Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Afrique du Sud : l’ANC en fort recul aux élections municipales
Afrique du Sud : l’ANC en fort recul aux élections municipales
Afrique du Sud : l’ANC en fort recul aux élections municipales
Afrique du Sud : l’ANC en fort recul aux élections municipales

Les Sud-Africains se sont rendus aux urnes, mercredi 3 août, pour élire les dirigeants de leurs municipalités. Un scrutin local en forme de test national. Voici les principaux enseignements après le dépouillement de la quasi-totalité des bulletins de vote.

Un vote sanction pour l’ANC

 

Le Congrès national africain (ANC) redoutait ce scrutin. Ses craintes se sont confirmées. S’il remporte de nouveau la grande majorité des 278 municipalités mises en jeu, il perd près de 8 points au niveau national (54 %, contre 62 % lors des élections locales en 2011). Jamais depuis son arrivée au pouvoir lors du premier scrutin démocratique en 1994, le parti de Nelson Mandela n’avait obtenu un score aussi faible.

 

L’opposition parvient à faire tomber l’ANC sous la barre des 50 % dans trois grandes métropoles : Nelson Mandela Bay où se trouve la ville portuaire de Port Elizabeth, Tshwane, qui englobe la capitale du pays, Pretoria, et enfin, le hub économique de Johannesburg. Avec 47 % des voix, l’Alliance démocratique (DA) remporte Nelson Mandela Bay, mais devra former une coalition pour réussir à gouverner. A Tshwane et Johannesburg, les deux partis étaient encore au coude-à-coude vendredi alors que le dépouillement se poursuivait. Une situation inédite

 

Cet affaiblissement de l’ANC n’est pas une surprise. Il souffre de l’usure du pouvoir, et son bilan a été vivement critiqué pendant la campagne. Si davantage de Sud-Africains ont aujourd’hui accès aux services de base (eau, électricité, logement), les laissés-pour-compte ne veulent plus patienter. Des manifestations de colère, parfois violentes, sont quasi quotidiennes dans le pays.

 

Les protestataires dénoncent la lenteur de la transformation et la corruption des officiels. L’ANC paie également son incapacité à résoudre la crise économique (croissance nulle prévue cette année) et àtrouver un emploi aux 27 % de chômeurs.

Malgré l’utilisation parfois abusive des ressources publiques sous son contrôle, l’ANC a peiné plus que d’habitude pour faire campagne. Les raisons ? La faiblesse de ses alliés traditionnels (la fédération syndicale Cosatu, les communistes de la SACP, la Ligue de la jeunesse du parti) et la lutte de factions au sein même de l’ANC qui a miné l’efficacité de sa machine électorale, habituellement si bien huilée.

 

Autre handicap majeur : l’impopularité de Jacob Zuma. Le chef d’Etat et président du parti est empêtré dans plusieurs scandales de corruption et d’abus de biens sociaux.

Comme un symbole, l’ANC a perdu le contrôle de Nkandla, ville natale du dirigeant zoulou, où celui-ci a été contraint par la justice à rembourser d’ici septembre un demi-million de dollars (450 000 euros) d’argent public dépensé « indûment » pour rénover sa résidence privée. 
Si l’ANC venait à 
perdre le contrôle de plusieurs métropoles, la pression en interne devrait s’accentuer pour qu’il quitte le pouvoir de façon anticipée. Mais l’homme de 74 ans conserve de solides soutiens parmi les cadres du parti.

La stratégie payante du DA

En menant une campagne offensive prônant le changement, l’Alliance démocratique (DA), principal parti d’opposition, espérait ébranler la domination historique de l’ANC. Mission réussie pour la formation decentre droit qui parvient à améliorer son score au niveau national en obtenant 26,5 % des voix (24 % en 2011).

 

Le parti a réussi à capitaliser sur le mécontentement des classes moyennes urbaines à l’égard de l’ANC, et à grignoter sur l’électorat noir. Une stratégie affichée par Mmusi Maimane, premier dirigeant noir du parti, élu l’an dernier. Tout au long de sa campagne, il a cherché à élargir la base électorale du parti libéral, cantonnée jusqu’à présent aux minorités blanche, métisse et indienne.

 

Le jeune dirigeant de 36 ans, originaire de Soweto, a aussi insisté sur le bilan de ses équipes dans les villes qu’elles géraient. Lors de ce scrutin, le DA a de nouveau accru son emprise sur le Cap (deux tiers des voix), seule métropole qu’il gouvernait jusqu’à présent.

L’EFF en faiseurs de rois ?

Lancé seulement en 2013, le parti des Combattants pour la liberté économique (EFF) de Julius Malema, 35 ans, participait à ses premières élections municipales. Il avait déjà fait une entrée en force sur la scène politique sud-africaine lors des élections générales il y a deux ans en obtenant 6,4 % des voix. Il progresse cette fois-ci légèrement (8 %).

 

Avec son programme de nationalisation des mines et d’expropriation des fermiers blancs, l’EFF a continué de séduire les ouvriers et chômeurs, en particulier dans les banlieues pauvres des grandes villes.

 

La formation de gauche radicale devient le principal arbitre à Pretoria et Johannesburg, là où ni l’ANC, ni le DA, n’obtienne une majorité absolue. La direction de l’EFF a assuré qu’elle ne constituerait pas de coalition avec l’ANC. Pour contrer le parti au pouvoir, va-t-elle s’allier avec le DA, aux convictions politiques diamétralement opposées ?

Vers un paysage politique tripartite

Au pouvoir sans discontinuer depuis vingt-deux ans, l’ANC n’est plus ultra-majoritaire. L’opposition ne cesse de se renforcer au fil des élections. La jeune démocratie sud-africaine voit émerger un jeu à trois partis, dans lequel toutes les autres petites formations en sont réduites à faire de la figuration. Les électeurs apparaissent aussi de plus en plus sensibles aux enjeux du scrutin aux dépens des affiliations identitaires.

 

Ce scrutin municipal devrait également accroître le fossé entre le vote des urbains et celui des ruraux. Dans les campagnes et les petites villes, l’ANC conserve les faveurs de l’électorat, en particulier grâce aux poids des autorités traditionnelles, renforcées sous la présidence Zuma.

 

Dans les grandes villes, les électeurs se tournent plus souvent vers l’opposition. La migration continue de la population vers les centres urbains va accélérer cette tendance. 


A terme, la conquête des métropoles et des provinces les plus riches par le DA, grâce à d’éventuelles coalitions, pourrait lui permettre de contrebalancer le pouvoir de l’ANC, poussé vers la périphérie, mais encore intouchable au niveau national.

 

La capacité de réaction de l’ANC face à cette adversité grandissante sera un sujet clé dans la bataille de succession à Jacob Zuma. Son second et dernier mandat de chef d’Etat s’achèvera en 2019. Fin 2017, tous les cadres du parti se réuniront en congrès pour choisir leur nouveau chef de parti qui, en toute logique, devrait être le candidat de l’ANC lors des élections générales en 2019.

 

Présidente de la commission de l’Union africaine et ex-femme de Jacob Zuma, Nkosazana Dlamini-Zuma, 67 ans, semble bénéficier de nombreux soutiens au sein des structures du parti. Une possible candidature accueillie fraîchement par l’aile réformatrice qui juge que l’ANC doit se renouveler profondément pour cesser de perdre du terrain.


 

Tag(s) : #Afrique du Sud
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :