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Dimanche 2 février 2014

 

Les groupes d'extrême droite et les islamistes (qui se ressemble s'assemble) font circuler des rumeurs infondées contre l'école publique; par delà les fantasmes sur un enseignement du "genre" qui n'existe pas, se dessine une attaque directe contre l'égalité des garçons et des filles qui venant d'eux n'a rien pour surprendre. Ils n'ont rien d'autre à proposer qu'une casse accélérée du service public. Mais ces rumeurs se nourrissent d'une angoisse bien réelle dans la population générale, provoquées par les difficultés quotidiennes de l'école : inégalités territorales et sociales, misère des locaux, baisse du niveau culturel, violence, absentéisme, souffrance des élèves et des enseignants. Elles-mêmes conséquences graduelles mais implacables d'une série de réformes maltusiennes qui se sont succédées depuis l'inoubliable Claude Allègre, souvent au prétexte d'améliorer la pédagogie, et qui font exploser le marché de l'enseignement privé.

 

Or bien loin de tenter d'affronter ces problèmes, les théories pédagogiques bien en cours dans les instances officielles de l’EN ont été longtemps sous l’emprise de conceptions démagogiques, mélange de gauchisme, de paternalisme et de libéralisme, qui ont servi d’argument pour proposer de démanteler l’école universelle, obligatoire, laïque et gratuite.


Le programme éducatif dans toute société est fixé par une génération donnée, à l'intention des générations suivantes, qui ne sont pas consultées, et pour cause, car pour qu'elles puissent donner leur avis il faudrait qu'elle aient déjà reçu cette éducation. Ainsi, il n'y a pas de pratique de l'enseignement possible sans deux principes qui, en théorie, font horreur aux habituels théoriciens de l'éducation, et dont ils abusent en réalité dès qu'un petit pouvoir leur tombe entre les mains : l'autorité, et l'obligation. Ce faisant ils pratiquent la double contrainte hyperautoritaire sous un langage doucereux, à destination des enseignants et des élèves, et laissent le champ libre aux autoritaires de toute confession qui prolifèrent dans la société en fournissant des discours dogmatiques, alternatifs aux connaissances dispensées par l'école publique. 

 

Les "pédagos" libéralo-gauchistes dénigrent et caricaturent l'enseignement tel qu'il est réellement dispensé sur le terrain comme une forme de micro-dictature, et tentent de faire croire que des réformes dans le style d’enseignement, sans aucun investissement, pourraient faire des miracles contre l'échec scolaire, et bien entendu tous les casseurs de l’enseignement public leur font chorus à commencer par le MEDEF.

 

Les difficultés considérables que l’école rencontre dans sa mission principale, qui est de faire partager à tous des savoirs de base maitrisés et une culture générale de bonne qualité ne tirent pas principalement leur origine de problèmes internes, mais plutôt de l’invasion de la marchandise dans la vie quotidienne des enfants dès le plus jeune âge. Il y a une contradiction directe entre la culture au sens profond du terme et le capitalisme à son stade terminal.

 

Mais les recommendations d'une pédagogie officielle totalement irréaliste, et d'ailleurs en voie d'abandon, selon laquelle "l'apprenant" devait construire son savoir lui même (ce qui revenait à lui faire régurgiter toutes les marques dont il était saturé), où la grammaire et la logique avaient disparu, où l'apprentissage par cœur était interdit même quand il était incontournable, où l'évaluation était abandonnée, aggravaient les choses au lieu de les corriger, et ses promoteurs le savaient bien puisqu’ils se gardaient bien d’appliquer leurs généreux principes à leurs propres rejetons. Ou quand ils le faisaient, dans l'enseignement privé, ils se gardaient bien de les mélanger aux enfants du prolétariat.


Contrairement à ce qu'on entend dire en général, pour le déplorer, il n'est pas vrai que l'éducation civique ait disparu. Au contraire elle a envahi de son ennui mortifère toutes les disciplines, sous la forme d'une pseudo "éducation à la citoyenneté" et d'un préchi-précha risible qui se substitue bien souvent à l'acquisition de véritables connaissances exigeant l'effort des élèves, et dont la maitrise rendrait bien plus probable le futur comportement de citoyen qu'on prétend attendre d'eux.


Quant au fond, une pédagogie "ouverte" et "active" est parfaitement possible, et souhaitable, à condition d’y investir bien davantage de moyens par élève … ce dont il n’est bien sûr jamais question. Et aussi à condition de savoir que si elle améliore sans doute le vécu des élèves, elle aggrave les inégalités entre eux, et qu’il faudra corriger d’une manière ou d'une autre cet effet pervers.


"L’enfant au centre" de la ritournelle pédagogique a servi à remettre en cause "le savoir au centre" sans améliorer en aucune manière la condition des élèves en difficulté, qui sont particulièrement en manque de repères, et les ZEP ont souvent servi de laboratoire à cette liquidation de l’ambition culturelle pour les masses.


Aujourd’hui les masses se rebiffent et les fascistes récupèrent ces questions, comme ils ont fait pour la sécurité, le chômage, l'Europe, et il va falloir trouver une autre réponse que la simple dénégation des problèmes.


 

GQ, prof d'histoire dans le 93 depuis 1991

Tag(s) : #Education nationale
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