Le PCF, cocu mécontent, mais toujours prêt
à continuer l'alliance avec le PS...
REPORTAGE
En déplacement à Saint-Denis ce vendredi, le chef du PCF a regretté les «ambitions personnelles» et les «tentations hégémoniques anachroniques» des socialistes.
Entre les allées du marché de Saint-Denis, leur passage ne provoque aucune cohue. A peine quelques interrogations sur l’identité de ces trois hommes, tracts contre la réforme des retraites sous le coude. Le plus interpellé des trois, c’est Patrick Braouezec. Un homme l’aborde : «Je suis passé l’autre jour à la mairie mais je ne vous ai pas vu.» «Ça fait neuf ans que je n’y suis plus!», lui répond dans un sourire le président de la communauté d’agglomération de Plaine Commune. A ses côtés, le patron du Parti communiste, Pierre Laurent, et le maire de Saint-Denis, Didier Paillard, passent plus inaperçus malgré quelques poignées de main de clients et commerçants qui l’assurent de leur vote aux municipales de mars prochain.
Pierre Laurent est venu ce vendredi matin à Saint-Denis soutenir Paillard, dernier maire PCF d’une ville de plus de 100 000 habitants. Et il en a besoin. Car en 2012, Braouezec s’est fait déloger de la circonscription par un jeune loup socialiste : Mathieu Hanotin. Et ce néodéputé, proche de Benoît Hamon et soutenu par Claude Bartolone - le vrai patron PS du département - veut l’hôtel de ville après avoir gagné sa place à l’Assemblée nationale. «Une agression caractérisée», dit-on au PCF de Saint-Denis. «Hanotin a déjà fait une promesse, dénonce Laurent, il a expliqué aux Dionysiens qu’avec un député aux côtés de François Hollande, ça irait mieux qu’en gardant un député communiste. Ils voient que ce n’est pas le cas.» Pour le secrétaire national du PCF, cette candidature Hanotin ne sert que des «ambitions personnelles» et illustre des «tentations hégémoniques anachroniques» des socialistes.
En venant à Saint-Denis ce vendredi, Laurent veut aussi prouver qu’il n’est pas seulement celui qui a topé à Paris avec les socialistes mais le numéro un PCF prêt à défendre les derniers bastions locaux de sa famille : «On ne se résigne pas à constater une situation où le PS présenterait des listes contre le PCF en Seine-Saint-Denis.»
Car outre Saint-Denis, les communistes voient les ambitions socialistes se multiplier : La Courneuve, Villetaneuse… «J’appelle le PS à renoncer aux listes de division», dit-il à la poignée de journalistes, arrêtés entre un stand de fruits et légumes et un autre débordant de viande.
Et lorsqu’on lui signale que les socialistes s’étaient déjà présentés contre Paillard en 2008 au premier tour et qu’ils plaident pour un premier tour démocratique puisqu’il y a très peu de risques de voir la ville basculer à droite, le chef du PCF nous renvoie : «C’est un argument que j’ai entendu à Drancy ou Epinay.»
La première était PCF, la seconde PS. En 2001, les deux ont basculé à droite.
Et quand on lui fait remarquer que le PCF présente une liste contre le PS à Aubervilliers, il rétorque : «C’est une municipalité qui nous a été volée en 2008. On tente de récupérer ce qu’on a perdu.»
Soutenu par Bartolone et Hamon, Hanotin ne compte pas retirer sa candidature annoncée à la fin de l’été. A la sortie de la gare RER, ses affiches sont collées : le sigle PS est toujours visible. Peu importe si son élection - en contradiction avec les positions de son courant - le mettrait en situation de cumul des mandats. «La seule chose qui peut amener le PS à débrancher Hanotin, c’est si les intentions de vote aux municipales traduisent une sanction des socialistes, explique-t-on dans l’entourage de Paillard. Beaucoup va se jouer sur des questions de protection.Or j’ai plutôt tendance à penser qu’avoir un maire avec un profil très local, qui ne joue pas la mairie pour d’autres ambitions, jouera en notre faveur.» «J’ai fait une offre de rassemblement à Hanotin, assure Paillard. On a besoin d’être uni pour obtenir des choses solides. Là, on désespère un peu plus et on éloigne des gens du vote.»
Avec cette sortie à Saint-Denis, Laurent se lance dans la bataille municipale. Accusé de «trahison» par Jean-Luc Mélenchon et le Parti de gauche (PG) parce qu’il a poussé à l’accord avec le PS dès le premier tour dans la capitale, il se lance dans une revue des troupes locales.
Qu’elles soient en alliance avec les socialistes ou en mode Front de gauche à côté de socialistes. Il a prévu de se rendre en Bretagne, Seine-Maritime et dans les Bouches-du-Rhône. Là où le PCF dispose de ses derniers bastions.