L’économie russe a retrouvé ces derniers mois une incontestable dynamique. Elle est en passe de surmonter les problèmes qu’elle a connus depuis l’été 2014. On constate que ces problèmes ont été bien plus liés à l’effondrement des prix des hydrocarbures de 2014 à l’été 2016 qu’aux sanctions occidentales. Mais, cette dynamique reste fragile et demande à être approfondie. Car, l’économie russe était entrée dans une phase de forte décélération de la croissance depuis 2012-2013. Les transformations qui sont aujourd’hui en cours, et en particulier la poursuite du mouvement de substitution des productions nationales aux importations, demandent pour se poursuivre qu’un véritable projet économique puisse être mis en œuvre.
Le retour de la croissance
La croissance a repris en Russie depuis la fin du 3ème trimestre 2016. Cette reprise a d’abord été assez inégale, essentiellement située dans l’industrie, avant de commencer à se généraliser dans l’ensemble de l’économie à partir de la fin du 1er trimestre 2017.
Graphique 1
Source : Agence ROSSTAT
L’équilibre général du marché sur le marché intérieur tel qu’il a été atteint à l’automne 2016, a créé des conditions très favorables pour le début de la reprise de la croissance. C’est ce qui a commencé à se manifester dans le secteur manufacturier. Les rythmes de la croissance au quatrième trimestre 2016 étaient de nature à fournir une tendance positive pour l’année suivante. Ils expliquent par ailleurs les bons résultats du 2ème semestre, mais aussi la réévaluation des résultats pour 2016 dont le PIB est désormais crédité de -0,2% alors que les premières mesures, qui n’intégraient pas encore tous les résultats du 4ème trimestre, faisaient état d’une récession de -0,5% / -0,8%. Cependant, au début de 2017 cette tendance ne s’est pas développée comme prévue et l’accélération de la croissance tout au long de la chaîne de l’économie n’a pas encore eu lieu. Il s’en déduit que la reprise économique continue d’être un point central de la politique économique.
Graphique 2
Source : ROSSTAT et modèle QUMMIR pour les prévisions de 2017 et 2018
Les principaux facteurs limitant la croissance à l’heure actuelle sont aujourd’hui les suivants les suivants:
- La persistance des faibles taux de la dynamique des revenus de la population, ce qui empêche la restauration du facteur le plus important dans la structure de la croissance du PIB : la consommation des ménages. Le facteur le plus important dans cette dynamique de faible croissance du revenu est aujourd’hui la croissance proche de zéro des salaires (réels) dans le secteur public et la croissance très faible des retraites
- La tendance continue à la baisse du niveau des prêts aux entreprises en termes réels. Ceci résulte de la forte hausse des taux d’intérêts réels à la suite de la forte chute du taux d’inflation, qui est actuellement de 4,2%.
- La forte appréciation du rouble au cours du premier trimestre de 2017, avec presque un retour à la compétitivité des prix de certains produits nationaux sur le marché intérieur au niveau de ceux d’avant la crise de 2014.
On constate cependant que le taux de change réel du Rouble reste déprécié par rapport à son niveau de 2013. Mais, on peut aussi penser que certaines entreprises russes ont ajusté leurs prix à la hausse trop fortement. Cela pourrait être l’origine des très bons résultats financiers de ces entreprises en 2016. La marge bénéficiaire des entreprises aurait alors « mangé » une partie de l’avantage de compétitivité offert par la dépréciation du rouble. L’évolution de la croissance du PIB suggère néanmoins que, à court terme, la reprise économique sera limitée dans son ampleur par la situation sur le marché des consommateurs.
Une croissance déséquilibrée ?
Depuis l’automne 2016 en effet, l’industrie, mais aussi les salaires réels, sont de nouveau à la hausse. On constate cependant que la construction, dont l’effet d’entraînement sur l’ensemble de l’économie, est restée à la traine pendant de longs mois. De fait, la hausse du PIB a été essentiellement liée à la production, que ce soit dans l’industrie ou dans l’agriculture. Le secteur des services est resté, quant à lui, relativement déprimé. Cette dynamique positive de l’industrie et de l’agriculture est le résultat de plusieurs facteurs. Il y a incontestablement, et on l’a dit, le mouvement de substitution des productions nationales aux importations, mouvement qui a largement tiré vers le haut l’agriculture et certaines des branches de l’industrie. Il y a aussi les exportations, dopées par un rouble faible dans l’ensemble de la période, qui ont profité que ce soit à l’agriculture comme à l’industrie.
Mais, globalement, la demande intérieure est restée relativement faible jusqu’à ces derniers mois.
Graphique 3
Evolutions de l’industrie et de la construction (en glissement)
Source : Agence Rosstat
Les dépenses du budget consolidé ont ainsi augmenté de 16,1% en glissement annuel et se sont élevées au 1er Mars de cette année, à 3,5 billions de dollars. Les coûts de la sécurité sociale (principalement pour les paiements des pensions) ont augmenté de 67%. Cette augmentation a été liée à un paiement unique de 5.000 roubles en janvier 2017 pour chaque retraité. Le financement des coûts du logement ont également augmenté de manière significative (+ 29%) et l’économie nationale (+ 11%, dont 15% au réseau routier), alors que la croissance des dépenses de défense a été plus faible (+ 9%), et pour les services sociaux (l’éducation et la santé), la dynamique des dépenses nominale était généralement nulle ou négative.
D’un autre côté, le taux de croissance élevé des recettes budgétaires a réduit le déficit (1,4% du PIB en 2016 contre 2,5% en 2015). La principale source de financement est ici la gestion des titres du gouvernement Cette politique active pour le financement de la dette a permis de maintenir le montant des fonds souverains, qui, au 1er mai 2017 se sont élevés à 931 milliards de roubles (16,5 milliards de Dollars) pour le Fonds de réserve et à 4359 milliards de roubles pour le Fond de Bienêtre National (77 milliards de Dollars).
Graphique 4
Evolutions du salaire réel et du commerce de détail (en glissement)
Source : Agence Rosstat
Ces évolutions sont particulièrement significatives des transformations en profondeur qui se produisent aujourd’hui en Russie. En effet, les salaires réels ont recommencé à progresser depuis l’été 2016. Mais ceci ne s’est pas alors traduit dans une hausse immédiate du chiffre du commerce de détail. Ce dernier ne s’est remis à augmenter qu’à partir du mois d’avril 2017, et l’écart entre sa progression et celle des salaires réels reste toujours significative, en particulier si on la compare avec ce qui se passait en Russie jusqu’en 2012 où le commerce progressait plus vite que les salaires réels.
Cela traduit la persistance d’une prudence de la part des ménages russes, qui préfèrent aujourd’hui continuer se désendetter et à épargner plutôt que de consommer à tout va, une rupture assez significative avec ce que l’on avait connu au début des années 2000.
Une décélération plus rapide que prévue de l’inflation
La décélération de l’inflation depuis le début de l’année a surpris non seulement le marché, mais aussi la Banque Centrale de Russie et le Ministère des Finances. Le choc inflationniste engendré par la très forte dépréciation du rouble à la fin de 2014 et en 2015 avait été analysé pour ce qu’il était. Avec le mouvement de réappréciation du rouble engendré dans le courant de 2016 par la remontée des prix du pétrole, on pouvait s’attendre à ce que la hausse des prix se ralentisse. Mais, ce qui est spectaculaire est que l’inflation est aujourd’hui passé au-dessous de son niveau de 2013 (6%) et que l’objectif servant de base à la politique de la BCR (soit 4%) est en passe d’être atteint avec pratiquement 18 mois à deux ans d’avance sur les prévisions de la BCR. Cette situation va avoir des conséquences à la fois sur la compétitivité des produits russes mais aussi sur la situation financière des agents, car cette baisse rapide de l’inflation a pour conséquences une hausse brutale des taux d’intérêts réels.
POUR LIRE LA SUITE
CLIQUEZ CI-DESSOUS