Jean-Luc Mélenchon, leader de La France Insoumise, en première ligne contre la politique néolibérale du président Macron (Photo GUE/NGL).
J-L Mélenchon perquisisionné chez lui à l'heure du laitier comme un vulgaire délinquant
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du PTB (Parti du Travail de Belgique)
Il y a un peu moins d'un an, des membres de la France Insoumise (gauche radicale) se retrouvaient au cœur d'une quinzaine de perquisitions menées par une centaine de policiers. Derrière les images chocs qui avaient fait le tour du web, c'est une certaine idée de la France « made in Macron » qui se révélait.
Le 19 et 20 septembre, Jean-Luc Mélenchon, dirigeant de la France Insoumise (LFI), devra comparaître devant le tribunal. Le 16 octobre de l'année dernière, des images montrant Mélenchon hors de lui font le tour du web francophone. La vidéo, tournée par un membre de LFI, est utilisée par les adversaires politiques (et médiatiques) de l'ancien candidat de la gauche radicale pour montrer son prétendu visage autoritaire et colérique. Pourtant, derrière ces images, c'est une vision de la démocratie sauce Macron qui est en jeu.
Pour comprendre toute cette affaire, il faut rappeler le contexte. Le pouvoir est alors embourbé en plein scandale Benalla, du nom de cet employé du président Emmanuel Macron qui s'est rendu coupable de plusieurs exactions. L’Élysée ne sait comment s'en sortir. Aubaine pour celui-ci, une élue du Rassemblement national (RN, ex-FN, extrême droite) accuse LFI d'employer des assistants parlementaires européens de manière fictive. Et le président de la Commission des comptes de campagne (CNCCPF) a décidé de « signaler » les dépenses de LFI durant la dernière campagne présidentielle. Réponse de la LFI : « La commission nationale des comptes de campagne a validé le 13 février 2018 les comptes de Jean-Luc Mélenchon sans aucune irrégularité. Ce n'est pas le cas pour ceux d'Emmanuel Macron pour lequel des irrégularités ont été notées... »
C'est ainsi que le 16 octobre au matin, la police effectue des perquisitions chez la France Insoumise. Ses membres sont empêchés d'assister aux perquisitions. Or, c'est illégal. « On doit toujours bosser en présence de l’occupant ou des témoins. C’est ce qui garantit l’absence de contestation par les suspects de preuves que l’on pourrait trouver », explique un commissaire de police.1
Autre problème : aucun procès verbal (PV) n'a été dressé à la suite de ces perquisitions. Aucun moyen pour LFI de savoir ce qui a été pris exactement. Manuel Bompard, directeur de campagne de Jean-Luc Mélenchon lors de la présidentielle, s’indigne : « D’un côté, le procureur nous a dit qu’il n’avait rien pris, de l’autre les policiers nous ont expliqué qu’ils emportaient des scellés provisoires. Résultat, je ne sais pas ce qui a été saisi, je ne sais pas s’ils ont emporté des copies de nos fichiers informatiques comme les adhérents ou les donateurs. ».2 Comme le rappelle le commissaire cité avant, « chaque perquisition, qu’on ait récolté ou non des documents, doit faire l’objet d’un procès-verbal. C’est systématique ! Si l’occupant refuse de le signer, son refus est noté dans le PV. C’est un document essentiel pour la procédure. On y fait notamment l’inventaire de ce qu’on a récupéré sur les lieux. »
Pour le professeur de Droit Paul Cassia, c'est une atteinte grave à la démocratie. « Les conséquences concrètes des perquisitions du mardi 16 octobre sont d’une gravité démocratique inouïe, monstrueuse : depuis cette date et pour une durée indéterminée, des documents – clés USB, fichiers informatiques, carnets… – retraçant la vie d’un parti politique d’opposition, contenant des pans entiers de la vie privée de ses dirigeants, sont entre les mains du ministère de la Justice et du ministère de l’Intérieur ! Les agents publics qui les détiennent peuvent les exploiter à leur guise ! Ils peuvent les copier, et c’est sans doute déjà fait pour tout ou partie d’entre eux ! Leurs propriétaires n’ont pas de moyens légaux de récupérer les originaux des supports papiers ou informatiques tant que l’affaire n’aura pas été classée sans suite par le parquet ou tant qu’une information judiciaire n’aura pas été ouverte ! L’exécutif est en capacité de se faire communiquer le contenu ou le résultat de l’exploitation de tous ces supports informatiques ou papier ! ».3
L'ampleur des moyens étonne. Quinze perquisitions le même jour, au domicile ou au bureau de membres de LFI, qui ont mobilisé une... centaine de policiers... De là à y voir la main du gouvernement, il n'y a qu'un pas. Franchi par la députée Danièle Obono : « De notre point de vue, il s'agit d'une affaire politique, clairement (…) Une perquisition de cette ampleur-là (…) ne se fait pas sans que la garde des Sceaux et le ministre de l'Intérieur, donc le Premier ministre, soient au courant. (…) Il y a une exception dans la disproportion des moyens mis en œuvre ».4
Le député européen du PTB, Marc Botenga, qui siège dans le groupe de la Gauche unitaire européenne (GUE) avec LFI, dénonce cette situation inquiétante : « Le président des ultra-riches semble vouloir museler les oppositions. Tantôt en gouvernant ‘par décret’, afin de mettre hors-jeu le parlement, tantôt par des lois remettant en cause la liberté de manifester. Il est clair que la justice ne doit jamais servir d’arme de persécution politique. »
L'affaire est maintenant devant la justice. Jean-Luc Mélenchon comparaîtra ces 19 et le 20 septembre devant le tribunal correctionnel entre autres pour s'être opposé à cette perquisition dans les locaux de LFI.
1. « Perquisition au parti de Mélenchon : la procédure pourrait-elle être annulée ? », Marianne, 18 octobre 2018 • 2. Idem • 3. « Perquisitions France insoumise » : la faute du parquet », Blog de Mediapart, 22 octobre 2018 • 4. Europe 1, 19 octobre 2018