jeudi 5 août 2010,
par
"Vous connaissez "Les misérables " de Victor Hugo ?"
"Vous allez voir ce qu’on fait des "nouveaux misérables !"
C’est bien en ma direction, que l’homme parle et fait cette référence canon.
C’est bien sur moi que son regard vient de se poser, pénétrant, sardonique...
C’est sans doute à l’adresse de tout un monde, assis sur une culture humaniste ancestrale qu’il parle... les mots se pressent, ordonnés mais étrangers à la bouche de ce beau garçon de trente-cinq ans avec son fort accent moyen-oriental dans la prononciation des "r" de langue anglaise...
Il fait chaud en ce début d’après-midi de mai 2010, une chaleur ronde et humide enveloppe corps et décors d’un voile collant... Elle isole du monde extérieur selon une certaine épaisseur de surdité, une opacité tenace. Ses yeux verts derrière les lunettes ont percé ma crainte, ils ont fixé mon trouble profond devant le risque de devenir cet après-midi un quelconque visiteur-voyeur... comme tant d’autres...Le regard me confronte rigoureusement à l’objet de ma venue, sa finalité, le corps même de ma présence...
J’ose à peine pénétrer le lieu, craignant de réaliser le dérisoire d’un passage... aussi solidaire soit-il parmi le douloureux… l’indicible… une intime étrangeté.
A peine entré, je songe déjà à la sortie, à mon retour dans le monde comme si ce n’était pas ici le monde, mais l’ante-monde... ce qui me ferait retrouver le lien, le point de contact avec ce qu’il y a d’antique en nous, dans le rassemblement humain... la rencontre... irréductible aux circonstances...
...Je crois que je viens de comprendre clairement ce qui est mis en alerte, se prononce dans le silence... se dessine sous la citation de Victor Hugo.
C’est ma propre voix que j’entends : "Tu penses que tu vas voir ce que tu sais déjà... ce que tu crois savoir... en réalité, tu vas faire connaissance de ce que savoir ignore"...
Est-ce cela que "les nouveaux misérables" retiendront de ma visite... ce qui de leur insupportable rapporte mon regard à sa propre détresse ?...
On croit savoir... on possède des informations, on s’en imprègne pour mieux les faire siennes, pour les refouler à souhait... on croit connaître... on pacifie sa conscience... on se tait... on feint d’ignorer... le scénario est le même depuis toujours...
Une fois serein, rendu indifférent à ce qui inquiète, on perd le sentiment d’urgence. L’urgence urgente, par laquelle on connaît, on naît AVEC ce que l’on sait... par l’expérience même de l’autre dont nous devenons inséparables.
Peu à peu nous cessons d’être urgents à notre propre existence, la négligeant et nous nous égarons... perdons le contact sensible avec nous-mêmes... ne devenons plus que notre propre visiteur épisodique... flâneur... distrait.
...Je ne suis pas venu vous visiter... d’ailleurs je vous le dis ou crois encore que cela est juste de le dire... je viens vous saluer...(...)
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