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L'exemple de

 La Banque Worms sous l'occupation - la synarchie
 

Avec l'occupation de la France par les armées allemandes et l'avènement du gouvernement de Vichy, il semblait que la Banque Worms dût disparaître. Tout en apparence l'y condamnait, ses origines israélites, ses attaches anglaises, ses relations maçonniques.
 

Cependant, moins d'un an après l'armistice, la Banque Worms contrôlait les plus importants ministères du gouvernement de Vichy.
 

Cette étonnante réussite peut s'expliquer de la façon suivante :
 

- En premier lieu, les dirigeants israélites de la banque surent s'effacer à temps, laissant la direction de la banque aux associés aryens, secrètement chargés de leurs intérêts. Le 18 octobre 1940, M. Michel Goudchaux démissionna. M. Hyppolite Worms, de retour de Londres où pendant la guerre lui avaient été confiées les fonctions de chef de la mission française des Transports maritimes, resta dans l'ombre.
 

Le Roy Ladurie et Barnaud prirent la direction officielle de la banque. Le premier par habileté, le second plutôt par conviction, mais tous les deux entretinrent d'excellentes relations avec les autorités allemandes et particulièrement avec le premier contrôleur de la Banque M. [Beines] von Ziegesar, petit être vaniteux mais bon type qui, après quelques dîners, ne tarit plus d'éloges sur la maison qu'il surveillait.
 

En second lieu, MM. Barnaud et Le Roy Ladurie avaient des liens d'amitié et d'intérêts puissants avec toute une équipe d'anciens polytechniciens et de technocrates que l'amiral Darlan amena au pouvoir en février 1941. La Banque Worms devint toute puissante et Georges Valois put dire que le véritable siège du gouvernement n'était pas à Vichy, mais dans le bureau directorial de la Banque Worms, boulevard Haussmann, à Paris.
 

Sur la collaboration de la Banque Worms, sur son appartenance à la synarchie, de nombreux écrits ont été publiés depuis la Libération. La France intérieure a fait paraître, en mars 1946, le rapport du Docteur Michel, qui fut, à l'Hôtel Majestic, un des chefs de l'administration militaire allemande. Les conclusions de ce rapport semblent résumer judicieusement la question de la synarchie.
 

Il ne s'agit pas d'une formation semblable à un parti politique mais d'un cercle très ouvert de jeunes techniciens des affaires. Ils n'avaient joué avant la guerre aucun rôle politique et n'avaient pas appartenu au Parlement. Certains de ses membres n'ont été mis en avant que pour la conduite des négociations d'armistice avec l'Allemagne et seulement en qualité d'experts économiques : d'autres furent appelés par la suite aux postes directeurs des ministères économiques et montèrent ainsi sur la scène politique.

Sous ce rapport le cartel bien connu Worms et Cie (banques, entreprises commerciales, compagnies de navigation) joua un rôle d'autant plus grand qu'un de ses co-propriétaires, Jacques Barnaud, fut, de juillet 1940 à février 1941, secrétaire d'État au Travail et à l'Economie, puis de février 1941 à avril 1942, délégué général pour les relations économiques franco-allemandes. Plus tard ce fut Pierre Pucheu, avant la guerre, directeur général d'une entreprise du groupe Worms et qui fut, de février à juin 1941, ministre de la Production, puis jusqu'en 1942, ministre de l'Intérieur. Enfin Jacques Le Roy Ladurie, dont le frère était le directeur du groupe bancaire du cartel Worms et qui fut lui-même ministre du Ravitaillement dans le deuxième cabinet Laval.
 

Il faut ajouter François Lehideux, à 37 ans, directeur général des Usines Renault, qui succéda à Pucheu au ministère de la Production, et Benoist-Méchin, quelque temps secrétaire d'État aux Affaires étrangères ; ces deux derniers personnages étaient très liés avec Barnaud et Pucheu.
 

Enfin, le ministre des Finances, Yves Bouthillier était un ami personnel de Barnaud et le ministre de l'Agriculture, Caziot, un ami de Le Roy Ladurie.
Sous l'occupation, la Banque Worms devint la maîtresse de toute l'économie française car Jacques Barnaud réussit à mettre des hommes de paille de la banque à la tête de la plupart des Comités d'organisation professionnelle qui, suivant une loi du gouvernement de Vichy, étaient chargés de la répartition des matières premières dans chaque industrie.

 

Cette incroyable ascension de la Banque Worms ne passa pas inaperçue de l'opinion publique. Certes, les journaux de Vichy, sévèrement censurés, n'en dirent rien, mais les journaux de Paris, soumis aux Allemands, étaient libres par rapport au gouvernement de Vichy, qu'ils accusèrent, dans le courant de l'été 1941, de trahir la politique de collaboration.
 


Pour apprécier à sa juste valeur le rôle joué par le groupe Worms sous le gouvernement de Vichy, il faut garder présente à l'esprit l'idée que les Worms n'agissent qu'en fonction de leurs intérêts sans parti pris idéologique.
 

Pour se couvrir du côté des provisoires vainqueurs, Hypolite Worms a mené de multiples combinaisons avec les financiers allemands. On dit qu'il parvint à établir des relations d'intérêts avec le groupe Goering.
 

Certains observateurs pensent même que le groupe Worms aurait imaginé de collaborer avec certains groupes industriels allemands en dehors des nazis et contre Hitler.
Pierre Nicolle, représentant à Vichy de la Confédération générale de la production française, (maintenant la CNPF), écrit à la date du 3 août 1941 :
« Un des chefs du Parti national socialiste m'a dit être fort intéressé par les agissements des financiers qui évoluent ici, autour des ministres. Pour lui, la pression exercée par la Banque Worms dépasse le cadre national ; il recherche quels pourraient être en Allemagne les correspondants de Pucheu et de Barnaud. L'impression de cet Allemand est que, même en Allemagne, il se développe à l'heure actuelle un grand mouvement de défense du capitalisme de spéculation avec des ramifications directes aux États-Unis et en Angleterre. »

 

La position réelle du groupe Worms est assez bien illustrée par le double fait que dès avant la guerre il était lié, d'une part avec le groupe gallois Powell Duffryn et, d'autre part, avec le groupe allemand Klockner, et par l'heureuse formule de Dominique Sorbet : « Pour la haute-finance, le fin du fin fut de jouer la collaboration franco-allemande au comptant et la victoire américaine à terme. »
 

Dès que la défaite allemande apparut certaine aux initiés, c'est-à-dire en novembre 1942, le groupe Worms opéra son changement de front et resserra ses attaches avec ses amis britanniques.

Marcel Déat, le chef du RNP, l'un des deux principaux mouvements de la Collaboration sous l'Occupation, écrira à l'époque dans son journal intime :

"Les gens de la Banque Worms sont aussi collaborationnistes que nous, mais ils n'ont pas mis leurs oeufs dans le même panier", évoquant les liens de la banque avec les Etats-Unis...

Le vent de l'histoire ayant tourné, Pucheu s'enfuit en Afrique du Nord, où il ne pensait pas certes trouver la mort. Barnaud abandonna en décembre 1942 ses fonctions de délégué général aux affaires franco-allemandes et Le Roy Ladurie dont l'attitude pro-anglaise devenait manifeste, fut arrêté par la Gestapo le 7 mars 1944.
 

A la libération, un mouvement inverse, mais tout aussi calculé que celui qui se produisit au début de l'occupation, eut lieu à la direction de la Banque Worms. Dès le 14 septembre 1944, Jacques Barnaud et Le Roy Ladurie, trop compromis, donnèrent respectivement leur démission d'associé-gérant et de directeur.
 

Le même jour, Hyppolite Worms fut écroué à Fresnes pour intelligence avec l'ennemi. Mais, dès le 21 janvier 1945, il était libéré et son affaire classée le 23 octobre 1946 par le juge Thirion...
 

- La  Banque Worms après la Libération
Toujours constituée en société en nom collectif et commandite simple, inscrite au Registre du commerce de la Seine sous le n°24.842, son siège est 45, boulevard Haussmann, et le capital de 40 millions.
A la suite des modifications de septembre 1944, et toujours à sa direction, on retrouve comme associé-gérant, Hyppolite Worms
et parmi les associés, on peut citer :
- Madame Emmanuel Fauchier-Delavigne
Les membres de la famille Fauchier-Delavigne appartiennent au monde de la politique et des affaires ; ainsi, une Colette Fauchier-Delavigne est mariée au comte Bernard de Menthon, frère du comte François de Menthon, alors député MRP, ancien ministre de la Justice,


Au point de vue politique, la Banque Worms n'a pas retrouvé à la Libération l'immense pouvoir qu'elle exerça avant-guerre, et surtout sous l'occupation.
Mais elle n'en est pas absente pour autant : durant la IVème et Vème République grâce à Georges Albertini, l'ancien secrétaire-général du Rassemblement National Populaire, l'un des deux principaux mouvements de la Collaboration sous l'Occupation, présidé par Marcel Déat. (Albertini et Hyppolite Worms avaient partagé un temps à Fresnes la même cellule).

Sur Georges Albertini, et son parcours d'homme de l'ombre dès 1949 - à sa libération - lire 

Notons enfin que le 28 janvier 1949, Jacques Barnaud, qui fut l'animateur de la Banque Worms de 1928 à 1944, a obtenu un non-lieu. Sa rentrée à la Banque Worms est alors officielle....

 
Tag(s) : #Histoire
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