UNE NOUVELLE « COLLABORATION »
ENTRE LA FRANCE ET L’ALLEMAGNE ?
par Jean LEVY
Ces jours-ci, les médias - la radio en particulier – dégoulinent de propagande en faveur de « l’entente franco-allemande », à l’occasion du 50ème anniversaire du Traité de l’Elysée, signé par le général de Gaulle et le chancelier Konrad Adenauer. Ils scellaient ainsi, nous dit-on, la « réconciliation entre la France et l’Allemagne ».
Cette cérémonie à laquelle les dirigeants des deux pays ont donné le plus grand retentissement, avec le voyage du gouvernement français à Berlin et celui de l’ensemble des élus à l’Assemblée Nationale rencontrant les députés du Bundestag.
Nos médias sont chargés de participer à l’évènement en donnant à celui-ci le maximum d’ampleur avec pour thème « la nécessaire » et « historique » « collaboration franco allemande ».
Radios, télés et journaux, en service commandé, font assaut de zèle, utilisant la signature par le général de Gaulle au fameux traité et à ses déclarations d’alors. C’est oublier bien vite qu’il s’agissait pour le chef du gouvernement français de se ménager une alliance à l’Est pour faire contrepoids à la puissance des Etats-Unis. Le général déchantera rapidement et s’orientera vers une politique d’indépendance nationale, illustrée par le discours de Phnom Pen. (Voir le texte reproduit ces jours derniers par « canempechepasnicolas »).
Il est clair que le gouvernement français et ses « chiens de garde » visent à influencer nos compatriotes en faveur d’une « collaboration franco-allemande », celle des financiers et des gros industriels, le choix permanent des puissances d’argent des deux côtés du Rhin, acceptant toujours la domination germanique sur notre pays.
Rappelons-nous la collaboration de Bismarck et de Thiers, en 1871, contre les patriotes communards insurgés. Et, bien sûr, la « Kollaboration » des banquiers et des industriels de notre pays avec l’Occupant de 1940 à 1944.
Il est bon, à ce sujet, de rappeler Montoire où, le 24 octobre 40, la rencontre de Philippe Pétain avec Adolf Hitler pour annoncer aux Français la « collaboration » entre la France et l’Allemagne :
« Français,
« J’ai rencontré, jeudi dernier, le Chancelier du Reich. Cette rencontre a suscité des espérances et provoqué des inquiétudes ; je vous dois, à ce sujet, quelques explications.
Une telle entrevue n'a été possible, quatre mois après la défaite de nos armes, que grâce à la dignité des Français devant l'épreuve, grâce à l'immense effort de régénération auquel ils se sont prêtés, grâce aussi à l'héroïsme de nos marins, à l'énergie de nos chefs coloniaux, au loyalisme de nos populations indigènes. La France s'est ressaisie.
Cette première rencontre entre le vainqueur et le vaincu marque le premier redressement de notre pays. »
« C'est librement que je me suis rendu à l'invitation du Führer. Je n'ai subi, de sa part, aucun « diktat », aucune pression. Une collaboration a été envisagée entre nos deux pays. J'en ai accepté le principe. Les modalités en seront discutées ultérieurement. »
« A tous ceux qui attendent aujourd'hui le salut de la. France, je tiens à dire que ce salut est d'abord entre nos mains. A tous ceux que de nobles scrupules tiendraient éloignés de notre pensée, je tiens à dire que le premier devoir de tout Français est d'avoir confiance. A ceux qui doutent comme, à ceux qui s'obstinent, je rappellerai qu'en se raidissant à l'excès, les plus belles attitudes de réserve et de fierté risquent de perdre de leur force. »
« Celui qui a pris en mains les destinées de la Francea le devoir de créer l'atmosphère la plus favorable à la sauvegarde des intérêts du pays. C'est dans l'honneur et pour maintenir l'unité française, une unité de dix siècles, dans le cadre d'une activité constructive du nouvel ordre européen que j'entre aujourd'hui dans la voie de la collaboration.
Ainsi, dans un avenir prochain, pourrait être allégé le poids des souffrances de notre pays, amélioré le sort de nos prisonniers, atténuée la charge des frais d'occupation. Ainsi pourrait être assouplie la ligne de démarcation et facilités l'administration et le ravitaillement du territoire. »
« Cette collaboration doit être sincère. Elle doit être exclusive de toute pensée d'agression, elle doit comporter un effort patient et confiant. L'armistice, au demeurant, n'est pas la paix. La France est tenue par des obligations nombreuses vis-à-vis du vainqueur.
Du moins reste-t-elle souveraine.
Cette souveraineté lui impose de défendre son sol, d'éteindre les divergences de l'opinion, de réduire les dissidences de ses colonies. »
« Cette politique est la mienne. Les ministres ne sont responsables que devant moi. C'est moi seul que l'histoire jugera. Je vous ai tenu jusqu'ici le langage d'un père : je vous tiens aujourd'hui le langage du chef. Suivez-moi ! Gardez votre confiance en la Franceéternelle ! »
C’est le geste de la trahison, celui qui change radicalement la perception que les Français pouvaient avoir du nouveau régime de Vichy.
Et le 12 août 1941, dix mois après, Pétain était contraint de reconnaître « Le vent mauvais… » qui soufflait sur la France
« Français,
« J'ai des choses graves à vous dire. De plusieurs régions de France, je sens se lever depuis quelques semaines un vent mauvais.
« L'inquiétude gagne les esprits, le doute s'empare des âmes. L'autorité de mon gouvernement est discutée ; les ordres sont souvent mal exécutés (...) Nos difficultés intérieures sont faites surtout du trouble des esprits, de la pénurie des hommes et de la raréfaction des produits.
« Le trouble des esprits n'a pas sa seule origine dans les vicissitudes de notre politique étrangère. Il provient surtout de notre lenteur à reconstruire un ordre nouveau, ou plus exactement à l'imposer. La révolution nationale, dont j'ai, dans mon message du 11 octobre, dessiné les grandes lignes, n'est pas encore entrée dans les faits.
« Elle n'y a pas pénétré, parce qu'entre le peuple et moi, qui nous comprenons si bien, s'est dressé le double écran des partisans de l'ancien régime et des serviteurs des trusts.
« Les troupes de l'ancien régime sont nombreuses ; j'y range sans exception tous ceux qui ont fait passer leurs intérêts personnels avant les intérêts permanents de l'Etat : maçonnerie, partis politiques dépourvus de clientèle mais assoiffés de revanche, fonctionnaires attachés à un ordre dont ils étaient les bénéficiaires et les maîtres, ou ceux qui ont subordonné les intérêts de la patrie à ceux de l'étranger.
« Un long délai sera nécessaire pour vaincre la résistance de tous ces adversaires de l'ordre nouveau, mais il nous faut, dés à présent, briser leurs entreprises, en décimant les chefs. Si la France ne comprenait pas qu'elle est condamnée, par la force des choses, à changer de régime, elle verrait s'ouvrir devant elle l'abîme où l'Espagne de 1936 a failli disparaître et dont elle ne s'est sauvée que par la foi, la jeunesse et le sacrifice…. »
En 1945, Philippe Pétain, chef d’Etat déchu, était condamné à mort pour haute trahison, mutée en emprisonnement à vie
Aujourd’hui, dans un contexte différent, la météo politique pourrait pourtant nous annoncer rapidement « un vent mauvais » soufflant à nouveau sur notre pays…