THIERRYVALLATAVOCAT
Le blog de Thierry Vallat, avocat au Barreau de Paris
Les auditions devant la commission d'enquête sur ''l'affaire Benalla'' sont désormais terminées et ne devraient pas donner lieu à l'établissement d'un rapport.
Elles ont néanmoins été, notamment pour celle devant le Sénat, fort instructives.
Cependant, les nombreuses erreurs révélées lors de ces auditions et plusieurs témoignages contredits par la suite font planer une sanction sur ceux pris la main dans le sac du mensonge.
En effet, les témoins prêtent désormais serment et encourent donc une peine d'emprisonnement en cas de faux témoignage.
C'est ainsi par exemple que le préfet de police Michel Delpuech, lors de son audition le 23 juillet 2018 avait affirmé que les.deux personnes molestées par Alexandre Benalla place de la Contrescarpe, le 1er mai et interpellées «avaient déclaré de fausses identités» et «n’avaient pas de papiers sur eux».
Or, d’après les informations du journal Le Monde, les deux personnes ont bien donné leur véritable identité.
Mais que pourraient alors risquer les témoins qui seraient reconnus comme parjures auditionnés ?
Si un faux témoignage est découvert ou soupçonné, ''un président de la commission ou, lorsque le rapport de la commission a été publié, à la requête du bureau de l’assemblée intéressée'', peuvent saisir le Parquet conformément aux dispositions de l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.
Le témoin parjure sera alors passible de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende, selon l’article 434-13 du Code pénal qui dispose:
''Le témoignage mensonger fait sous serment devant toute juridiction ou devant un officier de police judiciaire agissant en exécution d'une commission rogatoire est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende.
Toutefois, le faux témoin est exempt de peine s'il a rétracté spontanément son témoignage avant la décision mettant fin à la procédure rendue par la juridiction d'instruction ou par la juridiction de jugement''.
Le témoin sera donc exempté de cette peine s’il a rétracté spontanément son témoignage avant la décision mettant fin à la procédure.
Par ailleurs, s’il est ''provoqué par la remise d’un don ou d’une récompense quelconque'' ou lorsque la personne concernée par le témoignage (qu’il soit en sa faveur ou pas) est passible d’une peine criminelle, le faux témoignage sera alors puni de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende, ainsi que le prévoit l’article 434-14 du code pénal.
Mais, à ce stade, rien ne confirme que le préfet ait livré intentionnellement de fausses informations lors de son audition.
Pour le moment, aucune saisine du parquet ne semble avoir été initiée à propos des auditions de l’enquête parlementaire sur l'affaire Benalla.
A ce jour, seul le pneumologue Michel Aubier a été condamné en juillet 2017 à six mois de prison avec sursis et 50 000 euros d’amende, pour avoir dissimulé aux sénateurs qu’il était payé depuis 1997 par Total, lors d’une audition parlementaire en 2015 sur une enquête concernant la qualité de l'air. Il a fait appel de cette décision qui n'est donc pas définitive.
C'est dire que le parjure n'est plus guère poursuivi en France aujourd'hui et bien différemment qu'autrefois puisque le châtiment privilégié était l’émanotation !
Un peu d'histoire: la main du parjure
La loi salique prévoyait une amende de quinze sous d’or. Puis, il est souvent puni de l'ablation de la langue et surtout donc par la main coupée ''la main du parjure'', comme le prescrivait un capitulaire carolingien dès mars 779.
C'est la « vindicta dignissima perjurii ».
Élaborées à une époque marquée par une volonté de retrouver une véritable justice publique, les textes carolingiens prévoient des peines sévères, exemplaires et dissuasives.
En prêtant serment avec sa main droite le jureur s’engage en effet sur la vérité de sa déclaration et de sa promesse et, en cas de manquement à la parole donnée, le membre est coupé car il a permis la faute mais aussi parce qu’il garantissait l’engagement et la véracité des propos tenus. L’amputation empêche tout renouvellement de la faute, elle rend impossible toute participation à la vie de la communauté. L’individu reconnu coupable de parjure et puni de cette façon est placé dans une situation d’incapacité juridique comprise entre la mort physique et la mort civile, la peine mérite alors plus que jamais le qualificatif d’infamante.
Le parjure est condamné puisqu’il remet en cause la validité de la parole et met alors en péril l’organisation et le fonctionnement de la société
Dans cette même ligne, Ganelon, le traître de la Chanson de Roland meurt pendu après qu'on lui ai coupé, non sa main de parjure, mais sa barbe et ses moustaches également symboliques.
(crédits dessin: Cabinet Thierry Vallat)