L'Obs
24 mois de prison, dont neuf mois ferme. C'est la sanction à laquelle ont été condamnés huit anciens salariés de l'usine Goodyear d'Amiens, pour la "séquestration" de membres de leur direction.Une pétition lancée en soutien de ces salariés a déjà recueilli plus de 120.000 signatures, dont celle d'Henri Sterdyniak, co-animateur des Economistes Atterrés. Il demande leur acquittement.
Depuis quelques années, en France comme dans la plupart des pays développés, le patronat mène avec agressivité la lutte des classes.
Maintenant qu’il a la possibilité de mettre en concurrence les travailleurs du monde entier, de choisir entre salariés français, irlandais, roumains ou chinois, il peut s’attaquer aux acquis sociaux, au niveau des salaires et des cotisations, au droit du travail. Il peut jouer du chantage : "Acceptez mes conditions ou je vais produire ailleurs".
La détresse économique
Une partie importante des entreprises n’ont plus le souci de la cohésion nationale ou locale comme elles n’ont plus le souci de maintenir et de développer la compétence et la capacité de travail de leurs salariés, leur attachement à l’entreprise.
Elles veulent une main d’œuvre jetable à merci, des intérimaires, des sous-traitants, des travailleurs détachés. Elles ne veulent plus être contraintes par le Code du travail, par des contrats de travail (ni même par des normes sanitaires ou écologiques).
Elles veulent aussi des cadres dirigeants, sans état d’âme, soucieux uniquement de produire de la valeur pour les actionnaires, qui les récompensent par des rémunérations indécentes.
Globalement, cette stratégie nous entraîne dans la détresse économique (pas de croissance solide sans salariés stables et bien payés), dans l’incertitude sociale, dans l’instabilité financière, dans la catastrophe écologique.
Le combat difficile des syndicalistes
Ainsi, le combat des syndicalistes pour maintenir et développer l’emploi et la production en France, pour des emplois stables et correctement rémunérés, nous concerne tous.
C’est un combat difficile, face à la campagne incessante du patronat, qui proclame que la baisse des salaires et la fin des droits sociaux sont la seule façon de sauver l’emploi, que lui seul est compétent pour conduire les entreprises et même la société, qu’il faut remplacer le droit du travail par des règles définies dans chaque entreprise, que donner aux chefs d’entreprises le droit de licencier à leur guise est nécessaire pour qu’ils consentent à embaucher.
Face aussi aux pressions dans beaucoup d’entreprises où être syndiqué signifie souvent augmenter fortement ses risques de licenciement (dont les conséquences sont tragiques en situation de chômage de masse) et renoncer à toute perspective de promotion.
La justice de la République
Ce combat syndical, si décrié aujourd'hui par la presse soumise au patronat, celui pourtant qui a construit la Sécurité sociale et permis les Trente Glorieuses, passe par l’information et la mobilisation des salariés, passe par la grève parfois, passe par des manifestations plus fortes, plus rarement quand les salariés sont à bout, en face de dirigeants (proches ou lointains) indifférents à leur sort, heureux d’avoir trouvé un moyen de produire moins cher en produisant ailleurs.
Augmenter les profits des actionnaires, est-ce vraiment le seul critère qui vaille quand ces choix brisent la vie de salariés attachés à leur entreprise et paupérisent toute une région ?
Non, il ne faut pas laisser les classes dirigeantes, celles qui ont choisi de trahir les intérêts des ouvriers et des classes populaires au nom de la mondialisation et de la liberté des affaires, utiliser la justice de la République pour intimider les syndicalistes, pour affaiblir encore la capacité des travailleurs à résister aux dickats du patronat.
Les syndicalistes de Goodyear doivent être acquittés.
>> La pétition est à retrouver sur le site change.org