Il a suffit d’une prémices de contestation ouvrière publique et médiatisée – à Lyon, Carmaux et Saint-Nazaire – contre un patronat déchainé, soutenu par les plus hautes autorités de l’Etat, relayée par les médias, pour que le ton des officiels change du tout au tout.
Télés, radios, journaux exhibaient depuis des jours « la violence déchaînée » des salariés d’Air France à l’égard de dirigeants victimes d’un «véritable lynchage » - le mot a été colporté en boucle à l’appui d’images choc montrant le DRH de la Compagnie aérienne fuyant la « furie populaire » et dont la chemise blanche a été réduite en lambeaux…
Les commentaires scandalisés tant du Premier ministre, traitant de « voyous » les ouvriers incriminés, cloués au pilori et la campagne des médias aux ordres, tendaient à discréditer la contestation des salariés en colère, menacés de 2900 licenciements.
Manuel Valls s’affichait auprès de la direction d’Air France, comme les officiels vont visiter les victimes d’un attentat pour leur témoigner leur compassion et celle de la République. Une justice prompte et implacable était promise aux « délinquants ».
On parlait pour ceux-ci de cinq ans de prison…Et de cueillir les « coupables » de lèse-patronat, chez eux à six heures du matin…
Tout paraissait réglé.
Mais c’était sans compter avec la riposte ouvrière…
A Lyon comme à Carmaux, le ministre de l’Economie, Manuel Macron, sûr de lui, se préparait à réciter le crédo de l’économie de marché devant un parterre d’auditeurs qu’il croyait acquis à ces thèses, lorsque dans la salle comme au dehors, des salariés, sans recourir aux politesses d’usage, faisaient connaître au ministre en termes vigoureux, qu’il n’était pas le bienvenu, et que sa belle chemise blanche pouvait vite être mise en lambeaux…
Puis à Saint-Nazaire, en visite officielle aux Chantiers STX , après les salamalecs d’usage de la part des représentants CFDT et CGC, le Président sidéré se voyait refuser une poignée de mains par deux militants badgés CGT, avec l’explication de ce geste de classe…François Hollande publiquement pris à partie par un ouvrier, un acte démultiplié par vidéos et photos, annonçait à la France que l’infaillibilité présidentielle était révolue, et que la contestation – jusqu’ici reléguée au-delà d’un périmètre de sécurité – s’exprimait publiquement au sein de l’entreprise visitée, sans souci de politesse d’un autre âge.
La parole était ainsi libérée.
L’écho de ce dialogue entre l’exploité et le président de la République, représentant politique des exploiteurs, répercuté à la vitesse du son sur les ondes, le petit écran et dans les journaux, a changé du tout au tout la parole politique du pouvoir. Même le JT de France 2, assez peu suspect d’esprit frondeur, en montrant au public le visage de l’ouvrier CGT contestataire de STX, et en le faisant parler au « 20 heures » en a fait un porte drapeau de la contestation ouvrière.
Mercredi 14 octobre, dès le soir, le JT de France 2 comme Le Monde, daté du 16, faisait état des propos de François Hollande, bien conformes au style alambiqué du personnage, déclarant maintenant qu’il déplore la « brutalité », « pas seulement brutalité dans les mouvements, mais aussi la brutalité d’un certain nombre de décisions qui peuvent être celle des patrons ».
Autrement dit, violence partagée, et non plus un« lynchage organisé » à l’encontre de la direction d’Air France, jusqu’ici taxée de victimes de furieux ouvriers. Il ne serait plus question, selon Le Monde, d’une « manifestation qui a dégénéré », d’une « violente bousculade », qui n’est pas la première du genre dans les conflits sociaux…
Ce changement de style s’accompagne, du côté officiel, d’un appel à une nouvelle concertation à Air France, que les 2900 suppressions de postes ne sont pas irrévocables…
En clair, du jour au lendemain, le gouvernement PS joue l’apaisement.
Pourquoi ?
Il n’avait pas prévu la réaction immédiate d’une colère ouvrière qui dépasse largement les murs de la compagnie aérienne. Il n’avait pas envisagé que la campagne haineuse menée contre les militants d’Air France se retournerait contre le pouvoir PS, et prendrait cette forme de contestation publique, expression de cette exaspération populaire, jusqu’ici couvant sous la cendre.
Les évènements de Saint-Nazaire, de Lyon et de Carmaux sont les signes avant-coureurs d’un plus vaste mouvement de contestation globale de la politique gouvernementale.
François Hollande en a fait les frais.
Il voudrait éteindre les flammèches, qui pourraient dégénérer en véritable incendie.
Mais les ouvriers déférés au tribunal de Bobigny restent toujours les otages de la contestation ouvrière…Le gouvernement va-t-il les faire condamner pour crime de lèse patronat, le 2 décembre prochain ?
Si tel était le cas, il est certain qu’un tel verdict susciterait une violente réaction de la classe ouvrière, de ses militants, de vastes couches de salariés…
Le pouvoir PS craint une telle situation.
Que va-t-il se passer d’ici le procès ?
Un sursaut de colère contre cette comédie judiciaire doit conduire dès ces jours prochains à la multiplication des actes de solidarité avec les ouvriers inculpés.
Déjà, revenant sur une décision dérisoire de présence à la Conférence dite « sociale » organisée par le gouvernement, la direction de la CGT a enfin annoncé son absence le 19 octobre prochain.
Première victoire des militants CGT qui se sont placés au premier rang des contestations populaires.
Mais cela ne suffit pas.
La colère ouvrière doit exploser dans tout le pays, d’abord contre la répression de l’action syndicale, mais surtout contre la politique de misère imposée à notre peuple par l’oligarchie financière, et sa Commission européenne, mise en musique par les gouvernements successifs de droite comme de « gauche ».
La politique a peut-être en France changé de cap ces jours derniers…De bonne espérance, souhaitons-le.