Christophe Castaner vient d'annoncer le retrait de la GLI-F4, responsable de nombreuses mutilations. Mais sa remplaçante légèrement différente reste elle-même très puissante… et dangereuse.
«Il faut prendre des décisions. Et j’en prends une immédiatement, a annoncé le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner, interrogé sur les blessés lors des dernières manifestations, dans Dimanche en politique (un peu avant 13 minutes d’émission).
Ces grenades explosives dites GLI-F4 qui ont comme défaut de contenir de l’explosif, qui ne servent aux policiers que dans les cas les plus graves, j’ai pris la décision de les retirer, pour anticiper les conclusions que nous allons rendre dans le cadre du nouveau schéma national de maintien de l’ordre public. Elles n’ont pas une couleur, elles n’ont pas un signalement spécifique et il est arrivé, il y a plusieurs mois, que des policiers soient obligés de les utiliser pour se désengager d’une menace et que des manifestants les prenant volontairement en main se blessent gravement.
C’est la raison pour laquelle je pense qu’il nous faut retirer les GLI-F4 de l’usage de la police.»
Comme l’ont remarqué de nombreux observateurs du maintien de l’ordre, cette annonce n’a rien d’une révolution. Notamment parce que la GLI-F4 n’est plus produite depuis 2014, et que le ministère de l’Intérieur annonçait il y a déjà un an et demi qu’elle serait utilisée jusqu’à l’épuisement des stocks. Interrogé par Libération sur la quantité de GLI-F4 restantes dans les armureries de la police et de la gendarmerie, le cabinet du ministère de l’Intérieur n’a pas répondu.
Un document interne de l’entreprise Alsetex disponible sur le site du collectif «Désarmons-les» et également consulté par Libé fait précisément état du remplacement, pour produire un effet sonore, de l’explosif de la GLI-F4 par «une composition pyrotechnique» dans la GM2L.
Le document d’Alsetex, intitulé «substitution de la grenade GLI-F4 par la GM2L» notait toutefois que le fonctionnement des deux grenades était «identique».
En effet, l’absence revendiquée d'«éclats brisants» et le remplacement de l’explosif par une «composition pyrotechnique» ne font pas, loin s’en faut, de la GM2L une munition inoffensive.
Dans son mémoire de défense devant le Conseil d’Etat en mai dernier (consulté par Libération) voilà ce qu’écrivait la place Beauvau : «Le choix de la grenade GM2L, dont la puissance (et donc la dangerosité pour quiconque voudrait ramasser un tel projectile) est quasiment similaire à celle de la GLI-F4, malgré l’absence d’explosif […]»
En clair, et alors que c’est l’argumentaire utilisé par Christophe Castaner pour justifier le remplacement : la GM2L n’est pas moins dangereuse que la GLI-F4, connue pour avoir arraché des mains, pour quiconque la ramasserait.
Auprès de l’Essor, le général de gendarmerie Bertrand Cavallier, estimant nécessaire le maintien d’un usage encadré de ces armes, affirmait également à propos de la GM2L :
«Retenons quelques données simples à comprendre. Dès lors qu’une munition produit une forte intensité sonore, celle-ci est associée à un phénomène de souffle, c’est-à-dire de compression de l’air. Il en ressort des risques de lésions auditives pour ceux qui sont à proximité immédiate de la munition lors de sa détonation/déflagration. Par ailleurs, toute composition pyrotechnique peut causer des lésions cutanées, musculaires, osseuses… Il en va de même pour cette nouvelle grenade.»