine peut rester assise entre deux chaises. Il assure qu’in fine, l’Ukraine devra bien choisir entreUnion douanière et Union européenne. Lavrov a clairement précisé à Rostov-sur-le-Don que la conséquence directe d’une signature de l’accord d’association avec l’Union européenne sera que « l’Ukraine ne pourra plus adhérer à l’Union douanière ».

Selon un diplomate russe, anonyme : « La Russie n’apprécie pas que l’Union européenne contraigne Kiev à faire un choix de politique étrangère aussi déterminant dans un délai si court. La Russie n’a rien contre la libéralisation du régime commercial entre l’Ukraine et l’Union européenne dans la mesure où la perspective est de créer un marché commun. Cependant, on estime à Moscou que Russie et Ukraine doivent se rapprocher de l’Union européenne en même temps. Pas maintenant mais dans deux ans – lorsque les économies des deux pays seront plus compétitives relativement à l’UE. »

Un autre diplomate russe demeuré anonyme rappelle encore qu’il existe une alternative à une intégration européenne de l’Ukraine tout en maintenant un certain lien : Kiev pourrait bénéficier du même compromis que les pays membres de l’Association européenne de libre-échange (AELE), tels la Suisse ou la Norvège, qui ont des accords avec Bruxelles.

L’Ukraine reste ferme sur ses positions européennes

Toutefois, en dépit des tentatives russes d’empêcher le rapprochement entre Kiev et Bruxelles, il semble que l’Ukraine a fait son choix et ne reviendra pas sur sa décision. Déjà le 25 octobre, à Minsk (Biélorussie), une rencontre des chefs d’États de la CEI a vu le président ukrainien Victor Ianoukovitch présenter ses arguments en faveur d’une association de son pays avec l’Union européenne.

Au cours de la rencontre de Rostov-sur-le-Don du 28 octobre, le ministre ukrainien des affaires étrangères, Leonid Kojara, est resté ferme sur cette position, décrivant le sommet de Vilnius – et donc la signature de l’accord d’association – comme un objectif de la politique étrangère ukrainienne.

Leonid Kojara est partisan d’un équilibre de l’Ukraine entre l’Union européenne et l’Union douanière, ne voyant aucune contradiction à une participation aux deux organisations. Il affirme : « Ceux qui disent que l’Ukraine se rapproche de l’Union européenne pour s’éloigner de la Russie se trompent totalement. La Russie a toujours été, est, et restera un partenaire stratégique pour l’Ukraine. L’intégration européenne n’est pas une fin en soi mais un instrument. Nous voulons moderniser notre pays, nous rapprocher des standards européens, et augmenter le niveau de vie de nos concitoyens. En d’autres termes, nous voulons construire l’Europe à l’intérieur de l’Ukraine, et nous pensons sincèrement que la Russie n’en sera que gagnante. »

En réponse à cette tirade, le ministre russe Lavrov a lancé un argument de dernière minute pour persuader son homologue : « En cas de rapprochement avec l’Union européenne, les Ukrainiens devront changer leur technique de production du salo – il n’est pas conforme aux normes européennes. »

Mais même l’évocation de ce fameux lard ukrainien n’a pas eu l’effet escompté à Moscou. Kiev semble devenue parfaitement inflexible.

 

Tag(s) : #international
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