Dans une période où les deux organisations sont vent debout contre le gouvernement, et demandent inlassablement le retrait de la loi Travail de Myriam El Khomri, voilà des nominations de syndicalistes de la CGT et de FO par les pouvoirs publics à des postes de responsabilité qui vont tomber à pic.
Ancien secrétaire général de la CGT, Thierry Lepaon devrait être nommé dans les prochains jours à la tête du nouvel organisme qui va prendre la suite de l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme.
Secrétaire confédéral de FO, Stéphane Lardy devrait être nommé, sans doute au conseil des ministres du 13 avril, à l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS).
Ces deux promotions étaient dans les tuyaux depuis plusieurs mois, bien avant le mouvement de contestation de la loi Travail, mais elles vont intervenir à un moment particulièrement opportun.
Depuis qu'il a été obligé de démissionner, le 7 janvier 2015, de son poste de secrétaire général de la CGT, à la suite d'affaires mettant en cause son train de vie, Thierry Lepaon rêvait de présider aux destinées de l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme (ANLCI). Une "question de civilisation et de citoyenneté", selon sa formule, qui l'a toujours passionné. En 1996, il avait écrit un rapport sur le sujet pour le Conseil économique et social régional de Basse-Normandie.
Il y a un an, en avril 2015, l'affaire paraissait en bonne voie mais elle se heurtait à un obstacle : la présidence de l'ANLCI est une fonction bénévole. Il avait été alors question que Thierry Lepaon retourne au Conseil économique, social et environnemental (CESE) parmi les personnalités qualifiées nommées par le président de la République.
Mais son successeur, Philippe Martinez, avait mis son veto à une telle perspective, estimant que "quand on sort par la porte du CESE, on ne revient pas par la fenêtre".
Lepaon, toujours salarié de la CGT
Depuis plusieurs mois, le gouvernement réfléchissait à une nouvelle architecture des structures de lutte contre l'illettrisme. En juillet 2015, un groupe de travail, auquel participait Thierry Lepaon, avait été constitué à cet effet en vue de remettre un rapport au premier ministre. La métamorphose de l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme devrait ainsi aboutir à la création d'un nouvel outil dont l'ancien secrétaire général de la CGT assumera la présidence (rémunérée).
Philippe Martinez, qui ne voulait plus voir la vie de sa centrale empoisonnée par les suites de "l'affaire Lepaon" - même si la chasse aux corbeaux à l'origine des fuites en interne qui ont provoqué la crise est ouverte -, avait fait savoir qu'il souhaitait que cette affaire soit réglée avant l'ouverture du congrès de la CGT, le 18 avril à Marseille.
Ce devrait être chose faite. Depuis sa démission, Thierry Lepaon est toujours salarié de la CGT (4 000 euros par mois avec un treizième mois) et réside encore, quand il n'est pas à Cabourg, dans son logement à Vincennes, cet appartement de fonction dans lequel les travaux entrepris avaient déclenché la crise à l'origine de sa chute.
Successeur possible de Mailly
La nomination de Stéphane Lardy comme inspecteur général des affaires sociales est d'une autre nature. Entré en 2007 au bureau confédéral de FO, venant de la fédération de l'agro-alimentaire, il avait en charge le secteur emploi, assurance-chômage, formation professionnelle. Ce réformiste convaincu menait toutes les grandes négociations nationales interprofessionnelles, avec un talent, une compétence technique et une habileté reconnus par ses pairs syndicaux et par ses interlocuteurs patronaux. Il dirigeait ainsi la délégation de FO aux négociations sur la nouvelle convention d'assurance-chômage, où il s'est illustré récemment par son refus de signer la lettre de cadrage sur "les annexes 8 et 10" concernant les intermittents du spectacle.
Stéphane Lardy a, pendant un temps, fait figure de successeur possible de Jean-Claude Mailly lorsque celui-ci quittera ses fonctions de secrétaire général en 2018. Une hypothèse qui était combattue par les trotskistes de FO, toujours très influents, Stéphane Lardy ne cachant ni son réformisme ni son appartenance au Parti socialiste, où il milite dans le XIIIe arrondissement de Paris. C'est aujourd'hui Pascal Pavageau, le numéro deux de la centrale, qui tient la corde pour succéder à Jean-Claude Mailly.
Si elle est annoncée le 13 avril, la nomination de Stéphane Lardy interviendra au moment où se réunira le comité confédéral national de FO, son "parlement" qui réunit les secrétaires généraux de fédérations et des unions départementales (UD), qui arrêtera probablement le principe d'une nouvelle "grève interprofessionnelle" pour le retrait de la loi Travail.
C'est Michel Beaugas, secrétaire général de l'UD du Calvados, qui vient lui aussi de la fédération de l'agroalimentaire, qui devrait être choisi à cette occasion pour prendre au bureau confédéral la responsabilité de son secteur. En rejoignant l'IGAS, et son corps de 94 inspecteurs généraux, Stéphane Lardy devrait se consacrer aux questions du travail, un domaine qu'il connait particulièrement bien.
En janvier 2013, François Chérèque, qui venait de quitter ses fonctions de secrétaire général de la CFDT, avait été, lui aussi, nommé inspecteur général des affaires sociales, Jean-Marc Ayrault le chargeant ensuite de suivre la mise en œuvre du plan de lutte contre la pauvreté. "Cela ne donne pas une image d'indépendance syndicale", avait commenté sèchement Jean-Claude Mailly. Le secrétaire général de FO s'abstiendra sans doute de rééditer un semblable commentaire.
Le 6 avril 2016
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