
L'Elysée est disposé à accréditer Sputnik et RT France, d'après l'agence Reuters qui cite un conseiller du président Emmanuel Macron. La décision mettrait fin à près de deux ans de relations houleuses, dès la campagne présidentielle de 2017
Un conseiller du président de la République a déclaré ce 13 novembre, selon l'agence Reuters que Sputnik et RT France pourront être accrédités. «Je suis assez favorable à ce qu'on fasse en effet tomber cet interdit, de fait les deux médias ont été accrédités le 11 novembre pour la première fois», a déclaré ce conseiller, toujours selon Reuters. Contacté par RT France, le service presse de l'Elysée a confirmé l'information.
«A ma connaissance, le fait que RT France comme Sputnik décident de se faire les vecteurs d'une campagne de désinformation visant le candidat Macron, ça, ça n'a jamais été purgé», a-t-il poursuivi. De fait, RT France n'a jamais relayé de fausse information sur Emmanuel Macron. Et le conseiller d'estimer, en inversant – exprès ? – le dicton : «Ma foi, je préfère guérir que prévenir, en l'occurrence et donc on verra comment ils se comportent au fur et à mesure que les accréditations [seront accordées].»
Nous avons toujours dit et répété qu’il n’y avait absolument aucun motif valable à cette mise à l’écart de notre média et de nos journalistes
La présidente de RT France, Xenia Fedorova, s'est félicitée de la nouvelle. «Nous sommes heureux de pouvoir enfin couvrir les événements et les conférences de presse de l'Elysée. Nous avons toujours dit et répété qu’il n’y avait absolument aucun motif valable à cette mise à l’écart de notre média et de nos journalistes, et qu’on ne nous a jamais expliqué clairement pourquoi on refusait de nous accréditer», a-t-elle déclaré. «Comme ils l’ont fait jusqu’à maintenant, nos conseillers juridiques continueront de suivre tous les déclarations ou commentaires diffamatoires accusant RT France de relayer de fausses informations», a-t-elle toutefois souligné.
En visite à Paris pour la commémoration de l'Armistice, le président russe Vladimir Poutine avait condamné le traitement réservé par l'Elysée à RT France.
Le chef de l'Etat russe a regretté la «constitution de listes d'autorisations d'accès», qui sépareraient les médias que le pouvoir juge «bons» de ceux qui «seraient mauvais». «A mon avis, cela va à l'encontre et n'a rien à voir avec la démocratie et est inacceptable», s'est insurgé Vladimir Poutine, notant en outre, non sans ironie, que les pays occidentaux avaient «toujours dit que l’un des principes essentiels de la démocratie était la liberté de diffusion de l’information.
En outre, Vladimir Poutine a souhaité que la France et les autres pays respectent le principe consistant à octroyer à leurs citoyens la liberté de faire leur choix parmi différentes sources d'information, afin d'évaluer celles-ci et de se faire leur propre opinion. «Si l'on n’est pas d’accord avec quelque chose, il faut présenter un point de vue opposé, donnant aux spectateurs, aux auditeurs, aux utilisateurs d’Internet la possibilité d’y voir clair par eux-mêmes, de décider où est la vérité et où cette vérité est déformée. C’est le chemin à prendre, à mon avis», a-t-il fait valoir.
Le 22 octobre dernier, lors d'une interview, Benjamin Griveaux avait justifié les différents refus d'accréditation de RT France à l'Elysée, accusant RT France de «propagande payée par un Etat étranger». Il est néanmoins à noter que ce 11 novembre 2018, pour sa couverture des commémorations du centenaire de la fin de la Grande Guerre, la journaliste de RT France Vera Gaufman a été autorisée à accéder à la cour de l'Elysée (mais non, convient-il de le préciser, au palais présidentiel proprement dit).
Une inimitié de longue date du camp Macron vis-à-vis de RT
Une telle décision de la part de la présidence constituerait un revirement majeur à l'égard de RT France et Sputnik. Dès la campagne présidentielle de 2017, les équipes d'En Marche! avaient accusé RT de diffuser des «fake news», sans apporter de preuves à l'appui de ces graves allégations.
La question de RT France avait été évoquée en mai 2017 lors du premier tête-à-tête à Versailles entre Emmanuel Macron et le président russe. Le chef de l'Etat avait fustigé, devant son homologue, l'attitude de Russia Today et de Sputnik, les qualifiant d'«organes d'influence» à l'origine de «contre-vérités infamantes».
Toutefois, en mars dernier, le secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Economie et du ministre de l'Action publique Mounir Mahjoubi admettait que RT ne relayait pas de «fake news» – contrairement à ce qu'avait affirmé jusqu'alors le camp macronien – mais que son «état d'esprit» dérangeait.
Le 4 septembre dernier, un rapport présenté à la ministre des Armées épinglait les «manipulations de l'information». En 214 pages, les experts évoquaient les dangers que représentent la propagande des groupes djihadistes comme Daesh, ainsi que l'influence grandissante de la Chine. Mais l'écrasante majorité du texte est consacrée, sans grande surprise, à la bête noire des services de renseignement et gouvernements occidentaux, qui s'emploierait à leur nuire : la Russie. Et, à travers elle, des médias tels que RT et Sputnik, désignés à plusieurs reprises dans le rapport.
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