PARTAGER LES RICHESSES ?
MAIS AVEC QUI ?
par Jean LEVY
Il est de bon ton, dans les cercles qui se disent « de gauche », de prétendre résoudre la question sociale en prônant « une meilleure répartition des richesses ».
Le nouveau « partage » ainsi évoqué conduit à cette interrogation :
entre qui et qui ?
Entre les « riches » et les « pauvres » ?
Entre les salariés et les patrons ?
Si la première réponse évoque l’attitude des dames patronnesses, la seconde semble, à première vue, plus « revendicative ». Les dirigeants syndicaux en font, en effet, grand usage.
Mais ce n’est pas une raison de s’en contenter. D’abord, parce que cette position suppose que l’existence du patronat est une constante incontournable dans notre société. Les syndicats n’auraient donc plus pour perspective, d’obtenir « une société sans classe », par « l’abolition du patronat et du salariat », pour reprendre les termes des statuts qui régissaient la CGT, il y a encore peu de décennies.
Le capitalisme serait, ainsi, « indépassable » avec, comme seul objectif, de réduire « un peu » les profits pour augmenter « un peu » les rémunérations.
C’est ce raisonnement qui conduit la direction de la CGT (ne parlons pas de la CFDT…) à tendre à faire du syndicat une organisation qui « accompagne » le système, pour n’en réduire que les « excès ».
Avant de partager les richesses accumulées par quelques uns au détriment de tous, voyons qui PRODUIT ces richesses et QUI EN PROFITE.
Les statistiques sont sans ambiguïté : les profits sont massivement accaparés par les directions d’entreprises (rémunérations, retraites chapeau, stocks-options), et les actionnaires.
Les uns et les autres utilisent ces masses d’argent pour spéculer. Ainsi, fructifie sans cesse la fortune d’une caste de privilégiés. Autrement dit, les richesses produites par les salariés sont, pour l’essentiel, détournées par des personnes privées. Or, celles-ci commandent l’économie du pays. Et ce pouvoir, elles l’utilisent dans le seul sens de leurs intérêts. L’argent, quand il ne s’évapore pas dans des paradis fiscaux, est « placé » dans les affaires jugées les plus juteuses, celles qui leur rapportent le plus. Sans aucune considération de l’intérêt national, sans aucun souci des besoins collectifs et individuels de la population.
Comment, dans ces conditions, proposer, comme remède, un meilleur « partage des richesses » entre les voleurs et les volés ? La justice propose-t-elle aux braqueurs de banques de rendre une partie du butin, en contrepartie de leur immunité ?
S’en tenir à cette attitude est, non seulement dangereux, mais également, sans issue.
De nos jours, le capital mondialisé vise à réduire toujours plus les salaires, les retraites, la protection sociale, les dépenses publiques, pour augmenter sans cesse la part de ses profits. Nous le constatons tous les jours, non seulement en France, mais également dans les 27 pays de l’Union européenne, (quelle que soit la couleur politique du gouvernement au pouvoir), aux Etats-Unis et dans tous les Etats capitalistes.
Croire pouvoir inverser la logique interne du système, ne plus avoir la perspective d’en changer, c’est engager le monde du travail sur une voie sans issue. Le capitalisme ne peut se perpétuer que par la violence sociale. Engagé, dans une concurrence sauvage sans limites, il n’est plus en mesure de faire des « compromis » pour «partager » ses richesses.
Certes, les ripostes ouvrières sont nécessaires au quotidien.
Les luttes de masse, qui se développent aujourd’hui en France et dans toute l’Europe, contre le Capital, pour en réduire ses empiètements, en témoignent.
Mais ce combat serait sans issue s’il ne s’accompagnait pas de la nécessité d’un changement de société.
Une véritable course contre la montre est engagée entre la dictature du capital, celle du « marché », et une France libérée du joug de l’argent-roi, maîtresse de son destin, et souveraine par son peuple.