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ChallengeS
Les surprenants réseaux du patron de la SNCF

 

Diriger la SNCF apporte son lot d'ennuis.

Guillaume Pepy dispose néanmoins d’un épais carnet d’adresses pour faire retomber toute polémique. Indéboulonnable ?

 

Guillaume Pépy. (Thomas PADILLA/MAXPPP)Guillaume Pépy. (Thomas PADILLA/MAXPPP)
 

 

Le scandale des TER trop larges, les fuites d’un rapport sur l’accident de Brétigny-sur-Orge mettant en cause la maintenance des voies ou la grève prolongée des cheminots contre la réforme ferroviaire : depuis deux semaines, les mauvaises nouvelles pleuvent sur la tête de Guillaume Pepy ! Mais pas question pour le président de SNCF de se laisser abattre : ce "faux cool", dixit ses proches, est toujours prêt à enfourcher son scooter pour aller éteindre le feu quelque part. En ligne directe, via SMS, avec Manuel Valls à Matignon et Frédéric Cuvillier à l’hôtel de Roquelaure au moment de la grève. Le patron de la compagnie publique sait user de son vaste carnet d’adresses pour déminer une polémique, s’expliquer avec les médias ou rassurer les politiques. Donnant toujours l’impression que tout est sous contrôle, même si, en réalité, "il est complètement sous tension", observe un familier du groupe.

Utile à sa tutelle

S’est-il senti menacé par l’appel à la démission lancé par Valérie Rabault, la rapporteure générale socialiste du Budget à l’Assemblée nationale, à l’occasion du scandale des trains trop larges ? Son entourage assure que non, mais l’intéressé s’est tout de même empressé d’aller lui remettre en main propre le rapport le mettant hors de cause. "Pourquoi demander la démission de Guillaume Pepy ?" s’est interrogé Frédéric Cuvillier, en prenant sa défense sur Europe 1, soucieux de ne pas déstabiliser un homme qui peut lui être utile en ces temps socialement agités. La relation entre les deux hommes s’est d’ailleurs apaisée depuis peu, le secrétaire d’Etat aux Transports ayant parfois pris ombrage de l’omniprésence du patron de SNCF.

"La vérité, c’est que Guillaume Pepy n’a pas beaucoup de souci à se faire,tranche un ancien responsable du rail. Cela fait quinze ans qu’il est dans l’entreprise, six qu’il la dirige et autant d’années qu’il voit défiler les ministres de tous les bords." Indéboulonnable ? En tout cas bien vissé à ce siège que lui a accordé Nicolas Sarkozy en 2008, au détriment d’Anne-Marie Idrac, et que lui a renouvelé le président socialiste François Hollande, l’an dernier. Preuve que ce "sarkozyste de gauche et ségoléniste de droite",selon sa propre formule, est à son aise sur tout l’échiquier politique.

De la génération au pouvoir

"SNCF est aussi certainement l’entreprise la mieux réseautée de France",pointe le sénateur UMP Francis Grignon, auteur d’un rapport sur la compagnie publique.

Passé par les cabinets de Michel Durafour (radical), Martine Aubry (PS), dont il est très proche, et Michel Charasse (PS), Guillaume Pepy, énarque de gauche de 55 ans, est de la génération qui est au pouvoir.

A l’Elysée, il a l’oreille de François Hollande dont il ne rate pas une visite d’Etat à l’étranger. Au gouvernement, il peut se confier à Michel Sapin, le ministre des Finances, avec lequel il dîne régulièrement, tout comme il reste proche de Ségolène Royal, qui assure la tutelle des Transports et dont la directrice de cabinet, Elisabeth Borne, est une ancienne de SNCF.

Mais c’est surtout avec Manuel Valls que Guillaume Pepy cultive "une vraie complicité", assure un spécialiste du lobbying qui connaît les deux hommes.

Le conseiller social du Premier ministre, Gilles Gateau, est aussi un relais précieux. Il fait partie des amis proches du patron de SNCF, connus sous le nom de "canetons du Châtelet".

Ces anciens membres du cabinet de Martine Aubry voulaient rénover les idées de gauche dans les années 1990 et sont restés de bons copains, toujours prêts à partager un moment festif autour de Jean-Pierre Clamadieu (Solvay), Muriel Pénicaud (Ubifrance) ou David Azéma, l’ancien numéro deux de SNCF parti diriger l’Agence des participations de l’Etat (APE).

"SNCF a essaimé partout", observe Pierre Cardo, le président de l’Araf, le gendarme du rail, même si les anciens cheminots placés dans l’administration publique ont aujourd’hui tendance à se reconvertir dans le privé.

C’est le cas d’Antoine de Rocquigny (du cabinet de Bernard Cazeneuve), de Pierre Cunéo (ex-dircab de Delphine Batho) ou d’Emmanuel Kesler (ex-dircab de Frédéric Cuvillier). Et même de David Azéma, qui devrait prochainement prendre la direction française de la banque Merrill Lynch.

Au grand dam de Guillaume Pepy.

Recrutements malins

Mais il n’y a pas que l’outplacement qui marche à SNCF. Habile tacticien, son président sait aussi recruter les personnalités qu’il faut pour combler les faiblesses de son réseau.

En octobre dernier, il a ainsi fait un joli coup en recrutant Alain Le Vern, l’ex-président (PS) du conseil régional de Haute-Normandie. Juste au moment où SNCF est en bisbille avec les régions, qui râlent face à l’inflation  des coûts du TER et réclament plus de transparence sur les comptes du groupe ferroviaire.

Au fil des années, Guillaume Pepy s’est également entouré d’un puissant réseau de spécialistes de l’image et de relais d’opinion qu’il sollicite en permanence.

Ce qui lui a d’ailleurs valu les remontrances, l’année dernière, des inspecteurs de la Cour des comptes, effarés par le rythme des dépenses de SNCF en communication (210 millions d’euros par an depuis 2007, publicités comprises). Inscrit au Siècle, comme tous les grands patrons français, et membre du très classique Institut Montaigne, Guillaume Pepy privilégie les dîners organisés par Un train d’avance, qu’il a monté il y a quatre ans avec le lobbyiste Paul Boury, proche de François Hollande. Unaction tank destiné à faire passer des messages aux élus locaux qu’il invite une fois par mois autour d’une personnalité extérieure au monde du rail.

Comme Xavier Niel, le patron d’Iliad-Free (et un des patrons du "Monde"), prochain invité, fin juin, qu’il apprécie beaucoup, au même titre, mais dans un genre différent, que Marc Ladreit de Lacharrière, le PDG  de Fimalac.

Communication soignée

Patron éclectique, Guillaume Pepy "est un des patrons français les plus ouverts à la compréhension des tendances d’opinion et de consommation",assure le spécialiste des sondages Pierre Giacometti, son client depuis quinze ans. Le tandem qu’il forme avec Alain Péron sert d’ailleurs à SNCF de boîte à idées où son patron puise les grandes lignes de sa communication. Ils lui servent également de lanceurs d’alerte parfois.

Ces derniers jours, par exemple, ils l’ont mis en garde contre le risque "émotionnel" d’un blocage des trains le jour du baccalauréat. Poussant l’entreprise à redoubler ses efforts en direction des lycéens. "SNCF fait partie des entreprises qui suscitent un attachement parmi les plus forts dans l’opinion, observe l’ancien patron d’Ipsos. Mais également un niveau d’exigence totalement hors norme qui la met sous pression en permanence".

Ce n’est pas Guillaume Pepy qui dira le contraire


Tag(s) : #Politique française
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