Xenofon Lougaris,
tué par les gaz de la police,
devant le Parlement grec
Près de 70 000 travailleurs grecs ont manifesté à Athènes et quelque 20 000 à Thessalonique ce 18 octobre. Les syndicats avaient organisé une grève générale de 48 heures contre les mesures d’austérité visant à nouveau les salaires, les pensions, les soins de santé, l’enseignement. Xénophon était l’un de ces militants durement touché par la crise.
Cécile Chams
Ouvriers, employés, enseignants, étudiants, fonctionnaires, par dizaines de milliers, ils sont à nouveau descendu dans la rue pour dire leur colère face aux mesures d’austérité qui plongent les familles populaires dans la misère.
Xenofon Lougaris, 65 ans, était l’un d’eux.
Ingénieur dans la marine, il avait perdu son emploi. En Grèce, être sans emploi, cela signifie, après quelques mois, être totalement sans revenu. Xenophon pouvait juste espérer toucher une pension de misère, inférieure au minimum vital.
Avec quelques 25 000 autres travailleurs, il avait rejoint le cortège du PAME, le Front militant des travailleurs, à la place Syntagma, face au parlement.
Le président du syndicat des ingénieurs de la marine marchande a souligné la précarité, le chômage et l’angoisse du lendemain qui sévit dans le secteur.
Le Parti communiste de Grèce (KKE) a immédiatement exprimé sa tristesse et transmis ses profondes condoléances à la famille du marin, soulignant qu’il est mort« en luttant avec des milliers de travailleurs, de jeunes et de collègues sans emploi, pour les droits des travailleurs ».
Dès l’arrivée des manifestants, la police anti-émeute a bombardé la place de gaz lacrymogène et de bombe flash. Il s’agissait littéralement d’étouffer les manifestants. L’atmosphère est devenue irrespirable.
Xenofon a fait un malaise cardiaque.
Transporté avec difficulté vers l’hôpital – la police bloque même les ambulances – il n’a pu être réanimé par les médecins.
Voici juste un an, un autre militant du PAME est mort dans les mêmes circonstances, presqu’au même endroit. Dimitris Kotzaridis, 53 ans, a été tué par les mêmes gaz meurtriers le 20 octobre 2011.
« Nous sommes ici parce que nous ne pouvons plus vivre comme ça. La grève est une étape, mais ce n’est pas suffisant », déclare un manifestant. « La Grèce mourra si ces mesures d’austérité ne s’arrêtent pas »1, ajoute un autre.
Une délégation de syndicalistes belges était présente à Athènes aux côtés des travailleurs grecs. Le dirigeant de cette délégation était Nico Cue, secrétaire général de la FGTB-métal Wallonie-Bruxelles. Il a déclaré devant une chaine de télévision grecque : « La Grèce d'aujourd'hui, c'est l’Espagne de 1936. C'est l’extension des mesures antisociales. On va basculer dans une civilisation de barbarie. » 2
Un des slogans les plus scandés à Athènes ou à Thessalonique est : « Pain, enseignement, liberté ! La junte n’a pas été abolie en 1973 ! » La misère, les coupes dans l’enseignement et les atteintes aux droits démocratiques rappellent aux Grecs les sombres années de la dictature.
Les derniers chiffres donnent la mesure du fléau national créé par les mesures d’austérité imposées par la Troïka, c’est-à-dire l’Union européenne (prix Nobel de la paix, quelle ironie !), la Banque centrale européenne et le FMI.
Le taux de chômage en Grèce en juillet a atteint les 25 %.
Chez les jeunes de moins de 25 ans, il est de 58 %. 1,6 millions de Grecs sont officiellement sans emploi, soit quatre fois plus qu’il y a quatre ans, au début des mesures d’austérité. Les chiffres de l’année écoulée montrent que chaque jour un millier de travailleurs perdent leur emploi.3
Une nouvelle grève générale est annoncée le 14 novembre, mais cette fois en même temps au Portugal et en Espagne.
Cette grève générale est la 20e depuis fin 2009. Et après chaque train de mesures d’austérité, les dirigeants politiques grecs, sociaux-démocrates ou conservateurs, annoncent la fin du tunnel, le dernier petit effort avant la reprise. Les dernières mesures exigées par la Troïka prévoient 13,5 milliards d’euros de coupes dans les salaires, les pensions, les soins de santé, l’enseignement.
La lutte va s’intensifier dans les prochaines semaines.
Dans son communiqué de presse, le PAME « appelle la classe ouvrière, les syndicats à poursuivre la lutte sans relâche, dans tous les lieux de travail, à travers tout le pays. Nous devons empêcher les mesures barbares, et renverser cette politique impopulaire. »4
Une nouvelle grève générale est annoncée le 14 novembre, mais cette fois en même temps au Portugal et en Espagne.
NOTES
1. Le Monde, 18 octobre 2012.
2. http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=LNVdUr8KZME.
3. CNN, 18 octobre 2012. 4. PAME, 18 octobre 2012.
4. PAME, 18 octobre 2012