et de l’euro. Une volte-face qui suppose
un aggiornamento de toute sa doctrine !
L’affaire est, sans doute à tort, passée inaperçue. Contrairement aux idées défendues par Marine Le Pen pendant la campagne présidentielle – il y a donc à peine cinq mois –, le Front national ne souhaite plus que la Francesorte de l’Union européenne et de l’euro. Changement doctrinal majeur car c’est bien, entre autres, cette ligne idéologique impulsée par Florian Philippot qui a permis à la candidate FN de totaliser plus de 10 millions de voix au second tour de la présidentielle, un record !
Certes, les chapeaux à plumes du FN jurent leurs grands dieux que non, Marine Le Pen n’a pas changé de ligne. Il n’empêche : le parti frontiste a bel et bien viré de cap. Il suffit d’ailleurs de lire les « confidences » de Marine Le Pen dans Valeurs actuelles cette semaine : « Dans de nombreux domaines, explique-t-elle, on peut améliorer la vie quotidienne des Français sans quitter l’ Europe ni l’euro. » C’est clair, c’est limpide. Fini, le Frexit ! Oublié, le retour au franc ! Désormais, la sortie de l’UE n’est plus un préalable à la politique prônée par le Front national. Ce qui, d’ailleurs, justifie a posteriori les craintes qui ont poussé Philippot à quitter sa famille politique. Le FN reste évidemment un parti europhobe, mais plus question de quitter l’Europe : place à « l’euro-réformisme » – pour reprendre l’expression de Philippot. L’Europe, si on ne l’aime pas, on ne la quitte plus, on la réforme !
Problème : comment s’articule désormais la doxa frontiste s’il n’y a plus de Frexit ? Comment imposer « la préférence nationale », colonne vertébrale du programme du FN, sans sortir de l’Union alors que ce principe est précisément contraire à tous nos engagements européens ? Comment « retrouver notre souveraineté économique », autre point-clé du programme du FN, sans quitter l’espace économique européen ? Comment retrouver notre « souveraineté monétaire » tout en conservant l’euro ? Comment contrôler à 100 % les frontières françaises sans s’affranchir de Schengen et des règles de l’Union en matière de sécurité ? À ces questions, Marine Le Pen ne répond pas. Ou plutôt si : elle prétend que ces sujets feront l’objet d’un « bras de fer » avec Bruxelles qui forcément cédera, de peur de voir la France, après la Grande-Bretagne, quitter l’UE à son tour. Marine Le Pen rêve éveillée. Pourquoi Bruxelles céderait quoi que ce soit à Paris ? Pour retenir la France ? Mais à quoi bon la retenir à tout prix si Paris s’affranchit de tout ce qui fait le socle commun de l’Europe ?
À moins – simple hypothèse – que Marine Le Pen n’ait menti aux Français pendant la campagne présidentielle. N’est-ce pas elle qui, en mars dernier, assurait que, sans la sortie de l’Union européenne et de l’euro, « 70 % de [son] projet ne pourrait être mis en œuvre » ? Diriger, c’est choisir. Choisir, c’est renoncer. Si Marine Le Pen renonce à sortir de l’UE et de l’euro, elle doit donc logiquement renoncer à « 70 % de son programme ».
Décidément, la « refondation » idéologique du FN s’annonce… passionnante !