Le soulèvement de masse des « Gilets jaunes », les dernières élections européennes où une majorité de citoyens appartenait aux catégories non-inscrits, abstentionnistes ou bulletins blancs et les vifs débats du dernier congrès de la Confédération Générale du Travail CGT ont démontré la crise profonde du système capitaliste mondialisé et des politiques imposées par l’Union européenne.
Malgré, ou à cause de, ces vagues de mécontentement, les ‘faiseurs d’opinion’ contrôlant les médias, les partis et les processus électoraux n’ont pas permis un véritable débat.
En conséquence, nous avons estimé nécessaire de répercuter le texte que nous venons de recevoir d’un des dirigeants de la CGT et qui aborde ces questions dans une perspective à la fois historique et globale.
La Confédération générale du Travail CGT
et la construction de l’Union européenne
Juin 2019
Philippe Cordat1
Cher.e.s camarades,
Tout d’abord je tiens à remercier les animateurs de votre syndicat, particulièrement Michel Pénichon pour cette invitation à participer à votre réflexion et échanges sur un thème d’actualité « la CGT et la construction de l’Union européenne ». J’ai accepté d’être parmi vous ce soir en remplacement de Jean Pierre Page2retenu hors de nos frontières durant cette période pour vous livrer quelques réflexions, faits et pistes pour le combat syndical.
Votre initiative se situe dans un moment très particulier, une semaine après le congrès confédéral de la Confédération générale du Travail (CGT) et deux jours après des élections européenne, dont les résultats devraient alerter tous les progressistes, toutes celles et ceux qui se confrontent au système économique en place et à la pression qu’il organise sur le peuple avec l’aide des institutions.
Pour celles et ceux qui en doutaient encore, l’Union européenne constitue un thème extrêmement sensible dans la CGT avec des opinions différentes pour ne pas dire parfois opposées, comme nous avons pu le vérifier à nouveau durant les débats préparatoires et ceux qui se sont tenus à Dijon du 13 au 17 mai durant le 52èmecongrès confédéral.
Beaucoup de discussions se focalisent en interne sur la Confédération européenne des syndicats (CES)3, la place de la CGT dans cette confédération ou sa sortie, mais la question essentielle n’est pas la CES mais bien la capacité de la CGT à réfléchir, analyser, proposer par elle-même des voies et objectifs de luttes pour nourrir des actions qui rassemblent les salariés et leurs organisations en France, en Europe et dans le Monde.
Il convient du point de vue du constat de convenir que nous nous sommes appauvris dans notre réflexion sur ce qu’est réellement cette Union européenne, son rôle, sa mission et comment la CGT peut et doit évoluer au regard des enjeux posés aux salariés et au syndicalisme pour ouvrir de nouvelles perspectives de luttes à partir du local.
Mon propos s’inscrira donc dans la continuité du travail que nous avions engagé avec Jean Pierre Page, Charles Hoareau et Jean Claude Vatan il y a maintenant trois ans dans le cadre de la rédaction du livre intitulé « Camarades je demande la parole »4.
Cette contribution s’inscrit dans cet objectif qui est pour nous de poursuivre nos explications pour essayer modestement d’éclairer les syndicalistes CGT sur les positionnements et regards du syndicat tout au long de la construction de cette Union européenne, de la Libération à nos jours, aussi bien au niveau confédéral qu’au niveau d’autres structures de la CGT.
D’où vient la construction européenne
Pour être très clair d’entrée, il faut intégrer dès le départ le fait que la construction européenne est marquée du sceau des grandes puissances financières et de l’Église catholique. Je vous invite d’ailleurs à lire l’excellente contribution de Jean Claude Vatan dans le livre « Camarades je demande la parole », l’article du journal Fakir du mois d’avril 2019 intitulé « l’Europe et le goupillon » et les travaux d’Annie Lacroix-Riz, historienne engagée dont les travaux font références en France et au plan international.
Le coup d’envoi officiel de la construction européenne a été donné le 19 septembre 1946 dans un discours à Zurich prononcé par l’ancien premier ministre britannique Winston Churchill invitant les pays européens à constituer les « États-Unis d’Europe », projet soutenu par les U.S.A. Mais il faut bien mesurer que pendant l’occupation nazie, dès le début des années 40, des représentants de la finance, des banques, des grandes industries se sont réunis en Autriche pour préparer l’après-guerre et se répartir les marchés et les territoires comme vous pourrez le découvrir dans les travaux d’Annie Lacroix-Riz.
L’édification de ce projet passe par le plan économique Marshall imposé par les USA aux pays de l’Europe occidentale dans le cadre de l’aide à la reconstruction. Dès les 12-13 novembre 1947, par 857 voix contre 127 voix, le Comité confédéral national (CCN) de la CGT condamnait le Plan Marshalld'aide américaine à la France, dont résulterait « l'asservissement économique de la France » aux États-Unis. Le clivage entre les "pour" et les "contre" à cette motion est celui formé entre la majorité de la CGT et la minorité qui allait devenir la scission syndicale Force ouvrière5.
L’appréciation de la CGT s’avérait tout à fait pertinente puisque quelques mois plus tard le 16 avril 1948 était créée l’Organisation européenne de Coopération économique (OECE), destinée à faciliter la répartition de « l’aide » économique américaine à l’Europe, donc du plan Marshall. Cette OECE sera remplacée en 1960 par l’Organisation de Coopération et de Développement économique (OCDE), et élargie aux U.S.A et au Canada.
Le 4 avril 1949, la France avec neuf pays d’Europe signe avec Le Canada et les U.S.A à Washington le pacte de l’Atlantique nord. Le traité à vocation défensive, donne naissance à l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN), son organe militaire intégré.
Le 9 mai 1950, dans une déclaration rédigée par Jean Monnet, Commissaire général au plan, le ministre français des affaires étrangères, Robert Schuman, appelle à une coopération franco-allemande dans le domaine de la production du charbon et de l’acier qui sera ratifiée le 18 avril 1951 par un traité établissant la Communauté européenne du Charbon et de l’Acier (CECA).
Dès le 9 janvier 1956, le Bureau confédéral de la CGTpose les raisons de l’opposition de la confédération aux projets de Marché commun. Dans son communiqué (...)
Cher.e.s camarades,
Tout d’abord je tiens à remercier les animateurs de votre syndicat, particulièrement Michel Pénichon pour cette invitation à participer à votre réflexion et échanges sur un thème d’actualité « la CGT et la construction de l’Union européenne ». J’ai accepté d’être parmi vous ce soir en remplacement de Jean Pierre Page2retenu hors de nos frontières durant cette période pour vous livrer quelques réflexions, faits et pistes pour le combat syndical.
Votre initiative se situe dans un moment très particulier, une semaine après le congrès confédéral de la Confédération générale du Travail (CGT) et deux jours après des élections européenne, dont les résultats devraient alerter tous les progressistes, toutes celles et ceux qui se confrontent au système économique en place et à la pression qu’il organise sur le peuple avec l’aide des institutions.
Pour celles et ceux qui en doutaient encore, l’Union européenne constitue un thème extrêmement sensible dans la CGT avec des opinions différentes pour ne pas dire parfois opposées, comme nous avons pu le vérifier à nouveau durant les débats préparatoires et ceux qui se sont tenus à Dijon du 13 au 17 mai durant le 52èmecongrès confédéral.
Beaucoup de discussions se focalisent en interne sur la Confédération européenne des syndicats (CES)3, la place de la CGT dans cette confédération ou sa sortie, mais la question essentielle n’est pas la CES mais bien la capacité de la CGT à réfléchir, analyser, proposer par elle-même des voies et objectifs de luttes pour nourrir des actions qui rassemblent les salariés et leurs organisations en France, en Europe et dans le Monde.
Il convient du point de vue du constat de convenir que nous nous sommes appauvris dans notre réflexion sur ce qu’est réellement cette Union européenne, son rôle, sa mission et comment la CGT peut et doit évoluer au regard des enjeux posés aux salariés et au syndicalisme pour ouvrir de nouvelles perspectives de luttes à partir du local.
Mon propos s’inscrira donc dans la continuité du travail que nous avions engagé avec Jean Pierre Page, Charles Hoareau et Jean Claude Vatan il y a maintenant trois ans dans le cadre de la rédaction du livre intitulé « Camarades je demande la parole »4.
Cette contribution s’inscrit dans cet objectif qui est pour nous de poursuivre nos explications pour essayer modestement d’éclairer les syndicalistes CGT sur les positionnements et regards du syndicat tout au long de la construction de cette Union européenne, de la Libération à nos jours, aussi bien au niveau confédéral qu’au niveau d’autres structures de la CGT.
D’où vient la construction européenne
Pour être très clair d’entrée, il faut intégrer dès le départ le fait que la construction européenne est marquée du sceau des grandes puissances financières et de l’Église catholique. Je vous invite d’ailleurs à lire l’excellente contribution de Jean Claude Vatan dans le livre « Camarades je demande la parole », l’article du journal Fakir du mois d’avril 2019 intitulé « l’Europe et le goupillon » et les travaux d’Annie Lacroix-Riz, historienne engagée dont les travaux font références en France et au plan international.
Le coup d’envoi officiel de la construction européenne a été donné le 19 septembre 1946 dans un discours à Zurich prononcé par l’ancien premier ministre britannique Winston Churchill invitant les pays européens à constituer les « États-Unis d’Europe », projet soutenu par les U.S.A. Mais il faut bien mesurer que pendant l’occupation nazie, dès le début des années 40, des représentants de la finance, des banques, des grandes industries se sont réunis en Autriche pour préparer l’après-guerre et se répartir les marchés et les territoires comme vous pourrez le découvrir dans les travaux d’Annie Lacroix-Riz.
L’édification de ce projet passe par le plan économique Marshall imposé par les USA aux pays de l’Europe occidentale dans le cadre de l’aide à la reconstruction. Dès les 12-13 novembre 1947, par 857 voix contre 127 voix, le Comité confédéral national (CCN) de la CGT condamnait le Plan Marshalld'aide américaine à la France, dont résulterait « l'asservissement économique de la France » aux États-Unis. Le clivage entre les "pour" et les "contre" à cette motion est celui formé entre la majorité de la CGT et la minorité qui allait devenir la scission syndicale Force ouvrière5.
L’appréciation de la CGT s’avérait tout à fait pertinente puisque quelques mois plus tard le 16 avril 1948 était créée l’Organisation européenne de Coopération économique (OECE), destinée à faciliter la répartition de « l’aide » économique américaine à l’Europe, donc du plan Marshall. Cette OECE sera remplacée en 1960 par l’Organisation de Coopération et de Développement économique (OCDE), et élargie aux U.S.A et au Canada.
Le 4 avril 1949, la France avec neuf pays d’Europe signe avec Le Canada et les U.S.A à Washington le pacte de l’Atlantique nord. Le traité à vocation défensive, donne naissance à l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN), son organe militaire intégré.
Le 9 mai 1950, dans une déclaration rédigée par Jean Monnet, Commissaire général au plan, le ministre français des affaires étrangères, Robert Schuman, appelle à une coopération franco-allemande dans le domaine de la production du charbon et de l’acier qui sera ratifiée le 18 avril 1951 par un traité établissant la Communauté européenne du Charbon et de l’Acier (CECA).
Dès le 9 janvier 1956, le Bureau confédéral de la CGTpose les raisons de l’opposition de la confédération aux projets de Marché commun. Dans son communiqué (...)
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