Des barrages filtrants

Il est 8 h. A deux pas du site Arcelor-Mittal de Basse-Indre interdit d'accès, un ruban de voitures et de camions s'allonge de part et d'autre de la route Nantes-Couëron. Le sésame pour passer : « Un coup de klaxon », bien appuyé de préférence, histoire de mesurer le degré de soutien apporté par l'automobiliste aux salariés en grève. Chacun s'exécute bon gré mal gré, salué par la clameur des ouvriers satisfaits.

Même Lakshmi Mittal, dont l'effigie trône sur la reproduction géante d'un dollar, semble esquisser un demi-sourire.

Tribune devant l'usine

Sur une estrade improvisée avec des palettes, les syndicalistes CGT, FO et CFDT réaffirment la nécessité de « maintenir la cohésion du site » de Basse-Indre. « Comment garantir la qualité des produits transportés depuis Florange, après la suppression de deux lignes (le décapage et le laminage à froid) ? » L'avenir de l'usine indraise est désormais lié à Florange. Peut-être pour le pire : « Quelle garantie pour les emplois ? Souvenons-nous de Gondrange. Qu'on nous donne simplement les 100 000 tonnes qui nous manquent pour charger notre usine et accroître sa rentabilité... »

Les élus en première ligne

Dans la foule qui rassemble bientôt plus de 500 personnes, les soutiens aux manifestants se multiplient. Des élus, écharpe en bandoulière ; des habitants d'Indre, Basse-Indre, Couëron ; des commerçants et des salariés des gros clients d'Arcelor. « Tout le monde se sent concerné. Ce site doit rester en l'état. Ici, en tant que client, on a une grande réactivité... » commente un délégué CGT de chez Crown, le leader de l'emballage métallique dont les commandes pèsent « 40 % de l'activité de Basse-Indre... » Et d'insister sur « la qualité remarquable de la matière première fournie par ce site... »

La grève à main levée

Dans la fumée des palettes, l'intersyndicale appelle au vote sur la poursuite du mouvement. Les plus engagés lèvent aussitôt les bras. « Si on arrête, on est morts »,tonne un grand gaillard. Bref instant de flottement dans le reste de la troupe. On discute ferme. Dans l'après-midi, la grève assortie du blocus de l'usine est reconduite, « jusqu'à vendredi, 6 h. » Des bivouacs vont s'improviser pour la nuit.

Le député chahuté

Jean-Pierre Fougerat, député-maire de Couëron, fait une apparition à 16 h, cerné par la fumée noire des pneus et palettes qui se consument au rond-point des Forges. Il est porteur d'un message : « Il n'a jamais été question de déshabiller Pierre pour habiller Paul. Le gouvernement veillera à la pérennité du site de Basse-Indre... »Les propos déclenchent l'ire d'un métallo qui travaille là « depuis 22 ans ». Cet ancien rugbyman qui joue collectif ne digère pas l'accord Mittal. « Vous nous enfumez »,lâche t-il après une vaine tentative d'explication de Jean-Pierre Fougerat. Au micro, le député réaffirme sans convaincre, la volonté du gouvernement de « faire respecter l'accord par Mittal ». L'intervention du maire d'Indre qui lui succède sur l'estrade et vient de passer « neuf heures sur le site », recueille un tonnerre d'applaudissements.

 

 

Jocelyne RAT.