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BURKINA FASO LE PAYS
DES HOMMES INTEGRES
Carnet de route :
Publié sur www.Djoloffactu.com
le 21/12/2012 à 10:01:51
Haute Volta - Au milieu des années quatre-vingt, plus de 20 ans après nos indépendances, arrive au pouvoir un jeune capitaine marxiste qui n’a pas fait que rebaptiser son pays en le nommant Burkina Faso, un nom issu de la tradition africaine. Il incarna aussi un espoir pour tout un continent et un renouveau pour un pays qui souffrait de famines chroniques, d’épidémies endémiques et j’en passe. Ses idées avant-gardistes qu’il mit au profit de son peuple continuent toujours d’inspirer respect et admiration à des millions de sympathisants aux quatre coins du monde. C’est dans ce cadre que s’est inscrit notre pèlerinage à Ouagadougou pour honorer la mémoire de « l’homme intègre ». Pèlerinage au cours duquel la famille du « Père de la révolution burkinabé » nous a accueilli dans la maison familiale. Récit.
Il est minuit quand l’avion s’immobilisa sur le tarmac de l’aéroport international de Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso. Ouff !!! Après des heures de vols et de multiples trous d’air, nous étions comme sauvés. Doucement, les passagers emboitèrent le pas à une belle hôtesse avec des rondeurs africaines et un teint café au lait. Dehors, le vent balaie un air un peu chaud et sec. Il fallait faire la queue pour les formalités d’enregistrement à l’aéroport. Puis nous gagnions notre hôtel vers les coups de 1 H et devions nous reposer vite pour être en forme pour la mission qui nous attendait les jours à venir. Le lendemain, un coup d’œil depuis ma fenêtre qui donne sur la rue, me rappelle que je suis bien dans « la capitale des deux roues », pour ne pas dire le temple des « Jakarta ». Les piétons traversaient les routes en slalom entre vélos, motos et véhicules qui passaient.
A l’extérieur, l’air était sec et chargé de poussière. C’est l’harmattan. Ce vent qui soulève le sable du désert donna ainsi le jour avec un ciel blanc et mal lessivé. A la « Maison Des Savoirs (MDS) », lieu de notre rencontre et des retrouvailles pour certains, on s’interpelle, on palabre, on se chicane, mais la bonne humeur l’emporte toujours et finit d’ailleurs par créer une nouvelle famille baptisée plus tard « Famille Ouaga 2.0 ».
C’est le vendredi que nous commencions notre pèlerinage. Il est deux heures de l’après-midi quand finit l’heure de la prière du vendredi. Nous entamions notre première visite qui eut lieu au cimetière municipal où fut enterrée une figure très emblématique du monde des médias : le journaliste engagé Norbert Zongo.
Ce dernier était un journaliste burkinabè, directeur de publication de l’hebdomadaire L’Indépendant. Après avoir commencé une enquête sur la mort mystérieuse de David Ouédraogo, le chauffeur de François Compaoré, frère du président burkinabè Blaise Compaoré, il meurt assassiné le 13 décembre 1998, avec trois personnes qui l’accompagnaient. Ce qui souleva ainsi une très vive émotion à Ouagadougou, à travers tout le pays et jusque dans les pays voisins.
J’ai connu le nom de ce journaliste à travers un chanteur dont les mélodies ont rythmé ma jeunesse. Il s’agit du « prophète » du reggae africain Alpha Blondy. Il avait écrit en 2000 dans son album Elohim, une chanson intitulée « Journalistes en danger ». Blondy y dénonçait l’assassinat de Norbert Zongo et le pouvoir burkinabè qui essaie d’étouffer cette affaire.
D’après la commission indépendante sur le meurtre « nul ne doute que la mort du journaliste était due à des motifs purement politiques, en raison de ses investigations surtout au sujet de la mort « après torture » de David Ouédraogo ». Un de mes guides m’a aussi raconté que Zongo s’était fait engager dans une mine malgré un salaire misérable pour les besoins d’une enquête sur les conditions de vie des mineurs. Ce qui montre son niveau d’engagement à la recherche de la bonne information et à la lutte pour le bien-être des masses populaires. Ce qui faisait que toutes ses parutions faisaient toujours trembler nos gouvernants qui sucent le sang du bas peuple.
L’empreinte indélébile de « Thom Sank »
L’autre aspect qui impressionne à Ouagadougou, c’est son environnement boisé. A coté de la nouvelle ville qu’on appelle « Ouaga 2000 », il y a la « vieille ville » qui rappelle une marque indélébile laissée par le jeune capitaine Thomas Sankara. De par sa vision révolutionnaire et son engagement en faveur de l’écologie, il a bâti une ville « verte au cœur du Sahel ». Il paraît d’ailleurs qu’il a institué une tradition selon laquelle à chaque évènement dans un quartier, mariage ou naissance, on plantait un arbre. Une tradition qui avait réussi à « changer la nature de Ouaga » en l’espace de quatre années. Malgré le peu de temps qu’il a passé au pouvoir et les obstacles de l’époque, l’homme a laissé une trace positive dans tous les secteurs de la vie que nous n’étalerons pas ici.
Le samedi dans l’après-midi, nous partions nous recueillir sur sa tombe. Notre véhicule emprunta l’avenue Général Charles de Gaulle avant de déboucher sur une piste latéritique soulevant ainsi quelques particules de poussière jusqu’à notre arrivée au cimetière de Dagnoën dans la zone Est de Ouagadougou. Protégé par un haut mur et un portail rouge avec un poste de garde, nous entrions sans difficulté. La tombe du père de la révolution burkinabé (bien que rien n’atteste formellement que le corps de Thomas Sankara repose ici) est à quelques mètres de l’entrée aux côtés de ses autres compagnons d’infortune. Ils auraient été inhumés ici en catimini et dans la précipitation. Sankara n’était pas quelqu’un qu’on emprisonne. C’est sans doute pour cette raison que les putschistes Burkinabés du 15 octobre 1987 ont préféré l’éliminer.
La première chose qui n’a pas manqué d’attirer mon attention dans ces moments d’émotion, c’est bien l’état de la dernière demeure de « Thom Sank ». Vous y voyez toujours les stigmates de la dernière profanation dont la presse nationale burkinabé et internationale avaient fait écho en début juillet 2012. Cette profanation, pour la deuxième fois rappelons-le, avait provoqué une vague de réactions d’indignation, tant au Faso qu’à travers les quatre coins du monde. Les coups de pioche sur la dalle centrale et l’épitaphe tombale démolie étaient toujours visibles. Ce qui fait naitre une multitude de questionnements dans ma tête : tout en déplorant ce piteux état de la dernière demeure de l’homme du 4 août, je demeure convaincu que même mort, le leader hante toujours le sommeil de ses assassins, ces « vomissures de la contre-révolution » comme il les appelait.
Une heure de temps dans la maison familiale « Sankara » Nous sommes dimanche. Le climat ouagalais n’est toujours pas clément contrastant avec celui de Dakar qui accueille tout doucement l’habituel froid du mois de Décembre. Il était midi passé quand nous sommes arrivés devant une maison située à l’angle. La plaque « Rue Sambo Joseph SANKARA » indique que c’est bien la demeure familiale du leader où on nous a reçu avec un peu de méfiance au début quand on a évoqué le nom de Thomas. J’ai dû décliner mon identité et l’objet de ma visite pour que la méfiance se transforme peu à peu en sympathie. Ce fut un grand honneur pour moi. Mais rien de surprenant quand on est a Ouagadougou qui signifie en mooré (langue locale) : « là où on reçoit des honneurs, du respect ».
C’est une demeure simple qui a tout le style d’une maison des grandes familles modestes d’Afrique. Quelques débris dans la cour, des enfants qui révisent leurs leçons au milieu de trois bâtiments. A gauche, la chambre d’étudiant de Thomas Sankara et une autre plus large qu’il occupait à son retour de formation d’officier à l’Académie militaire d’Antsirabe de Madagascar, en 1976.
Le plus imposant des bâtiments de la maison des SANKARA est composé de deux chambres donnant sur une véranda avec un salon en rotins, des photos de la famille placardées au mur. Seuls les carreaux qui tapissent la véranda témoignent d’un certain confort et l’on en est à se demander si c’est bien la maison familiale d’un ancien Président de la République si on la compare à celles de nos simples directeurs de sociétés dans nos pays. Ah oui c’est vrai : « Sankara est mort comme il a vécu, les poches vides » contrairement à nos dirigeants actuels qui, à force de corruption, de vols et de rapines, se remplissent les poches en pillant les maigres ressources de leurs pays.
- Avec Valentin Sankara sans la maison de la famille Sankara
C’est le cadet de Thomas, Valentin, qui nous a reçu. Un moment riche en révélations, en anecdotes et autres faits et gestes du fondateur du Burkina Faso : de sa tendre enfance à sa mort dans les conditions que l’on sait... Unique occasion de mieux connaître l’homme de la révolution d’août 1983 et surtout d’admirer davantage la stature et la dimension d’un homme exceptionnel… Valentin n’a pas prononcé le nom de Thomas qu’il désigne par « le regretté » car dès que le nom de Thomas est prononcé, le cadet commence à s’étouffer et en avoir gros le cœur.
C’est le signe que la blessure saigne encore pour ce frère éploré comme tant d’autres Africains qui continuent de voir en le leader de la révolution Burkinabé « l’espoir assassiné ». Nous ne reviendrons pas maintenant sur les détails de notre discussion.
Mais la modestie de la demeure où nous avons été accueilli montre tout est-il que Thomas Sankara n’était pas un dirigeant qui profitait de sa situation pour se servir. A ma question sur son statut lorsque son frère arriva au pouvoir, Valentin me répondit sans aucun regret : « Je suis resté l’agriculteur que j’étais. Ce n’est pas parce qu’on a un frère haut placé qu’il faut vraiment changer … ». Ça ne semble pas être dans leur gène familial de partager les biens du Peuple. « Il faut penser aux autres qui n’ont pas de frère » renchérit-il avant de conclure : « Le regretté lui-même nous disait que vous avez compris que je ne suis pas le Président d’une famille Sankara, mais de toute la famille voltaïque (NDLR : à l’époque la Haute Volta n’avait pas encore changé de nom) ».
Une réponse pleine de sens et il nous raconte aussi qu’un jour, un dirigeant européen (si ma mémoire est bonne) était venu dans la maison sur invitation du capitaine. Surpris par la modestie de la maison, il douta que ce fût la maison du Président avant de proposer à Thomas de raser la maison pour en construire une autre plus digne, à la dimension de son statut. Ce que Thomas Sanara refusa poliment car il voulait vivre comme le commun des Burkinabés. Décidément, si l’intégrité avait un visage au Faso, ce serait certainement la famille Sankara.
Après un peu plus d’une courte heure de discussion intéressante, nous prîmes congés de notre hôte avant 17 H, l’heure du retour sur Dakar. Nous profitâmes des quelques heures qu’il nous restait à passer en terre burkinabé pour visiter d’autres lieux symboliques de la révolution du 4 Août en terminant par l’immeuble dit du « Conseil de l’Entente » où Sankara, « le Che africain », a été assassiné le 15 Octobre 1987. Impossible d’y entrer ni même de prendre des images au risque d y laisser sa vie. C’est une zone de haute surveillance militaire. D’ailleurs, d’après mon guide, plusieurs personnes y ont disparu mystérieusement pour n’avoir pu masquer leur curiosité ou réprimer leur intérêt pour ce lieu mythique où l’espoir de se défaire des chaines de l’aliénation et de la domination néo – coloniale fut assassiné en ce jour funeste d’octobre 1987. Quoiqu’on pût lui reprocher à tort ou à raison, le Capitaine Thomas Sankara est et restera à jamais le Président burkinabé qui s’est donné corps et âme pour le Tiers Monde et plus particulièrement pour son pays. Les Africains resteront fiers de cet homme qui incarna notre dignité à ce jour foulée aux pieds et que la postérité placera au rang d’illustres fils de l’Afrique humiliée que sont Patrice Lumumba, Amilcar Cabral, Cheikh Anta Diop, Kwamé N’kruma. SANKARA restera pour toujours l’homme visionnaire dont l’élan a été précocement brisé par les forces de domination néo – coloniales et impérialistes qui ont vampirisé l’Afrique.