Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

basta

Le gouvernement présente ce 27 avril son projet de réforme de l’assurance chômage. Il prévoit notamment d’augmenter les contrôles aux dépens des demandeurs d’emploi. But affiché : réduire le chômage et améliorer la situation financière du système, qui accuse une dette dépassant les 33 milliards. Pourtant, les recettes de l’assurance-chômage sont suffisantes pour couvrir en l’état les indemnités versées aux chômeurs. Alors d’où vient cette dette, et qui la détient, empochant des centaines de millions d’euros d’intérêts ? Quel rôle jouent les marchés financiers ? Pour répondre à ces questions, un collectif de citoyens a réalisé un audit de la dette de l’Unédic. Explications.

Après le droit du travail, la SNCF, l’entrée à l’université, ou encore le droit d’asile, le gouvernement présente ce 27 avril en conseil des ministres son projet de réforme de l’assurance chômage. Celui-ci prévoit de donner la possibilité, sous certaines conditions, aux démissionnaires et aux travailleurs indépendants de recevoir des indemnités chômage. Il prépare aussi, et surtout, un renforcement des contrôles et des sanctions à l’encontre des demandeurs d’emploi, toujours soupçonnés de ne pas chercher assez activement du travail [1].

Le financement du système est aussi un enjeu central de la réforme. Aujourd’hui l’Unédic [2], la caisse de l’assurance chômage, accuse un déficit de plus de 3 milliards d’euros. En 2016, le Conseil européen, cité dans un rapport de la Cour des comptes, estimait qu’en France la « dégradation persistante de la situation sur le marché du travail » remettait en cause la viabilité du système, et appelait à des « mesures structurelles » visant « les conditions d’éligibilité, la dégressivité des allocations et les taux de remplacement pour les salaires les plus élevés ». Le Conseil européen, toujours d’après la Cour des comptes, invitait la France à « encourager davantage le retour au travail ».

Dans un renversement des responsabilités devenu un grand classique, le raisonnement sous-entend que le système actuel dissuade les individus de reprendre un emploi, au lieu de questionner les politiques économiques qui produisent des chômeurs par millions. Dans le projet du gouvernement actuel, « encourager le retour au travail » se traduit donc par le renforcement des contrôles sur les chômeurs.

Un recours accru aux marchés financiers

Pour le Groupe d’audit citoyen de l’assurance chômage (Gacdac), un collectif d’une quinzaine de personnes – chômeurs, syndicalistes, retraités… – qui examine de près la dette de l’Unédic, cette dernière ne relève pas non plus de la responsabilité des demandeurs d’emploi. Pour ces experts-citoyens, l’équilibre financier actuel de l’Unédic, comme c’est le cas pour la SNCF, « repose sur un endettement croissant sur les marchés financiers ». La dette accumulée par l’assurance chômage s’élevait en 2017 à plus de 33 milliards d’euros, et devrait dépasser les 36 milliards en 2018 [3].

« Nous voulons comprendre comment la dette de l’Unédic fonctionne, d’où elle vient, quelles en sont les risques, si elle est légitime ou pas, explique Pascal Franchet, membre du Gacdac, qui a publié un premier rapport le 16 avril [4]Par exemple, est-ce que l’endettement de l’Unédic est lié à l’amélioration de la situation des chômeurs ? Non. La situation des chômeurs se dégrade. Avec plus de contrôles, plus de sanctions, une baisse du niveau d’indemnisation. »

« La dette et le déficit ne sont pas engendrés par les règles de l’assurance »

L’Unédic, créée en 1958, est un organisme paritaire, donc normalement géré par les représentants patronaux et salariés (syndicats), plus tard qualifiés de « partenaires sociaux ». En 2016, l’Unédic a versé 35,5 milliards d’euros pour indemniser les chômeurs. La même année, elle a reçu 35 milliards de recettes provenant essentiellement des cotisations patronales et salariales versées pour son financement. « Le système est équilibré depuis toujours. Il n’y a pas de déficit de l’assurance-chômage, même depuis le début de la crise. La dette et le déficit ne sont pas engendrés par les règles de l’assurance », nous rappelle l’économiste Bruno Coquet, spécialiste de l’assurance-chômage.

Le problème vient d’ailleurs. Depuis 2008, l’Unédic doit aussi participer au financement de Pôle emploi, l’organisme public qui accompagne (et contrôle) les chômeurs, à hauteur de 10% de ses recettes – soit 3,3 milliards d’euros en 2016. Alors que ce n’était pas son rôle initialement, la contribution de l’assurance-chômage au service public de l’emploi dépasse désormais largement celle de l’État.

Le système ébranlé par la baisse des cotisations

Entre 2008 et 2016, le nombre de personnes inscrites au chômage a plus que doublé, passant de 3,2 millions à 6,5 millions. Sur la même période, le nombre de chômeurs indemnisés a augmenté moins vite, de 1,6 à 2,7 millions. L’assurance-chômage a ainsi joué un rôle de filet social crucial pour des centaines de milliers de personnes licenciées après l’effondrement du système financier. Aujourd’hui, seules 43 % des personnes inscrites à Pôle emploi touchent des allocations. Un chômeur indemnisé touche en moyenne 900 euros par mois.

Avec l’augmentation du nombre de personnes sans emploi, les dépenses se cependant sont accrues. Mais pas le taux des cotisations, patronales et salariales, prélevées sur les salaires pour financer l’assurance chômage. Il est resté le même depuis 2003, à 6,4 % en tout – 4% pour les cotisations employeurs, 2,4% pour les cotisations salariales. L’actuel gouvernement a même décidé de baisser les cotisations : leur taux est passé à 0,95% depuis janvier 2018. Cette part des cotisations chômage sera complètement supprimée dès octobre prochain [5]. Le manque à gagner pour l’assurance chômage sera compensé par la CSG, donc par un impôt, payé par tous les contribuables, y compris le retraités. Derrière l’illusion d’une augmentation du salaire net des travailleurs, c’est tout l’équilibre du système d’indemnisation du chômage qui s’en trouve ébranlé.

2 milliards d’euros d’intérêts payés en six ans

Avec toujours plus de chômeurs mais sans recettes supplémentaires, l’Unédic doit emprunter. Ce qu’elle fait sur les marchés financiers. « Chaque année, rappelle l’audit citoyen, l’Unédic a recours à l’emprunt pour trois raisons : combler son déficit, rembourser le capital des titres de sa dette qui arrivent à échéance, payer les intérêts courus des emprunts. » « Le financement de l’assurance chomâge repose sur trois types de supports : billets de trésorerie, obligations à moyen terme et, depuis 2014, bons à moyen terme négociables », rappelait aussi la Cour des comptes en 2016. Il s’agit de différent type de titres négociés sur les marchés financiers.

Conséquence directe : une explosion de la dette de l’Unédic, qui devrait passer de 8,9 milliards d’euros en 2009 à plus de 36 milliards fin 2018. Elle aura donc quadruplé en neuf ans. Le montant des intérêts payés aux créditeurs a lui aussi explosé : de 223 millions d’intérêts en 2013 à 400 millions en 2018. Au final, 2 milliards d’euros d’intérêts ont été versés aux créanciers en six ans. Le taux d’endettement de l’Unédic – le montant de sa dette rapporté à ses recettes – est de 93 %. « Ce taux en lui-même n’est pas inquiétant, réagissent les membre du Gacdac. Par contre, les causes de ce recours systématique à l’emprunt – le chômage qui augmente, des dépenses qui ne lui incombent pas, le refus d’augmenter les cotisations malgré un faible pourcentage de chômeurs indemnisés – ainsi que la qualité des prêteurs (des banques privées pratiquant des taux élevés pour servir les intérêts de créanciers dont l’identité est cachée), sont inquiétants. »

L’identité exacte des créanciers de l’Unédic est en effet inconnue à la fois des chômeurs, des parlementaires, et même du directeur de l’Unédic. Ce dernier, Vincent Destival, déclarait en 2015 devant l’Assemblée nationale : « Nous n’avons pas de suivi précis sur la manière dont notre dette est renégociée sur les marchés entre les détenteurs primaires et des investisseurs intéressés. Nous savons à quel prix elle est renégociée, mais nous ignorons qui sont les vendeurs et les acheteurs. »

La spirale de la dette enclenchée après 2003

Comment en est-on arrivé à ce que l’assurance chômage...

POUR LIRE LA SUITE
CLIQUEZ CI-DESSOUS

https://www.bastamag.net/Comment-l-assurance-chomage-a-ete-transformee-en-machine-a-cash-pour-les

 

Tag(s) : #Social, #Economie
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :