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Jeudi 19 septembre 2013 à 16:12
L’atténuation des tendances protestataires au cours de l’année 2013 a poussé une partie de l’opposition, des sociologues et des politologues à se demander pourquoi les manifestations massives de 2011 et 2012 ont laissé autant de Russes indifférents. Une partie des sociologues n’y voit rien de surprenant, étant donné que le noyau du mouvement de protestation est composé de libéraux. Or, cette idéologie est assez peu soutenue par la population.
Le concept d’un « libéralisme de droite » ne séduit que 9% des Russes
À quoi rêvent les Russes ?
« Globalement, les mouvements de protestation à Moscou baissent en intensité. Selon nos estimations, le niveau des revendications de nature « libérale » n’a jamais dépassé les 20-22 %, même en 2011. Actuellement, on descend même à 13-15% » explique Léonce Byzov, chercheur à l’institut de sociologie de l’Académie des sciences.
C’est ce même institut qui a publié, au second semestre 2012, une étude titrée « À quoi rêvent les russes ». L’un des chapitres était consacré à l’appréciation de la quantité d’adeptes de telle ou telle idéologie parmi les Russes. Il est important de préciser que les sondages ont été réalisés après le printemps 2012, moment pic des protestations. À l’issue de cette vaste enquête, les sociologues ont distingué parmi les personnes interrogées trois grands groupes, divisés en sous-groupes.
La majeure partie des Russes sont des conservateurs de gauche
Le premier groupe, celui des « conservateurs de gauche », correspond finalement à l’idéologie la plus répandue parmi les Russes. Les personnes qui y ont été « rangées » sont partisanes d’un État fort à tendance socialiste. Elles estiment nécessaire de « renforcer le rôle de l’État dans tous les domaines, de nationaliser les grandes entreprises et les secteurs industriels stratégiques », et se prononcent également pour une économie de type socialiste, éventuellement agrémentée d’éléments d’économie de marché. Le groupe, qui englobe 57 % des sondés, pourrait aussi bien être baptisé « gauche souverainiste » ou « social-conservateur ».
La deuxième grande partie des sondés, qui se retrouve dans le qualificatif de « libéraux », s’avère particulièrement hétérogène. Les représentants de ce groupe considèrent que la société russe a « besoin d’une libéralisation dans tous les domaines et d’en finir avec la mainmise du gouvernement sur les entreprises ». Leur proportion peut être estimée à 28 % de la population parmi les moins de 55 ans. Parmi eux, 7 % sont partisans d’un « pur capitalisme, de la propriété privée, de la libre concurrence sur le marché » : soit les plus à droite des libéraux. 21 % sont partisans d’une économie mixte (capitalisme et planification) ou d’une économie socialiste. Ce second sous-groupe, celui, disons, des « libéraux de gauche », est à bien des égards proche des idées de la social-démocratie.
Le troisième groupe, enfin, qui est aussi le plus petit, serait celui de la « droite souverainiste ». Ce sont des gens qui croient à la combinaison d’un État fort et d’une économie de marché. Comme les représentants du groupe majoritaire, ils pensent qu’il faut ” renforcer le rôle de l’État dans tous les domaines, nationaliser les grandes entreprises et les secteurs industriels stratégiques ». Mais ils s’expriment, dans le même temps, pour une économie capitaliste qui laisserait place à la libre concurrence. Ce petit groupe – 10 % des sondés – se positionne clairement à droite et prône l’idée d’un État puissant.
Le concept d’un « libéralisme de droite » ne séduit que 9% des Russes
Un gouvernement “satisfaisant dans l’ensemble”
L’étude indique en outre qu’en dépit des critiques adressées au gouvernement actuel, une grande partie de nos concitoyens (63 %) continue de percevoir la gestion générale du pays comme “satisfaisante” et à même de fournir, à terme, des résultats positifs. Ce qui explique sans doute pourquoi, à l’hiver 2011-2012, une majorité écrasante des Russes n’a pas soutenu les protestations à Moscou.
76 % des personnes interrogées estiment ainsi qu’« avec tous ses défauts, le pouvoir actuel mérite tout de même le soutien des citoyens », quand seulement 23 % d’entre elles sont convaincues qu’«il doit être remplacé, quel qu’en soit le prix ». Ces dernières appartiennent en majorité au groupe des libéraux de gauche (32 %).
« La concurrence entre ces trois groupes pourrait constituer la dynamique politique des cinq-dix ans à venir, voire au-delà, estiment les sociologues. Il y a cette première idée d’une « gauche souverainiste » attachée à la restauration des principes de base de la justice sociale. Ensuite, nous avons le concept de « gauche libérale », qui met l’accent sur les valeurs politiques, économiques et sociales de modernisation européenne. Et on a enfin l’idéologie souverainiste de droite, qui coïncide, au fond, avec la politique menée ces dix dernières années. Ce troisième groupe, minoritaire, joue un rôle central, en permettant au côté « révolutionnaire » des deux autres courants de demeurer contenu.”
Il y a, en revanche, plusieurs éléments autour desquels les trois groupes se retrouvent presque unanimement. Plus de 80 % de chacun des deux groupes a priori les plus opposés s’accordent à dire, par exemple, que l’écart entre les revenus doit être réduit.
Il y a quasi-unanimité aussi pour affirmer que toutes les richesses naturelles appartiennent au peuple, ou à l’État en tant que son représentant. Cette idée est soutenue par 87 % des sondés, y compris par la droite libérale (67 %). « Il est évident que l’exigence d’un retour à l’État de la propriété des ressources naturelles est aujourd’hui universelle. Elle constitue une sorte de rêve national que le pouvoir ne peut pas ne pas considérer », concluent les chercheurs de l’Institut de sociologie de l’Académie des sciences.
Source : Rousskaïa Planeta