Xème Congrès du PC d'Andalousie:
une fédération forte,
dans un parti affaibli,
qui conserve et fait vivre une ligne communiste
Article d'AC pour
http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/
Un Parti dans le parti. Voilà ce que représente désormais le Parti Communiste d'Andalousie (PCA) au sein du Parti Communiste d'Espagne. La terre de José Diaz est la preuve que les traditions communistes ne meurent jamais. Avec plus de 10 000 militants, dans un Parti Communiste d'Espagne (PCE) qui n'en compterait désormais plus que 20 000 (en dépit d'une recrudescence très récente), le PCA est désormais une force incontournable.
Mais peut-on seulement expliquer ce poids démesuré au sein du PCE par une « tradition culturelle » communiste andalouse?
Ce serait bien trop réducteur.
Car l'Andalousie est l'exemple même que le choix de faire vivre une ligne communiste est le seul moyen de conserver un lien avec les masses, un enracinement social et in fine une audience électorale et des positions institutionnelles.
Concrètement, le PCA a pris le parti du renforcement de l'organisation partisane, de la participation critique à Izquierda Unida en adoptant en particulier une ligne locale assez intransigeante vis-à-vis du PSOE – toute alliance ne devant reposer que sur un programme – quitte à mettre en péril certaines mairies importantes.
En réalité, c'est bien cette ligne communiste qui a permis à des dirigeants locaux de remporter et de conserver certaines mairies de la région de Séville et de Cordoue, et d'imposer ses conditions au PS où le PCA n'est pas hégémonique.
C'est cette position qui a permis au PCA de ne pas disparaître et d'être toujours un point de référence pour les travailleurs andalous. L'animateur politique des luttes d'une terre touchée de plein fouet par la crise économique, avec son million de chômeurs, dans une des régions les plus pauvres d'Espagne (si on prend le PIB/habitant, elle se place à l'avant-dernière place juste devant l'Extrémandure).
Un jeu de chaises musicales au sommet annonciateur d'un coup de barre à gauche local et national ?
La position de force qu'occupe PCA au sein du PCE lui a permis de faire pencher la balance, ces derniers temps, vers l'aile-gauche du parti. Le jeu de chaises musicales aux sommets, dont les répercussions se sont fait sentir de Séville à Madrid, en est l'illustration la plus visible.
Lors du dernier Congrès du PCE, qui s'est déroulé en novembre 2009, l'ancien secrétaire du PCA, José Luis Centella, a succédé à Paco Frutos en tant que secrétaire-général du PCE. La ligne adoptée (« Renforcer le PCE, refonder Izquierda Unida ») est tout autant l'expression de la progression de la ligne « reconstructrice » (= aile-gauche favorable à la reconstruction du Parti et critique envers Izquierda Unida) que le révélateur des compromis encore à vigueur et symptomatiques d'un Parti à la croisée des chemins.
Pour ce qui est du Congrès du PCA, qui se tenait le 21 mars dernier, c'est José Manuel Mariscal qui a été choisi comme nouveau secrétaire-général du PCA, avec 82% des votes des délégués.
Paradoxalement, ce changement de directions pourrait constituer un coup de barre à gauche tant au niveau local que national. Centella, perçu comme modéré (faisant partie de l'aile-droite de la direction fédérale) à Séville, se retrouvait en revanche flanqué de l'étiquette de « reconstructeur » à Madrid, notamment par les liquidateurs compromis par le fiasco électoral de 2008 (3,7% pour Izquierda Unida, son minimum historique).
Sa promotion à la tête de la direction nationale permet donc de marquer symboliquement le retour du PCE sur des positions plus « reconstructrices », et dans le même temps, elle permet à l'aile-gauche de la direction fédérale andalouse de s'installer définitivement et d'intensifier le processus de reconstruction de l'organisation communiste, de présence dans les luttes et dans la rue, tout en commençant à remettre en question, encore à demi-mot, le projet Izquierda Unida.
Les premiers actes du nouveau secrétaire-général indiquent la voie: le Parti communiste est de retour
Les premiers actes officiels du nouveau secrétaire-général sont porteurs d'une symbolique forte. Tout d'abord, un dépôt de gerbe sur la tombe de José Diaz, dirigeant historique du PCE, dont la dépouille a été rapatriée de Géorgie en 2005 par la direction fédérale. Une manière de ne pas oublier ses racines, ceux qui ont combattu pour un Parti Communiste fort dans une Espagne libre.
Ensuite, la volonté de mettre immédiatement en pratique les nouvelles orientations du Parti résumées ainsi par Mariscal: « Le Parti Communistes, aux côtés des travailleurs, va retourner dans la rue ».
C'est pourquoi la première action post-Congrès du PCA fut la participation à la journée d'action syndicale du 23 mars convoquée par les CC.OO et l'UGT, pour défendre les droits des travailleurs, où dirigeants politiques du PCA et dirigeants syndicaux des mines, des chantiers navals et de la métallurgie ont mené le cortège Sévillan jusqu'au Bureau de l'Emploi provincial.
La priorité: investir le terrain des luttes et renforcer le Parti
La conférence de presse du 24 mars a marqué la première prise de parole publique du nouveau secrétaire-général, José Manuel Mariscal, ainsi que du vice-secrétaire général, Juan de Dios Villanueva, et relayant ainsi la nouvelle ligne politique adoptée au Congrès. Face aux interrogations des journalistes, les deux dirigeants communistes ont parlé franchement:
Disparition du Parti?
Villanueva met en valeur l'hégémonie historique du PCA, sa présence dans des centaines de municipalités, les effectifs militants du Parti, nombreux et croissants, pour dire que ce sont ces hommes « qui ont empêché que n'advienne ceux que certains prédisaient dans un futur proche, la disparition du PCA ».
Le Parti doit-il s'effacer devant Izquierda Unida?
Encore Villanueva: « Le PCA et le PCE ont été durant trop longtemps un parti semi-clandestin, parce que certaines personnes n'avaient pas bien compris sa relation avec Izquierda Unida. Lors du dernier Congrès du PCE, nous sommes arrivés à la conclusion que le Parti devait se renforcer, devait alors une présence publique plus importante, être plus actif, plus visible ».
Seule la participation aux élections sous le sigle Izquierda Unida n'est pas encore remise en cause. Pour le moment.
Quel mot d'ordre pour le PCA dans les mois à venir?
Quatre axes pour le nouveau secrétaire-général José Manuel Mariscal:
« Parler de politique, être dans la rue, faire un programme et construire le Parti ».
Des rumeurs annoncent un possible alliance gouvernementale PS/Izquierda Unida en Andalousie?
Réponse agacée de Mariscal:
« Ce n'est pas le moment de parler d'alliances, notre alliance, elle est avec le million de travailleurs au chômage en Andalousie, avec les 200 000 chômeurs en fin de droits ou ceux qui se battent pour un revenu minimum que le PSOE refuse de leur accorder ».
Peut-on se réjouir des dernières sondages positifs pour Izquierda Unida?
En aucun cas car pour Mariscal, c'est l'arbre qui cache la forêt:
« Ce qu'expriment ces enquêtes, ce n'est pas qu'Izquierda Unida est une force importante, ce que disent ces enquêtes, c'est que les ouvriers et les ouvrières, fatigués de tant d'années de gouvernement PSOE, sont disposés à voter pour le PP et que c'est une menace contre laquelle il faut lutter. »
Que faire pour endiguer la montée de la Droite?
Recréer des liens avec les masses, retrouver le terrain:
« nous devons aller entreprise par entreprise, maison par maison, village par village, village par village, région par région, parce que c'est la seule manière de faire comprendre aux citoyens que le Parti Populaire, quand bien même il s'appelle populaire, ne va résoudre les problèmes du peuple et que, par conséquent, la seule manière de faire bouger les choses est d'apporter un soutien fort et résolu aux candidatures d'Izquierda Unida. »
Loin d'être encore sortis de l'auberge (espagnole) Izquierda Unida... mais le temps presse
Certes le PCA, tout comme le PCE, est loin d'être sorti de l'auberge espagnole que constitue Izquierda Unida. Comme pris dans un piège qui s'est refermé sur sa proie, les communistes espagnols essaient de reconquérir quelques espaces de liberté.
Les progrès effectués depuis 2004 ont permis de reconstruire l'organisation, de retrouver une autonomie politique et d'animer à nouveau des luttes si ce n'est nationales en tout cas locales, face à la crise et ses 4,5 millions de travailleurs espagnols au chômage et face à l'offensive anti-sociale sans précédent menée par le gouvernement socialiste de Zapatero, avec un plan de relance pour l'industrie et la finance aux frais du contribuable suivi d'un plan d'austérité prenant comme prétexte la dette créée par le plan de relance, sans oublier la question symbolique du recul de l'âge de la retraite à 67 ans.
L'exemple du PCA devrait permettre aux camarades espagnols, sur des positions de lutte de classe, de faire bouger les lignes au cours des prochains mois.
Car le temps presse.