ELECTIONS
Dimanche soir, il valait ne mieux pas zapper d'une chaîne à l'autre pour y comprendre quelque chose aux résultats du premier tour...
Les habitués des soirées électorales le savent bien: il y a souvent autant d’interprétations des résultats que d’invités politiques sur les plateaux de télévision. Dimanche soir, les émissions consacrées aux départementales n’ont évidemment pas échappé à la règle. A une différence près: cette fois, les personnalités politiques ne se sont pas seulement écharpées sur l’analyse des résultats, mais sur les résultats eux-mêmes. Pas une chaîne n’annonçait les mêmes. Pourquoi ce capharnaüm?
Décryptage en trois temps.
Un binôme, plusieurs étiquettes
Pour ces départementales, le nouveau mode de scrutin est binominal (à deux tours). Autrement dit, les candidats se présentent en binômes. Obligatoirement mixtes (un homme et une femme), ces duos peuvent aussi être l’association de personnalités de partis différents.
C’est là que le calcul se corse…
Car il devient dès lors impossible de fournir le score de chaque parti.
Pour contourner cette difficulté, le ministère de l’Intérieur a donc opéré des regroupements. En plus des scores des binômes uniquement PS, UMP ou Front de gauche, son tableau affiche les résultats de binômes «union de la gauche», «divers droite» ou encore «extrême gauche».
Soit en tout 19 attelages différents constitués en fonction des «clivages politiques issus des scrutins passés et de l’actualité politique», comme l’Intérieur l’expliquait auMonde il y a quelques jours.
Les binômes «union de la gauche» devaient ainsi avoir été investis par deux partis de gauche, dont le PS, tandis que ceux d'«union de la droite» devaient avoir reçu une double investiture de l'UMP et de l'UDI. A l'extrême gauche comme à droite, des personnalités se sont plaintes d'un étiquetage très subjectif et d'un système de comptage relativisant la visibilité de leur parti le soir de l'élection.
Malgré les critiques, cette nomenclature a pourtant servi de base aux instituts de sondage.
Les choix variés des sondeurs
Plutôt que de présenter aux Français les résultats des 19 binômes constitués par l'Intérieur, les CSA, Ipsos et autres Ifop ont choisi d’agréger les résultats. «L’étiquetage de l’Intérieur n’était pas lisible, cela n’aurait eu aucun sens de présenter les résultats sous cette forme», justifie Jérôme Fourquet, directeur du département opinion et stratégies d'entreprise à l'Ifop.
En voulant légitimement simplifier les résultats, ils ont toutefois encore ajouté à la confusion en faisant des choix différents. L’Ifop a par exemple opté pour deux grilles de lecture: une première avec les trois blocs (gauche/droite/FN), une seconde avec neuf partis ou alliances, agrégeant par exemple les résultats de l’UMP, de l’UDI et du MoDem car «les trois partis étaient associés partout». Mais tous les instituts n’ont pas fait de même.
A l’arrivée, les écarts semblent donc très importants selon les chaînes de télévision, parce qu'elles n'ont tout simplement pas fait les mêmes choix de présentation.
Les lectures très personnelles des politiques
Les personnalités politiques ont enfin bien profité de ce manque de lisibilité des résultats pour ajouter du bruit au brouhaha médiatique, en fonction de leurs intérêts.
Dimanche soir, Manuel Valls s’est ainsi félicité du score de la majorité, qu’il a estimé à 28% des voix, en lui ajoutant les résultats de «ses alliés divers gauche et radicaux de gauche».
Avec les suffrages des écologistes et du Front de gauche, «les blocs de droite et de gauche sont à égalité [à 36%] et le Front national est à 25%», a renchéri Stéphane Le Foll.
Tant pis si ni les écologistes ni le Front de gauche n’ont voté la confiance au gouvernement…