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NBH-pour-un-nouveau-bloc-historique.over-blog.com  

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Johann Chapoutot  est historien, professeur d’histoire contemporaine à l’Université Paris-Sorbonne, spécialiste du nazisme. Il nous offre un livre d'histoire et une réflexion sur notre société : Libres d'obéir sous-titré Le management, du nazisme à aujourd’hui

Le sous-titre est important.

Pour avoir lu La loi du sang (nrf Gallimard), La révolution culturelle nazie (nrf Gallimard), Le nazisme et l'Antiquité (PUF) Le meurtre de Weimar (PUF) et le Hitler co-écrit par J. Chapoutot et E. Traverso (PUF), nous pouvons certifier l'ampleur et l’originalité de l'approche du phénomène nazi de J. Chapoutot.

 

                                                                       Johann Chapoutot

 

Tout en analysant profondément les spécificités du nazisme, l'historien montre aussi  que le nazisme n’est pas un aberration, une exception allemande, mais bien un épisode ancré dans l’histoire européenne.

A travers son étude sur le management nazi (Menschenführung) il décrit le fonctionnement de la polycratie nazie, la multiplication des agences indépendantes de l'Etat et il montre que le nazisme n'aime pas l'Etat contrairement à ce que l'on peut imaginer. Les nazis apparaissent en fait comme des anti-étatistes convaincus,eux qui veulent que les méthodes managériales du privé soient transposées à l'administration, ce qui explique d'ailleurs la continuité et la postérité des idées phares du management nazi après guerre.

La "liberté germanique" s'exprime dans son management :flexibilité, performance, objectif, mission, rentabilité, termes qui ont un écho contemporain...On peut en effet dire avec Chapoutot que la matrice de notre management se trouve bien là, dans l'approche nazi du management, sans confondre évidemment les deux choses.

Le "management par objectifs"actuel, dont on a pu voir les conséquences tragiques au procès de France Telecom, continue la même démarche inscrite dans la logique du capitalisme.

Une des inspiration centrale du nazisme est le darwinisme social et "devrait nous amener à réfléchir à ce que nous sommes, pensons et faisons" précise fort pertinemment J. Chapoutot.   

Autre aspect relevé par J. Chapoutot : le but de ce management, comme la cogestion après guerre,  est aussi"d'éviter la lutte des classes et la tentation communiste". On voit aussi combien les réseaux actifs et puissants des anciens de la SS ou du SD investissent les positions de pouvoir dans la RFA tant politiques qu'économiques.

La continuité des principes qui animent le management sous le IIIe Reich et la RFA tiennent à la liberté d'obéir car c'est bien cela qu'il s'agit : les dirigeants fixent les fins, les cadres déterminent les moyens sous prétexte de liberté et d'autonomie.

Autre facette du nazisme que Johann Chapoutot souligne : le fait que le régime hitlérien cherche en permanence le consentement et même l'adhésion du peuple, une fois les ennemis politiques et raciaux éliminés. Et pour ce faire le nazisme "achète" les Allemands. Le régime veut rendre le lieu de travail "beau et heureux" : réflexion sur la décoration, l'ergonomie, la sécurité et les loisirs sur les lieux de production. "L'heure n'est pas encore au baby-foot, aux cours de yoga ni aux chief happiness officers, mais le principe et l'esprit sont bien les mêmes".


Bref ce livre apporte un éclairage nouveau, dans la continuité du remarquable et impressionnant travail de Chapoutot, sur le nazisme. Il démontre avec des références historiques incontestables et des parcours archétypaux des hauts cadres nazis, tel Reinhard Höhn, combien le darwinisme social, idéologie commune à toutes les formes du capitalisme, est le ventre toujours fécond d'où a jaillit le monstre.

 

                                          Collage de John Heartfield 

La signification du salut hitlérien

 

Et c'est cela que les néo-libéraux ne pardonnent pas à J. Chapoutot. Néo-libéraux de "gauche" ou de droite. Ainsi Guillaume Erner, présentateur et producteur de la Matinale de France Culture, s'est fendu d'un violent édito à charge contre l'essai de Johann Chapoutot. Pourquoi ce déchaînement frisant la calomnie et l’amalgame? Certes de toute évidence Erner n'a pas lu le livre. Sinon cela voudrait dire que sa malhonnêteté est totale.

Est-ce possible? Non bien sûr.

Donc comment expliquer cette rage qui lui fait dire...n'importe quoi. En fait les chiens de garde, gardent. Gardent quoi ? La maison de leur maître. Quelle maison ? Le capitalisme.

Or démontrer de façon clinique, scientifique, rigoureuse et argumentée que le capitalisme est de façon intrinsèque porteur du virus du darwinisme social et que le nazisme est une des formes que peut prendre le capitalisme dans certaines circonstances historiques est insupportable aux hargneux toutous.

Pensez-vous ! Répéter ce que toute l'historiographie admet depuis des lustres à savoir que le nazisme est la dictature terroriste du capital financier (Industrie+Banque), répéter ce que raconte le roman d'Eric Vuillard L’ordre du jour, redire la célèbre phrase de Brecht "Le ventre est encore fécond..." est susceptible d'excommunication. Mais démontrer que le management est porteur d'une vision darwiniste social commune au nazisme et au capitalisme contemporain mérite le bûcher.

Mais laissons les roquets à leurs jappements et précipitez vous pour lire et débattre des livres de Johann Chapoutot.

 

Antoine Manessis.

 

Tag(s) : #Idéologie
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