La nouvelle du jour serait qu’alors que tous les indicateurs sont en train de passer au rouge de partout en Europe, la France verrait son chômage baisser[1]. Les journalistes prennent cela pour argent comptant, n’ayant pas le cœur de creuser le problème, nous allons le faire pour eux, chiffres à l’appui.
Le gouvernement Macron-Philippe représente ce qu’il y a de plus bas dans la politicaillerie, il est fait de menteurs, de tricheurs, de personnes cupides et sans morale.
Le voilà donc aux prises avec le chômage de deux façons différentes. D’abord il modifie les conditions d’accès aux allocations-chômage, de façon à faire coïncider la manière de décompter le chômage en France avec ce qui se passe dans les pays voisins. Les statistiques principales sur le chômage proviennent de Pôle emploi, elles sont assez fiables. Or si les indemnités-chômage sont de plus en plus difficiles à toucher, de plus en plus de chômeurs renonceront au statut de chômeur.
La conséquence de la réforme de l’UNEDIC est ainsi double : d’une part on appauvrit les chômeurs, les reléguant encore plus dans la précarité, et d’autre part on nettoie les statistiques. L’UNEDIC elle-même considère que ce sont 1,2 millions de personnes qui pourraient pâtir de cette chasse aux chômeurs[2].
C’est la technique récurrente des gouvernements de droite, nier le problème d’une insuffisance de création d’emplois par l’économie, et donc de renvoyer le problème vers la responsabilité des chômeurs.
C’est le même système qu’on emploie pour culpabiliser les consommateurs en ce qui concerne le réchauffement climatique, on leur reproche de ne pas trier leur poubelle comme il faut, de ne pas faire attention à éteindre leur ordinateur, mais par derrière, le gouvernement accélère les traités de libre-échange qui rallongent les circuits et font la part belle aux industries polluantes. Macron, roi des menteurs, princes des cuistres et champion de l’ignorance disait avec son arrogance bouffone coutumière : « je traverse la rue et je vous en trouve du travail »[3].
Cette réforme de l’UNEDIC aboutit aussi forcément à un déclassement des chômeurs puisque la pression sera encore plus forte pour qu’ils prennent des emplois sous-qualifiés.
Mais les traficotages des statistiques ne s’arrêtent pas là. Si je regarde le graphique ci-dessus, je ne peux absolument pas dire que le chômage baisse, au contraire il augmente régulièrement. Opportunément, on sort du chapeau un nouveau mensonge : l’INSEE affirme que le chômage baisse. L’INSEE était dans le temps un organisme assez sérieux. Mais voilà maintenant qu’il donne un chiffre du chômage radicalement différent de celui de Pôle emploi.
C’est en se référant au chiffre de l’INSEE que le gouvernement et les commentateurs laissent croire que le chômage reculerait, et donc que la politique ignoble de Macron finirait tout de même par porter des fruits. Cela défie l’entendement parce qu’en même temps qu’on raconte des fables sur la baisse du chômage, on entend parler des charrettes dans l’industrie comme dans les services, chez General Electric, Auchan, Carrefour, Conforama, Arjowiggins, etc. Ces pertes d’emplois en entraînent d’autres évidemment, en amont et en aval, des emplois qui disparaissent c’est moins d’activité pour les autres entreprises qui leurs sont liées.
L’INSEE noie le problème en racontant qu’elle redresse les statistiques de Pôle emploi en complétant son analyse à l’aide d’enquêtes dites qualitatives, autrement dit à l’aide de sondages. Les statistiques de Pôle emploi sont évidemment justes. Mais l’INSEE justifie son travail ignoble en arguant qu’il cherche à mieux cerner les chômeurs au sens du BIT. Et donc il suppose qu’un certain nombre de chômeurs inscrits à Pôle emploi sont des faux-chômeurs.
Pourquoi pas. Mais là où l’affaire devient un peu glauque c’est que comme l’a remarqué Bertrand Bissuel, l’écart entre les deux chiffres ne cesse d’augmenter[4]. Or en toute logique puisque soi-disant le chômage baisse, l’écart entre les deux indicateurs devrait se resserrer. Il est passé au contraire de 300 000 en 2013, à 800 000 en 2017 et à un peu plus de 900 000 au premier trimestre 2019, en métropole. Et donc il convient, si nous voulons comparer ce qui est comparable de se saisir des chiffres de Pôle emploi et non de ceux trafiqués de l’INSEE, il faut rajouter près d’un million de chômeurs. Une paille.
Comme nous le voyons la baisse affichée du chômage ne correspond à rien de sérieux, ce qui peut expliquer partiellement la virulence de la grogne sociale. Cette supercherie sera rapidement dégonflée. La croissance étant en recul pour 2019, il va de soi que le chômage ne peut pas baisser[5]. Plus dure sera la chute. La situation économique en Allemagne commence également à inquiéter.
Macron n’a pas inventé le mensonge en politique, ce serait lui faire bien trop d’honneur que de le dire, d’ailleurs il n’a rien inventé du tout, même pas son personnage de grand nigaud égaré en politique. Mais par contre il a exagéré dans son usage, et ça se voit. Comme un mauvais journaliste, il bidonne les chiffres du chômage comme ceux des sondages.
Certes il bénéficie de la complaisance de journalistes ignares qui dans l’ensemble recopient sans se poser de questions les communiqués de l’Elysée qui claironnent : « Formidable, la cote de Macron remonte », « Extraordinaire, le chômage recule ! », « Fantastique le pouvoir d’achat augmente ». Il peut également compter sur la passivité des syndicats : depuis que Martinez s’est fait matraquer comme un vulgaire gilet jaune, on ne l’entend plus, la CGT est aux abonnés absents.
En même temps qu’une ignominie, ces mensonges représentent l’échec complet de la politique de l’offre sur le terrain ultrasensible du chômage. Analyser le chômage n’est pas une chose facile dans ce contexte de manipulation. Mais on peut par exemple appréhender ce phénomène par le biais des chômeurs de longue durée : en effet si la situation de l’emploi s’améliore, alors le nombre de personnes inscrites dans cette catégorie doit reculer. Ce n’est pas le cas comme le montre le graphique ci-dessous.
La tendance est à une hausse sur la longue période : c’est la hausse des « inemployables ». Cette énorme quantité de personnes inemployables montre forcément que l’idée selon laquelle l’immigration ne crée pas le chômage est absurde, parce que les migrants sont massivement des populations inemployables du fait de leur très faible qualification.
En outre la robotisation qui arrive détruit d’abord le travail peu qualifié, justement celui auquel pourraient accéder les migrants. Mais plus généralement ce qui est en cause dans le discours dominant sur le chômage c’est l’idée même de croissance : on suppose que la croissance est infinie, et donc que l’emploi est élastique à l’infini. C’est la théorie qu’on appelle bêtement du déversement.
On suppose que les emplois détruits permettent aux travailleurs en chômage de se réorienter vers de nouveaux secteurs. Mais ces secteurs existent-ils ? En vérité ils dépendent de la vitesse de l’innovation, or de plus en plus d’économistes constatent que l’innovation se ralentit, et que loin de créer de nouveaux objets de consommation qui servent à quelque chose, le progrès technologique est d’abord là pour augmenter la productivité, donc réduire les coûts en travail, donc pour augmenter le chômage des plus fragiles.
C’est la thèse défendue par Robert J. Gordon, thèse qui est considérée comme provocatrice parce qu’elle annonce la fin de la croissance économique[6]. Pour beaucoup nous sommes à la fin du cycle d’une croissance économique tirée par le renouvellement infini de l’innovation technologique : depuis la généralisation du numérique dans la consommation, aucun objet réellement nouveau est apparu.
Comme nous le voyons, si nous examinons le chômage structurel autrement que sur la courte période, c’est la question de la survie du système économique actuel qui est posée. Le chômage est relié à la croissance économique, mais celle-ci est mise en mouvement à la fois par la croissance de la demande et le renouvellement des objets de consommation.
La réforme de l’assurance-chômage intervient à un moment où nous dit-on, la situation sur le marché du travail s’améliore, et donc avouant en creux que le nombre de chômeurs n’a rien à voir avec les conditions d’éligibilité aux allocations-chômage. Ce que nous savions déjà.
Le gouvernement Macron a décidé de durcir les conditions d'accès aux indemnités en allongeant la durée de cotisations nécessaire et une dégressivité des indemnités versées pour les plus hauts salaires.
À partir du premier novembre prochain, il faudra avoir travaillé l'équivalent de six mois durant les 24 mois avant la fin de son contrat pour bénéficier des allocations chômage, et non plus quatre mois pendant 28 mois.
Ces mesures devraient avoir des conséquences sur le nombre de chômeurs recensés, donc provoquer une baisse artificielle du nombre de chômeurs, alors qu’en même temps, des licenciements importants sont annoncés dans l’industrie.
Mais une autre raison a été avancée par Pénicaud, la DRH de Danone, millionnaire, qui par ailleurs se prétend ministre du travail. Sur BFMTV, le 19 juin, elle a avancé que « si on ne fait pas des économies maintenant, dans dix ans on n’aura plus de quoi indemniser les chômeurs ».
On admire au passage le raisonnement : pour pouvoir indemniser les chômeurs dans dix ans, il ne faut plus les indemniser aujourd’hui ! Mais le 12 juillet, l’Unedic a indiqué que si les règles ne changeaient pas, le régime de l’assurance chômage serait revenu à l’équilibre fin 2020, générerait un excédent de 1,2 milliards d’euros en 2021, et de 3,3 milliards d’euros en 2022[7].
On en déduit que le gouvernement cache son véritable but, celui de pourrir la vie aux salariés et les dissuader de s’inscrire à Pôle emploi, soit il n’a pas du tout confiance dans sa politique qui selon lui devrait amener une baisse régulière et forte du chômage.
[1] https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/08/14/le-chomage-poursuit-sa-decrue-pour-s-etablir-a-8-5-de-la-population-active-au-deuxieme-trimestre_5499264_3234.html
[2] Bertrand BIssuel, Réforme de l’Unédic, un impact sous-estimé ? Le monde, samedi 6 juillet 2019. Remarquez au passage le style faux-cul du journaliste du Monde qui fait semblant de s’interroger.
[3] http://www.lefigaro.fr/politique/le-scan/2018/09/16/25001-20180916ARTFIG00043-macron-a-un-jeune-chomeur-je-traverse-la-rue-je-vous-trouve-du-travail.php
[4]« Un écart de chiffres toujours plus grand entre l’INSEE et Pôle emploi », Le monde, samedi 6 juillet 2019
[5] https://www.europe1.fr/emissions/L-edito-eco2/la-commission-abaisse-ses-previsions-de-croissance-pour-2019-et-2020-sombres-perspectives-pour-leconomie-europeennes-3897325
[6] The Rise and Fall of American Growth: The U.S. Standard of Living since the Civil War, Princeton University Press, 2016