Le Canard enchaîné
– 28/02/2018 – J. C. –
Et de deux ! Les représentants des salariés des constructeurs de turbines hydrauliques General Electric Hydro (ex-Alstom ont saisi la justice le 2 mars. Comme l’association anticorruption Anticor (1) un mois plus tôt, ils accusent le gouvernement de vouloir faire un cadeau de 350 millions d’euros à Bouygues pour permettre à ce dernier de se désengager d’Alstom (« Le Canard », 31/1).
Les salariés de GE Hydro ont donc des raisons d’en vouloir à l’État : quatre ans après le feu vert présidentiel au rachat par General Electric, ils ont le sentiment d’être abandonnés par Bercy. Malgré les belles promesses passées, un plan social menace près de la moitié des 800 postes, et des rumeurs insistantes annoncent une revente à des investisseurs chinois. Pas tout à fait le scénario prévu…
Panne de turbin
A l’issue d’un accord passé le 21 juin 2014, General Electric et Alstom ont créé trois « coentreprises » dans les secteurs du transport,de l’énergie hydraulique et du nucléaire. La main sur le cœur, Emmanuel Macron, alors ministre de l’Économie avait évoqué devant la commission des Affaires économiques du 11 mars 2015, les « intérêts nationaux » : « Nous serons très vigilants sur le respect des engagements pris par Geneal Electric(…) en matière d’emploi et( de localisation des diverses coentreprises. » Trois ans plus tard, GE n’a pas créé les 1 000 emplois industriels promis. Et pourtant la pénalité de 50 000 euros par embauche non réalisée n’a pas été enclenchée par un pouvoir « très vigilant« …
Autre domaine marqué par la désinvolture de l’État : le nucléaire. Lors du rachat d’Alstom Énergie par General Electric, les autorités françaises avaient obtenu une « action préférentielle » (leur donnant un pouvoir de blocage » dans Geast, la coentreprise abritant les technologies liées à l’atome. Histoire d’avoir un œil sur le principal fournisseur des turbines pour les centrales d’EDF. Hélas, le représentant de Bercy dans cette structure, Benjamin Gallezot, a démissionné de son poste en février 2017… et n’a été remplacé que huit mois plus tard !
Or, comme l’a souligné Jean-Bernard Levy, le patron d’EDF, entendu le 17 janvier par une commission d’enquête parlementaire, « dans l’hypothèse d’un changement de contrôle d’Alstom, cette filiale (Gesat) pourrait devenir la propriété de General Electric à 100 %.
Une jolie fuite de technologie française, et l’État qui tourne la tête…
Photo issue d’une exposition proposée par Stéphane Le Gall-Viliker et le CE Alstom GE Hydro : « Au fil de l’eau, Le travail au quotidien dans l’industrie » / © Stéphane Le Gall-Viliker