Quand la dissonance disparaît, quand les titres et les contenus se ressemblent et se multiplient à toute vitesse de Médiapart au Monde ou de France-Inter à El Pais, on peut raisonnablement soupçonner que nous entrons dans l’ère des gourdins de la propagande.
Le journaliste qui expliquerait que le Venezuela est une démocratie participative assiégée par une droite aussi violente que celle du coup d’Etat de Santiago en 1973 ou de Caracas en 2002 (dont de toutes manières personne ne se souvient) ou que cette droite agit aujourd’hui dans la rue pour fournir les images nécessaires aux grands groupes médiatiques, serait l’objet de sarcasmes, traité de fou, de pro-totalitaire, risquerait de perdre sa place, ses amis. Pour vivre heureux, vivons gris sur gris. Tous les médias ne disent-ils pas la même chose ?
Comme disait Charles Chaplin dans Monsieur Verdoux : « le nombre sanctifie ». Et le consommateur d’actu européen trouvera presque sympa l’amiral Kurt W. Tidd, chef du Southern Command des Etats-Unis, qui vient de suggérer une « intervention régionale car l’instabilité du Venezuela affecte les pays voisins ».
Thierry Deronne, Venezuela, avril 2017
Au point où se trouve le conflit, il n’y a plus aucun doute sur comment s’organise, s’élabore et s’exécute le calendrier du coup de force contre le Venezuela. Il n’est plus temps, non plus, d’y mettre les formes. S’il est quelque chose que dévoilent les faits violents perpétrés ces jours-ci à Caracas, c’est que les auteurs du coup de force réalisé de l’intérieur attendaient impatients le coup de pouce de l’OEA. La résolution adoptée par 17 pays de l’OEA le 3 avril a été le coup de sifflet du départ de la tentative d’ouvrir un nouveau cycle de violence et d’affrontement dans la rue, dangereusement semblable à celui qui débuta en février 2014.
Le point de départ de la série d’actions qui ont rendu possibles les évènements violents du 4 avril se situe, la veille, à Washington, siège de l’OEA.
La stratégie du choc institutionnel utilisée par les États-Unis et leurs pions sur l’échiquier de l’OEA a été rapidement reprise par les dirigeants anti-chavistes ; ceux-ci ont utilisé la menace de destituer illégalement les magistrats du Tribunal Suprême de Justice (TSJ) comme principale raison de l’appel à manifester, grâce au discours généralisé du coup d’État contre l’Assemblée Nationale (AN).
Le mécanisme du coup de force contre le Venezuela porte dans sa moelle la stratégie du choc contre tout soupçon de légalité nationale ou internationale qui ne lui serait pas favorable ; ceci, en plaçant ses opérateurs sur le terrain de sorte qu’ils suivent toujours la même trame dans leurs activités politiques ou institutionnelles, en partie pour éviter l’usure du discours « coup d’État » contre l’Assemblée Nationale ( qui demanderait selon ce calcul une réponse du même genre), en partie pour produire un point d’inflexion qui viserait à écarter peu à peu et à court terme tout mécanisme de pourparlers entre différents pouvoirs de l’État et des forces politiques. Bloquer le jeu pour ne pas refuser de le résoudre politiquement au moyen du dialogue.
Car, mesurer le front intérieur à l’aune du discours de rupture et d’affrontement que l’on a alimenté depuis l’OEA contre l’État vénézuélien, revient à respecter l’objectif de positionner l’AN comme le seul moyen d’évaluation (et d’extorsion politique) pour valider ou refuser la permanence du Venezuela dans le système interaméricain dominé par l’élite financière des États-Unis.
Fondamentalement, la raison de l’étau et de l’isolement diplomatique contre le pays (pour le moment) est la décision du Venezuela d’empêcher que soient violées ses institutions. Il faut dynamiter l’État vénézuélien, devant l’exigence de l’OEA et logiquement de ses alliés intérieurs pour que soit reconnue une situation de pouvoir vacant (causée par leurs propres actions) comme l’on a plusieurs fois tenté de renverser Nicolas Maduro. On propose comme seule option valable que les institutions vénézuéliennes se tirent une balle dans la tête pour entrer efficacement tel un cadavre de plus dans le cimetière de l’OEA, soit : une espèce de troc pour être reconnu et être à nouveau le bienvenu dans les schémas des institutions nord-américaines. Et derrière toute stratégie, de même que dans les budgets de financement qui, par le biais des ONG, aboutissent dans le camp anti-chaviste, se trouve le département d’État des États-Unis, qui une fois encore, met tous ses moyens politiques et financiers pour faire un autre essai de révolution de couleur au Venezuela.
En remplissant son rôle d’opérateur dans l’organigramme de l’intervention, l’AN a annoncé qu’elle mettra en marche un processus de destitution des magistrats du TSJ mercredi 5 avril, montrant à son tour son désir de mettre toutes ses actions institutionnelles au service du coup de force. De cette façon, elle cherchera à renforcer la situation d’état de siège et de tension au niveau intérieur, pour suivre la mesure donnée par l’OEA.
La stratégie de « vente » de l’appel réalisé principalement par les partis d’extrême-droite Voluntad Popular et Primero Justicia proposait différentes images mais sous un seul angle : celui de « manifestants pacifiques » tentant de rompre les cordons de police dont ils savaient qu’ils seraient postés sur le parcours de leur mobilisation.
Leur promesse, ils l’ont bien tenue : des dizaines d’agitateurs violents ont commencé à harceler les forces de police dans l’Avenue du Libertador (puis ensuite sur l’autoroute Francisco Fajardo), cherchant l’affrontement. La vidéo et la série de photographies (prises par le photoreporter de l’AFP et AP) que nous présenterons ci-dessous mettent en évidence l’inexistence de « manifestants pacifiques ».
Au moment précis où les forces de police ont initié les mesures normales pour contenir la situation, des individus préparés avec des masques à gaz, des objets contondants et des gants pour repousser les bombes lacrymogènes, entrainés à la mise en place de barricades et à l’improvisation d’armement artisanal, ont répondu automatiquement, de façon très coordonnée et organisée.
Les « manifestants pacifiques » évoqués dans la presse internationale et locale, qui ont agi de manière spontanée contre la « répression », n’ont jamais existé. En revanche, une manifestation articulée et préparée d’agitateurs violents qui savaient bien ce qu’ils allaient faire ce jour-là a bel et bien existé, avec le soutien qui leur était dû de la part des dirigeants anti-chavistes qui n’ont jamais condamné leurs actions.
Il faut souligner, entre autres détails, à propos de cette journée : qu’un membre de la Garde Nationale a été dépouillé de son arme par les « manifestants pacifiques » , qu’il y a eu 7 membres de la Police Nationale Bolivarienne blessés par ces acteurs violents , que des boucliers de policiers ont été arrachés, que la principale voie de circulation de Caracas a été bloquée , que trois paramilitaires ont été capturés à Aragua en possession d’un lance-grenades.

La Direction de la Magistrature du Tribunal Suprême de Justice après le passage des commandos « pacifiques » de l’opposition, le 8 avril 2017, à Caracas.
De Lilian Tintori en passant par Gaby Arellano et jusqu’à la dizaine de médias et journalistes qui couvraient les échauffourées, tous se sont associés pour mettre en place le schéma selon lequel les « collectifs chavistes » ont également participé à la répression « en tirant des coups de feu contre les manifestants ». C’est alors que surgit le doute : comment se fait-il que d’une manifestation qui a bénéficié d’une immense couverture médiatique, on ne nous ait pas montré une seule photo qui mette en évidence cette accusation ? La journaliste Madelein Garcia a démontré que ces accusations étaient fausses dans une vidéo publiée sur Instagram. Même la dénonciation du fait qu’une personne avait été blessée par l’impact d’une balle tirée par un « collectif » n’a pas été corroborée jusqu’à présent.
Ces accusations sans rapport avec la réalité nous renvoient à uneopération « sous fausse bannière » dirigée par Primero Justicia et Lilian Tintori en novembre 2015, décrite par Mision Verdad. Á ce moment-là et par la suite, différents acteurs politiques (Henrique Capriles, Miguel Pizarro, entre autres) ont établi un lien entre « les collectifs » et les supposées agressions perpétrées, jamais prouvées, accusant directement de hauts dirigeants du chavisme de les avoir préparées.
La criminalisation et la diabolisation à laquelle sont soumis les collectifs, dans ce contexte spécifique, peut plutôt rendre compte de comment ces opérations « sous fausse bannière » (perpétrer une agression physique contre des dirigeants de l’opposition, réalisée par eux-mêmes, pour ensuite incriminer le chavisme) peuvent être avancées dans l’éventail d’options et de possibilités ; fabriquer un ou plusieurs faits saisissants contre des dirigeants de l’opposition ou des « manifestants » apparentés à la MUD afin de provoquer l’escalade dans les manifestations et augmenter la pression internationale à un moment où le Venezuela se trouve à l’affiche, représente une voie pas du tout méprisable pour atteindre leurs objectifs immédiats.
La surexploitation médiatique des principales figures d’opposition « agressées » par des gaz et des bombes lacrymogènes, conséquence de la violence générée par leurs partisans, pourrait bien montrer leurs préparatifs, au-delà du fait que sur le moment, les images ont été utilisées pour dévier l’attention et faire porter la responsabilité des faits de violence sur les forces de sécurité.
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https://venezuelainfos.wordpress.com/2017/04/10/appuyer-sur-laccelerateur-precipiter-le-coup-de-force-une-nouvelle-tentative-de-revolution-de-couleur/
Traduction : Sylvie Carrasco
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